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COMMUNION EUCHARISTIQUE (SOUS LES DEUX ESPÈCES)


autem authenticum quod quidam corpus Domini inlingunt et intinctum pro complemento communionis populo dislribuunt. Micrologus de ecclesiasticis observationibus, c. xix, P. L., t. eu, col. 989 sq. C’est cette coutume que le concile de Clermont, présidé par Urbain II, condamna en 1095 dans son canon 28e : Ne cuis communiect de altari nisi corpus separatim et sanguinem similiter sumat, nisi per necessitatem et per cautclam. Labbe-Cossart, Sacrosancta concilia, Venise, 1730, t. xii, col. 382 ; Mansi, t. xx, col. 818.

La nécessité suffisante pour légitimer cet usage est vraisemblablement celle qu’indique quelques années plus tard Pascal II dans une lettre à Pons, abbé de Cluny : Novhnus enim per se panem, per se vinum ab ipso Domino traditum. Quem morem sic semper in sancta Ecclesia conservandum docemus atque præcipimus, prseler in parvulis ac omnino infirmis qui panem absorbere non possunt. Epist., dxxv, P. L., t. Cl.xiii, col. 442. Le concile de Clermont reconnaissait aussi que l’intinctio pouvait se faire per cautelam, c’est-à-dire pour empêcher l’effusion du précieux sang toujours facilement possible dans la transmission du calice surtout à une grande foule. C’est en ce sens que s’était exprimé un peu auparavant Jean d’Avrancbes ou de Rouen († 1079) : Non autem inlincto pane, sedjuxla definitionem Toletani concilii, seorsum corpore seorsum sanguine sacerdos communicet, excepto populo quem inlincto pane, non auctoritate sed summa necessitate timoris sanguinis Christi effusionis permittitur communicare. Liber de officiis ecclesiasticis, P. L., t. cxlvii, col. 37. Au commencement du xiie siècle, la coutume de l’intinctio encore persistante à Cluny est blâmée par Pascal II dans sa lettre à Pons, abbé de Cluny, à la seule exception des enfants et des malades qui ne pourraient autrement avaler l’hostie : Igitur in sumendo corpore et sanguine Domini dominica traditio servetur, nec abeo quod Christus magister et pisecepit et gessit humana et novella institutione discedatur. Novimus enim per se panem, per se vinum ab ipso Domino traditum. Quem morem sic semper in sancta Ecclesia docemus atquc prsacipimus, prseler in parvulis ac omnino infirmis qui panem absorbere non possunt. Epist., dxxv, P. L., t. CLXIII, col. 442. Vers la même époque, Guillaume de Champeaux († 1121), dans un fragment De sacramento allaris, P. L., t. clxiii, col. 1039, soutient l’usage de l’intinctio combattu, dit-il, pour cette frivole raison que ce fut la communion reçue par Judas. Mais Guillaume déclare en même temps que c’est une hérésie d’affirmer la nécessité de la communion sous les deux espèces. Arnulphe de Hochester i ; 1124) se prononce aussi pour l’intinctio dans les termes que rapporte Mabillon. P. L., t. i.xxviii, col. 904. Quelques années plus tard, Robert Pulleyn (j* 1146) constate que, maigre l’exemple de Jésus-Christ et malgré l’interdiction de l’Eglise, pleraque per loca panis inlinctu » porrigitur, qualenus ut aiunt et juxta evangelium utrumque distribuatur et res ita securius atque expeditiu » transigatur. Sent., 1. VIII, c. iii, P. L., t. ci.xxxvi, col. 964. Observons cependant que Pulleyn, tout en combattant justementl’intinclion comme contraire à 1 institution de Jésus-Christ, nam panem intinctum quis audeat porrigere cum Dominus per se panem per se calicem porrexerit, ajoute cette raison qui manque du vérité et de solidité, bien qu’elle ail été plusieurs fois reproduite par les auteurs subséquents : Intinctut jiams inlinclæ inquinatœqtte mentis virotradebatur Judæ. Nihil taie taliterque fidelibus exhibeatur, col. 964.

Pour di iniire les restes de celle coutume que constatail encore Pulleyn, le concile de I ondresou de VY< stminster en 1175, can. 16, Hefele, op. cit., t. vii, p Statua que l’hostie consacrée ne devait point être trempée dans le vin consacré. Défense qu’il justifia au

moins partiellement par ce fait que Judas seul avait communié ainsi. Raison également reproduite par Innocent III au commencement du xiiie siècle : Quia vero Christus buccellam inlinctam Judse porrexit. Unde conslitutum est ab Ecclesia ut eucharistia non detur inlincta. De sacro altaris mysterio, 1. VI, c. xiii, P.L., t. ccxvir, col. 866. Raison qu’Innocent III complète par ce motif plus important et plus vrai : Conslitutum est nihilominus et pro hæresi exslirpanda qusc dogmatizavit Christum sub neutra specie totum existere sed sub ut raque simul existere totum.

Chez les Orientaux, l’on ne voit point de trace évidente de l’intinctio dans les neuf premiers siècles. Elle fut cependant pratiquée avant le XIe siècle, car le cardinal Humbert († 1061) en fit le reproche aux Grecs dans sa célèbre discussion. Adversus Grsecorum calumnias, c. xxxiii, P. L., t. cxliii, col. 951 sq. Les Grecs trempaient le pain eucharistique dans le précieux sang du calice et le versaient avec une cuiller dans la bouche des fidèles. Humbert leur reproche d’employer un mode de communion qui n’avait été employé que pour Judas. Au témoignage d’Allatius (-j-1669), De consensu Ecclesise occidentalis et orientalis, 1. III, c. xviii, et de domMartène († 1739), De antiquis Ecclesise ritibus, l. I, c. xiii, Rouen, 1700, t. i, p. 430, l’usage persista pendant les siècles suivants. Martène atteste qu’à son époque les Orientaux présentaient encore avec une cuiller micam sacrali panis cum sanguine inlinctam. Sur la pratique des Arméniens, voir t. i, col. 1956.

Cette courte histoire de Yintinclio en Occident et en Orient, loin de fournir une preuve en faveur de la nécessité de la communion sub utraque, est plutôt un argument de l’inexistence du précepte de communier sub specie vini, car l’on ne peut considérer cette pratique comme réalisant ce qu’exige la communion per modum polus, en tant que distincte de la communion per modum cibi. Prendre du pain additionné de quelques gouttes de vin n’est point vraiment prendre un breuvage, ce qu’exigerait cependant la communion sub specie vini. Conclusion plus évidente encore quand le pain eucharistique, sur lequel on a préalablement versé quelques gouttes du précieux sang, est gardé pendant toute l’année pour la communion des malades, comme cela se pratiquait fréquemment en Orient. Rossuet, Traité de la communion sous les deux espèces, Paris, 1836, t. ix, p. 133. On sait que cette dernière pratique fut interdite par Renoit XIV dans sa constitution apostolique Elsi pasloralis du 26 mai 1752. Gasparri, Tractatus canonicus de sanctissima eucharistia, Paris, 1897, t. il, n. 1177.

L’histoire de cette période mentionne un autre usage qui est une nouvelle preuve de l’inexistence du précepte de communier sous les deux espèces. C’est l’usage de suppléer à l’insuffisance du vin consacré par le mélange de quelques gouttes du précieux sang avec du vin ordinaire préparé dans un autre calice, ou l’usage de faire communier ainsi habituellement tout le peuple en dehors du célébrant et de ses ministres. Mabillon, Commentarius in ordinem romanum VIII, i, P. L., t. i.xxviii, col. 882 ; dom Martène, De antiquis Ecclesise ritibus, 1. I, c. xi, Rouen, 1700, t. I, p. 426 sq. Ce mélange se faisait toujours pour le peuple à la messe pontificale suivant l’ordo romanus primus, c. xix sq., rapporté- par Mabillon, P. L., t. i.xxviii, col. 946 sq., et datant dans sa forme actuelle au moins du IXe siècle. Suivant le commentaire de Mabillon, Commentarius prxvivs in ordinem romanum, c. VI, viii, xiv, col. 875, 882, 903, quand le pape avait pris une partie du précieux cang, l’archidiacre en versait un peu dans la coupe que tenait l’acoljte et qui contenait le vin destiné aux fidèles. Cette coupe ainsi sanctifiée était distribuée aux fidèles. Quelques théologiens de cette époque, à la suite d’Amalaire de MeU († 837), De ccclesiasticis of/iciis, l.l,