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CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU)


d’Angleterre, Marie d’Esté, femme de Jacques II. C’était facile, car elle n’avait pu oublier son prédicateur de 1676, le P. de la Colombière. De son exil royal à Saint-Germain-en-Laye, elle écrivit au pape en 1697, lui demandant d’accorder aux monastères de la Visitation la fête du Sacré-Cœur, avec messe propre, le vendredi après l’octave de la Fête-Dieu. Le pape, suivant l’usage, renvoya la cause à la S. C. des Rites. Le cardinal de Forbin Janson, évêque de Beauvais, alors ambassadeur de Louis XIV à Rome, s’en fit le ponent. Il prit pour postulateur ou avocat de la cause, Prigidiano Castagnori ; celui-ci présenta un long mémoire à la S. C. pour exposer la question et obtenir la fête demandée. Le promoteur de la foi, Prosper Bottini, archevêque de Myre, fit les objections suivant l’usage. La principale était la nouveauté, puis aussi les conséquences qu’on en tirerait pour établir d’autres fêtes, notamment celle du Cœur de Marie. Le postulateur répliqua, résolvant les objections et rappelant les mérites de la reine d’Angleterre. La S. C. rendit son décret le 30 mars 1697. Elle accordait aux monastères de la Visitation la messe des Cinq Plaies pour la fête du Sacré-Cœur. Nilles, loc. cit., p. 23.

Ce n’était qu’une demi-satisfaction. Dix ans plus tard, les visitandines renouvelèrent leurs instances auprès de Clément XI, pour avoir la messe propre. Le pape leur répondit, le 4 juin 1707, en louant leur zèle, leur piété, leur prudence dans la conduite de cette affaire, qu’elles attendissent donc en paix le jugement de l’Église ; par cette soumission sincère elles arriveraient en droite ligne au Cœur même du Seigneur. Nilles, loc. cit., p. 13.

Dans l’intervalle, le livre du P. Croiset avait été mis à l’Index, 1704. Pourquoi ? Le P. de Gallilfet l’expliquait ainsi à Ma r Languet, 20 ans plus tard : « La nouveauté de la chose, quelques manquements de formalités requises ici, et peut-être un peu de malignité de la part des hommes et beaucoup certainement de la part de l’enfer. » Cité par Letierce, t. il, p. 96. Le livre ne laissa pas de se propager : il fut traduit en italien en y corrigeant les défauts de formalités ; même en France, il recevait de grands éloges de Ma r Languet, qui le recommandait, sans faire la moindre allusion à l’Index. Languet, Vie, édit. Gauthey, p. 432.

Malgré tous les obstacles, la dévotion continuait de se répandre dans le public. Les confréries se multipliaient avec approbation et indulgences de Rome. Les ursulines de Vienne imitaient les visitandines de France ; la Pologne s’ouvrait toute grande au Sacré-Cœur.

La peste de Marseille, en 1720, fut peut-être la première occasion d’une consécration solennelle d’un culte public en dehors des communautés religieuses. On sait comment Marseille avait été chaud pour le Sacré-Cœur dès les temps de Marguerite-Marie. Depuis quelques années, une autre visitandine, Anne-Madeleine Rémusat, y soufflait la même dévotion. Elle avait annoncé le fléau de 1720. Quand il éclata, Notre-Seigneur lui indiqua le remède dans la dévotion à son Sacré-Cœur. Amende honorable et consécration furent faites par Ma r de Belzunce au milieu des larmes et des sanglots de tout un peuple ; et la fête fut établie pour l’année suivante. Aussitôt la peste cessa. En 1722, elle reparut. Cette fois, les magistrats eux-mêmes firent un vœu solennel de fêter désormais le Sacré-Cœur par messe, communion, hommages et procession solennelle. D’autres villes, frappées ou menacées, recoururent de même au Sacré-Cœur : Aix, Arles, Avignon, Toulon. Ce fut une supplication générale. Ainsi la dévotion devenait populaire.

2° La fête du Sacré-Cœur. Nouvel effort à Rome sous Benoit XII 1, H-26-HW. Suce ! s sous Clément XIII, 1765. Extension sous Pie IX, 1856, et sous Léon XIII, issu. — En 1726, on crut le moment venu de reprendre la cause à Rome. Le roi de Pologne, auquel s’adjoignit plus tard le roi d’Espagne, les évéques de Cracovie et de Marseille, les visitandines adressèrent une supplique

à Benoit XIII pour obtenir la fête et l’office propres. On y montrait la dévotion répandue dans toute l’Église, chère aux évéques, chère aux peuples ; on rappelait le désir exprimé par Notre-Seigneur à la B. Marguerite-Marie. L’àme du mouvement était le P. de Gallifi’et, assistant de France à Rome, postulateur de la cause. Il publia en latin son livre sur le Sacré-Cœur et prépara toutes les pièces à la perfection.

On jugeait le succès assuré. Prosper Lambertini, le futur Benoit XIV, était alors promoteur de la foi. Le P. de Gallifi’et le croyait favorable à la cause. Pape, il accepta la dédicace d’une édition nouvelle du livre de Gallifi’et, et donna libéralement des bulles en faveur des confréries du Sacré-Cœur. Il ne paraît pas qu’il fût pour une fête nouvelle. Il fit consciencieusement son rôle « d’avocat du diable » . Les objections furent les mêmes à peu près que trente ans plus tôt : la fête était nouvelle ; le cas de Marguerite-Marie n’était pas tranché ; une fois lancé dans cette voie où s’arrêterait-on ? A tout cela Gallilfet avait réponse. Mais Lambertini donna de vive voix, aux cardinaux, une raison qui les émut davantage. La cause supposait le cœur organe du sentiment. Or c’était là, dit Lambertini, une opinion philosophique discutable et discutée, où il ne fallait pas compromettre l’Église. Cela surtout fit hésiter. Pour ne pas dire : Non, la S. C. répondit le 12 juillet 1727 : Non proposita. Malgré tout, on insisla, on revint à la charge. Le 30 juillet 1729, la S. C. répondit : Négative. Ce fut grande déception. Cependant la dévotion faisait son chemin malgré les clameurs des jansénistes et des philosophes. La reine de France, Marie Leczinska, avait déjà écrit à Benoit XIV pour obtenir la fête ; le pape se contenta de lui envoyer des images du Sacré-Cœur, brodées d’or et de soie. Nilles, 1. I, part. I, c. ni, § 1, p. 89, d’après Ferd. Tetamo. Les suppliques arrivaient de toute part, de Pologne, d’Espagne, d’Amérique, d’Allemagne, d’Italie, d’Orient. Nilles, loc. cit., p. 87-100.

En 1765, Clément XIII reprit la cause. Le Mémoire des évéques polonais fut présenté à la S. C. des Rites par J. B. Alegiani. On peut le voir dans Nilles, loc. cit. f S 3 (c’est 2 qu’il faudrait), p. 100-144 ; avec les répliques aux « exceptions » du promoteur de la foi, c’est tout un traité de la dévotion au Sacré-Cœur, largement inspiré de Gallilfet. On y explique l’origine, le développement, la nature du culte. On y signale l’existence d’au moins 1090 confréries du Sacré-Cœur érigées dans le monde entier, la diffusion universelle du culte, les approbations épiscopales, l’acceptation par presque toutes les congrégations religieuses, § 3, n. 18-23. Nilles, p. 108111. Le Mémoire se termine par la demande d’une fête avec messe et office propres. On voudrait bien que ce fût donné pour l’Eglise universelle ou du moins pour tous les royaumes, provinces ou diocèses qui ont exprimé le même désir. Mais pour être plus sûr d’obtenir, on se contente de la demander pour la Pologne, pour l’Espagne, pour l’archiconfrérie du Sacré-Co ?ur, établie à Rome et pour toutes les confréries affiliées ; et l’on supplie que la fête soit fixée au vendredi qui suit l’octave du Saint-Sacrement. Memoriale, § 8, n. 73-80. Nilles, p. 139-1 14. Le 25 janvier 1765, la S. C. des Rites donnait enfin le décret tant désiré. Considérant la diffusion universelle du culte, tant de brefs déjà donnés en sa faveur, tant de confréries érigées, on ampliail le culte déjà existant, en lui donnant une fête, après avoir expressément remarqué qu’on s’écartait du décret de juillet 1729. Le 6 février, Clément XIII approuvait le décret. Texte dans Nilles, toc. cit., % 4, p. 152. Cf. Gardellini, Décréta autlientica, 1857, n. 4579, t. iii, p. 174 Le 1 1 mai de la même année, la S. C. approuvait la messe et l’office pour la Pologne et pour l’archiconfrérie. Le 10 juillet, les visitandines obtenaient la fête pour elles-mêmes, De toul côté, on la demanda, et il suffisait de la demander pour l’obtenir. Bref, en 1856, la