Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

3D7

COMMERCE

308

naissance. Le commerce a été international avant d’être intérieur.

Le marchand a d’abord pris la forme de marchand ambulant. Tous les pays où le commerce est encore peu développé en sont encore à ce type : le commerce s’y fait par caravanes. On le retrouve dans nos villages sous la figure du colporteur. Mais ce système du marchand voyageant avec sa marchandise ne peut s’appliquer qu’à des produits d’un transport facile, et surtout est très onéreux, parce qu’il grève chaque article de frais généraux énormes. Les profits des marchands qui vont en caravane dans l’Afrique centrale doivent être de 400 p. 100 au moins pour être rémunérateurs.

Le commerce sédentaire est né avec le commerce local, mais à une époque relativement récente, sous l’influence du système des corporations. L’échange découle nécessairement de la séparation des métiers. Toutefois le commerce est renfermé dans les murailles de la même ville, c’est sur le marché urbain que se rencontrent les producteurs et les consommateurs qui sont concitoyens. Les marchands du dehors arrivent pourtant à pénétrer, mais non sans peines et sans luttes et seulement sous certaines conditions rigoureuses.

Le grand commerce sédentaire date du xvi c siècle, où des entreprises de transport se constituent et permettent aux négociants de traiter leurs affaires par lettres, sur échantillons sans être obligés de transporter eux-mêmes leurs marchandises. L’évolution du commerce a suivi celle de l’industrie des transports. Sous le régime des manufactures le marché s’élargit et devient national. On a fait remarquer que l’établissement du marché national coincide à peu près avec la constitution des grands États modernes et avec le système des fortifications nationales de Vauban substitué aux fortifications urbaines.

Le marché s’élargit encore en devenant colonial, et c’est alors que se créent, au xvii c siècle, ces grandes compagnies de commerce qui jouèrent un rôle si considérable, par exemple la Compagnie des Indes anglaises. En même temps la spécialisation s’opère : le nombre des genres de commerce distincts s’élève à plusieurs centaines ; les intermédiaires eux-mêmes, courtiers et autres, s’adonnent à une nature déterminée d’affaires.

Enfin, dans la phase de l’industrie mécanique et des chemins de fer. le marché devient véritablement international, mondial. L’évolution vers la grande industrie a eu pour effet de diminuer le nombre des intermédiaires et de favoriser la concentration des entreprises commerciales. Autrefois, d’importantes branches de commerce de gros se plaçaient entre les producteurs de matière première et les fabricants de la petite industrie ; aujourd’hui, beaucoup de manufacturiers, au lieu de se fournir chez les intermédiaires, font directement leurs commandes dans le pays de production.

Quant aux produits achevés, les habitudes du commerce se transforment également : entre le labricant de ces produits et le consommateur s’interposaient presque toujours des négociants qui vendaient aux détaillants, de sorte que le consommateur n’avait affaire qu’à ceux-ci : il n’en est plus de même aujourd’hui grâce à la concurrence des grands magasins et des sociétés coopératives de consommation.

Bien des facteurs ont concouru à ces transformations de la vie commerciale. *>n doit citer en première ligne te développement des voies de communication et des moyens de transport. Les applications de la vapeur et de l’électricité aux divers procédés de locomotion, soit sur terre, soit par eau, ont en quelque sorte reculé’les bornes du monde et rapproché’tous les peuples. L’Océan, qui était jadis un obstacle, est devenu un trait d’union entre les nations. Des navires de plus de deux cents mètres, qui transportent plusieurs milliers de tonnes de marchandises, traversent l’Atlantique en quelques jours.

La création de la marine à vapeur a prodigieusement accru la circulation des marchandises, en même temps qu’elle a assuré à leur livraison une régularité presque mathématique. En 18C0, le transport d’un hectolitre de froment coûtait, de Chicago à New-York, 4 fr. 50, et 2 fr. 80 de New-York à Liverpool, soit 7 fr. 30 du lieu de production au lieu de vente. Aujourd’hui, on ne compte guère plus de 70 centimes de Chicago à New-York et un peu plus d’un franc de New-York à Liverpool. Le prix de vente de toutes les denrées agricoles a, par suite, en dépit des barrières douanières, une tendance de plus en plus marquée à se niveler sur toute la surface du globe.

Les progrès du machinisme ont eu aussi sur le commerce une profonde répercussion. Ils ont eu d’abord cet effet que la production a, depuis quelques années, grandi plus vite que la consommation. Le marché se trouve donc aujourd’hui fréquemment encombré par des stocks de produits fabriqués, qu’il faut vendre et vendre parfois au-dessous de leur valeur, ce qui est fatalement un danger et un trouble.

La concentration des capitaux entre les mains des banquiers et la multiplication des Bourses de commerce ont eu aussi des répercussions. Les commerçants sont obligés maintenant de suivre les variations des cours avec la même attention que les fabricants qui, en vue d’une hausse de la matière première, font des provisions, afin de couvrir leurs besoins pendant un certain temps.

Division du commerce.

1. Commerce de gros et

commerce de détail. — Dans le commerce de détail, le marchand se trouve à portée du consommateur, lui livre ses marchandises au petit poids et à la petite mesure. Le négociant en gros est l’intermédiaire premier entre le producteur et le public ; souvent encore le producteur fait lui-même ce genre de négoce. Entre le producteur ou le négociant de gros et le consommateur il y a souvent, non pas un seul intermédiaire, mais une hiérarchie de détaillants. Celui de la campagne se fournit à la ville voisine, celui de la petite ville s’adresse à la grande. Chaque intermédiaire est pour le consommateur une charge de plus et néanmoins il remplit un rôle utile.

D’abord, il est impossible au producteur de se faire boutiquier, et d’ailleurs il lui faudrait faire lui-même les frais d’installation ; d’autre part, dans le système de la grande industrie, la marchandise se fabrique en masse. Le boutiquier fait provision pour le consommateur, qui préfère se fournir au magasin voisin, au fur et à mesure de ses besoins. Les intermédiaires détaillants sont donc utiles, s’ils ne sont pas trop nombreux. Mais il est clair que moins il y en a, moins la marchandise est grevée.

Quand on cherche quelle fraction du prix, payé dans un magasin pour un objet, revient réellement à celui qui l’a fabrique, on est généralement surpris de constater combien cette L’action est faible. Ce fait ne tient pas à une rémunération exagérée du capital, mais à ce qu’une part réellement énorme du labeur total de h société est absorbée par les marchands, surtout par les détaillants. On se figure que la concurrence tend à réduire au minimum cette rémunération des distributeurs ; il y a là une illusion, car l’effet de la concurrence est bien moins d’abaisser les prix que de partager la somme en un plus grand nombre d’individus et de diminuer à la fois la part de bénéfice de chacun et le nombre de ceux qui se consacrent à la production proprement dite.

Le nombre des détaillants ou boutiquiers dépasse beaucoup les besoins de la société, parfois il y en a dix pour faire un travail auquel un seul suffirait. La sociélé qui entretient dix détaillants, quand un seid suffirait à accomplir le travail, en souffre, parce qu’elle entretient des travailleurs improductifs ; le producteur et le consommateur en soutirent également, puisque pour le