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le temps de l’édit de Dèce, soit peu après la persécution de Dèce et avant la querelle sur la réitération du baptême, avec Pitra, Spicilegium, t. i, p. xxi, soit avec Aubé, en 260, sous la persécution de Valérien, soit sous Gallien et avant la persécution d’Aurélien, vers 270, avec Freppel et Bardenhewer. Les raisons en paraissent convaincantes, au moins contre les critiques qui veulent reculer l’époque de Commodien jusqu’au ve siècle. Car, d’une part, on ne trouve pas, dans les œuvres de Commodien, la moindre allusion, soit au célèbre triomphe de Constantin, soit au signe vainqueur de la croix, soit aux faveurs dont jouit alors l’Église ; et, d’autre part, plusieurs traits s’appliquent très bien au iiie siècle. Commodien, en effet, date de deux cents ans l’apparition du christianisme, Instr., vi, vs. 2, ibid., col. 205 ; il écrit dans un moment de répit qu’il qualifie de trompeur, pax subdola, Instr., lxvi vs. 7, 12, ibid., col. 252 ; il prévoit de futurs combats, Instr., liii, vs. 10, ibid., col. 241, et engage en conséquence les fidèles à assister les martyrs ou, comme il dit, à admartyrizare. Instr., lviii, vs. 19, ibid., col. 245. Les allusions au schisme de Novat, Instr., xlii, à la conduite douteuse de certains chrétiens pendant la persécution, Instr., lxi. à la discipline qu’il ne faut pas tempérer par trop de relâchement, aux déserteurs qui ne sont autres que les thurificati et les libellatici du temps de Dèce, etc., sont celles d’un contemporain de saint Cyprien ou d’un écrivain qui écrivait peu d’années après. Harnack, loc. cit., assigne à Commodien la période 260-350, et plus probablement les années qui suivirent immédiatement la persécution de Dioclétien. M. Monceaux, loc. cit., p. 452-458, adopte cette date en la précisant davantage. Les œuvres de Commodien ne peuvent être postérieures à l’édit de Milan (313). Les traits, précédemment relevés, conviennent fort bien à la période de paix menaçante (251-256) qui sépare les persécutions de Dèce et de Valérien, mais aussi à la période comprise entre 305 et 311, entre la fin des persécutions de Dioclétien et l’édit de Maxence. D’autre part, Commodien connaissait la plupart des ouvrages de saint Cyprien, et il écrivait certainement après la mort de cet évêque, donc après 258. La tolérance religieuse fait remonter à 260 au plus tôt. Il écrivait donc entre 260 et 313, et plus probablement dans les années 305-311. Enfin, s’il était démontré que Commodien a imité Lactance, dont les Institutions ont été composées entre 307 et 311, Commodien aurait écrit en 311-313.

II. Œuvres. — Il ne nous reste que deux ouvrages de Commodien, ses Instructiones et son Carmen apologeticum. Le premier, découvert par Sirmond dans un codex de Saint-Aubin d’Angers, fut d’abord édité par Rigault, à Toul, en 1649 ; le second, découvert à Middlehill, en Angleterre, dans la bibliothèque de Th. Philipps, au milieu d’un manuscrit de provenance italienne, peut-être de l’ancienne bibliothèque de Bobbio, sans nom d’auteur ou de copiste, et publié par le cardinal Pitra, à Paris, en 1852, dans son Spicilegium, t. i, p. 20-49. L’un et l’autre sont quasi versu, selon l’expression de Gennade.

Les Instructiones sont une suite de quatre-vingts poésies, portant chacune un titre. Les lettres de ce titre, l’une après l’autre, commencent chacun des vers du morceau et forment acrostiche ; il n’y a d’exception que pour la dernière pièce, dans laquelle les lettres du titre forment un acrostiche, qui doit se lire en sens inverse, du dernier vers au premier. Quant aux Instructiones xxxv et lx, les vers se succèdent et commencent chacun par une lettre dans l’ordre alphabétique. De tels procédés relèvent plus de la fantaisie que de la poésie.

Le fond vaut mieux que la forme ; c’est une série de conseils appropriés aux circonstances de la vie et relatifs aux diverses catégories de lecteurs. On y distingue trois parties : la Ire, Instructiones i-xxxvi, s’adresse aux païens pour leur démontrer la vanité des idoles et les inviter à embrasser la foi chrétienne ; la IIe, Instructiones xxxvii-xlv, vise les juifs pour leur prouver que la loi n’a été qu’une figure et les exhorter à entrer dans la religion du Christ ; elle traite de l’Antéchrist, du jugement et de la résurrection ; la IIIe, Instructiones xlvi-lxxx, s’adresse aux catéchumènes, aux pénitents, aux fidèles, aux apostats, aux présomptueux qui affrontent le martyre aux personnes qui aiment le luxe, aux lecteurs, aux diacres, aux docteurs ou pasteurs, selon les besoins de l’époque.

Le Carmen apologeticum est également en vers, mais non en acrostiches. C’est un poème suivi de 1060 hexamètres, groupés deux par deux à la façon d’un distique. Le titre a été donné par dom Pitra ; il ne répond pas à tout le contenu. Le poème une apologie ou une défense du christianisme ; c’est un exposé de la doctrine chrétienne, destiné à compléter l’instruction des fidèles et à préparer la conversion des infidèles. C’est un poème didactique, sur le ton de la prédication, avec des digressions satiriques. Il roule sur les mêmes idées que les Instructiones et les complète sur bien des points. Commodien emprunte a l’Écriture de quoi ramener les païens et les juifs comme il a été ramené lui-même. De la le tableau de l’histoire ancienne, i-xiii, vs. 1-220 ; l’énumération des prophéties de l’Ancien Testament relatives au Messie et réalisées dans la personne de Jésus-Christ, xiv-xxvi, s. 221-576 ; divers conseils adressés aux païens, xxvii-xxxv, vs. 577-582 ; et en dernier lieu un tableau de la fin du monde, xxxvi-xlvii, vs. 783-1021. Voir une analyse détaillée dans Monceaux, loc. cit., p. 469-472.

H. Waitz, Das pseudo-tertullianische Gedicht adversus Marcionem, Darmstadt, 1901, a revendiqué pour Commodien le Carmen adversus Marcionem, faussement attribué à Tertullien. Sa démonstration n’est pas absolument convaincante. Cf. Funk, Theol. Quartalschrift, 1902, t. lxxxiv, p. 137 sq.

III. Appréciation. — L’œuvre de Commodien a à la fois celle d’un apologiste et d’un moraliste. Apologiste, il s’en prend, comme ses prédécesseurs, aux païens et aux juifs, mais le ton n’est pas le même. Si, comme nous le croyons, il a écrit soit à l’époque où Gallien ordonna de rendre aux chrétiens les cimetières, les maisons et autres biens confisqués, ou bien à celle où Aurélien, à propos de Paul de Samosate, prescrivit de restituer la résidence épiscopale d’Antioche à ceux qui étaient en communion avec les évêques d’Italie, particulièrement avec celui de Rome, Eusèbe, II. E., vii, 13, 30, P. G., t. xx, col. 673, 720, on comprend qu’il n’ait pas eu à démontrer l’iniquité de la procédure suivie contre les chrétiens, ni même à plaider le droit du christianisme à l’existence ; il s’est contenté d’attaquer, dans le paganisme, ses divinités qu’il appelle des démons et quelques-uns de ses mythes qu’il qualifie d’absurdes et d’immoraux, ou bien d’arracher les juifs à leur entêtement, en leur démontrant, comme saint Justin, l’accomplissement des prophéties dans la personne du Christ. Ce qu’il demande aux juifs et aux païens, c’est de se convertir et d’embrasser le christianisme, la seule religion vraie. Voir Monceaux, loc. cit., p. 474-476.

Moraliste, il se préoccupe avant tout de voir la pratique de la piété et de la vertu chrétiennes régner souverainement dans les rangs du cierge et des fidèles. On sent un homme qui, peut-être, a distribué tous ses biens aux pauvres selon le conseil évangélique, mais qui, certainement, a voulu mener la vie des pauvres. Sur tous les problèmes de son époque, la conduite des catéchumènes, le rôle de la pénitence, la fuite en temps de persécution, les menées schismatiques, la recherche indiscrète du martyre, le sort de ceux qui sont préma-