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COMMUNISME

naturelles du lieu et du travail n’agissent pas seules et tout mécaniquement dans l’établissement d’un régime quelconque de communisme ; la raison pratique y intervient ni pour une part, visant à ce que chacun jouiesse au mieux de ses moyens d’existence et ne soit point lésé dan son droit à la vie. Une œuvre de justice est enveloppée là dans une tâche d’intérêt. L’évolution naturelle d’un régime social ne se poursuit donc jamais sans une évolution morale, distincte et connexe. Ainsi le veut ce facteur principal de toute société, qui n’est pas le lieu ou le travail exclusivement, mais l’homme, être moral, qui doit user honnêtement du lieu et du travail.

Au point de vue de cette évolution morale, le développement organique des sociétés intéresse les moralistes ; et donc aussi les théologiens, qui sont les moralistes de l’Église et de l’Évangile. Bien qu ils ne soient pas juges des faits économiques et sociaux sous le rapport de leurs causes naturelles, les théologiens sont en droit de s’y intéresser pour leurs répercussions morales. C’est le droit avéré de leur compétence scientifique ; c’est leur devoir social, en tant que spécialistes du devoir enseigné.

Pour l’aspect moral des problèmes sociaux, voir S. Thomas Commentaire sur la politique d’Aristote, l. I, lect. i ; Ch. Antoine, Cours d’économie sociale, Paris, p. 9 ; M.-B. Schwalm, S. Thomas d’Aquin et les récents progrès de la science sociale, § 3. La science sociale et la théologie, dans la Revue thomiste, 1894, p. 645 sq.

Aux exigences des faits spontanés, s’ajoutent les théories artificielles des savants et des réformateurs sociaux qui provoquent l’intervention de l’Église, des qu’elles se posent sur le terrain de la morale.

La tradition en est ancienne : du iiie siècle au ve, la secte orientale des « apostoliques » érige le communisme en loi de l’Évangile et du salut ; cette doctrine sociale présentée au nom de la foi suscite les controverses de saint Épiphane et de saint Augustin, comme la réprobation de l’Église. S. Épiphane, Hær., lxi, P. G., t. xli, col. 1040 ; S. Augustin, Hær., xl, P. L., t. xlii, col. 32. Cette tradition n’a pas prescrit. Voir t. i, col. 1631. Les partisans du collectivisme moderne le représentent comme l’aboutissant normal du machinisme industriel et du capitalisme — et ceci regarde les économistes, les sociologues ; mais de plus, les philosophes de cette nouvelle réforme la préconisent comme un régime de justice et un progrès de la moralité. Ceci engage le débat sur un terrain où l’Église a mission de parler : c’est à ce point de vue que Léon XIII examine la notion communiste de la propriété dans l’Encyclique sur la condition des ouvriers, § Ad hujus sanationem mali.

2e cas : Il est un communisme strictement religieux, qui intéresse de soi le pouvoir de l’Église et la pensée des théologiens ; le communisme des ordres et congrégations. Dans une visée essentielle de perfection chrétienne, le monastère pratique le communisme strict : tous les biens en commun, et à chacun selon ses besoins. Aussi, voyons-nous saint Thomas se livrer à une longue monographie du communisme cénobitique : il l’apprécie au point de vue général de la perfection évangélique, et il en classe les variétés existantes, au point de vue spécial des fins hospitalières, contemplatives ou apostoliques, par où diffèrent les ordres religieux. Sum. theol., II II, q. clxxxviii, a. 7. Cf. Cont. gent., l. III, c. cxxxv ; Opuscule contre ceux qui combattent l’entrée en religion, c. xv, xvi.

Ainsi, d’une part, certaines institutions qui se développent dans l’Église, et, de l’autre, ses devoirs d’enseignement moral envers les sociétés temporelles motivent la compétence des théologiens relativement au communisme. Par suite, aux diverses périodes de son développement intime ou de ses relations extérieures, l’Église a dû maintes fois s’affirmer devant un fait ou une doctrine communiste. Ces affirmations remontent même aux origines de la tradition : il est un communisme que le Christ pratique.

III. lj’" ; ’l’après les) _ ueur

preiiii avec soi dés le commencement de sa vie publique douze disciples choisis, qu’il enlève i leurs barqi leurs familles, à leur— villages, i ton i. 16, 20 ; Matth., n. 18, 22 ; i.. 9 ; nx, S ! Il leur commande de le suivre dans son ministère nomade, afin de b-s préparer, comme dans leui no

pécheurs d bommea. i leur future dispi ! le monde, oii ils seront ses témoins. La fin essentielle da cette vie commune est donc une fin reliai totale consi cralion des apôtres à leur nu—ion. un. lion dont le sacerdoce juif ou la vie séculier ! rabbins n’offrent pas d’exemple. Édersheim, La soi (tu temps de Jésus-Christ, Paris, c. xii, p. ï.’A’i, Stapfer, La Palestine an temps de Jésus-Christ, Paris. 1892, 1. II. c. ni. p. 298. Toutefois l’établissenrtnt de la vie commune entre i i i j te

pu— l’habitude palestinienne de la communauté entre pères et (ils ou entre frères et frères, soit au foyer, Bur la barque ou sur la terre en culture. Marc, i, 16, 20 ; cꝟ. 29. [lest visible aussi que le— disciples renoi a leurs pauvres biens dans l’espoir de partager bientôt avec Jésus Messie les richesses et le— honneursdu royaume des cieux. Matth., xix. 27 : x. 2°. J’.. 28 ; M 36, M). Mais, en dépit de ces aptitudes sociales et de ces espoirs d’une religion matérialisée, le sacritice des attaches familiales pour vivre avec Jésus, nomadi pauvres comme lui, s’empreint il i de

grandeur c >uze : Jésus lui rend cet hommage.

Luc, vi. Ai. 23.

Il en résulte un communisme strict et strictement obligatoire pour les disciples qui suivent Jésus en caravane : on ne peut prétendre Bans renoncer à tout ce qu’on possède, sans vider sa ceinture de toute épargne individuelle : plus de pécules ; ui commune

pour les achats et les aumônes, con6ée à l’un des douze. Marc, x. 21 ; Luc. x.. « .7.. » .s ; i. X) ; Joa., xii. G, xiii, 29 ; cl. Marc, vi, 8 ; Matth.. x. 9, 10 ; Li le régime du communisme le plus ente pour

une fin religieuse ; et connue cette fin n’est pas tant d’ascétisme que d’apostolat, comme elle est de foi les messagers de l’Évangile et de commencer la dillusion de celui-ci, on peut l’appeler justement le commitnisme évangélique.

2 » Relations du communisme évangélique avec la société palestinienne. — Jésus renonce à son métier de charpentier pour prêcher le rovaume de Dieu ; pareillement il dépouille ses disciples de ces ouvriers d’existence que les rabbins conservent soigneusement. Celte démarche lui commande le choix d’un nouveau gagne-pain, et il le trouve dans’de

son ministère, i Le messager de l’Évangile vivra de l’Evangile. » Saint Paul atteste que Jésus a posé la loi. I Cor., xi, 11. On retrouve les traces de cette Ordonnance dans les instructions aux apôtres et aux disciples, Matth., x, il, 15 ; Marc. vi. 8, 1 1 ; Luc, x. » , 7 : comme salaire de leurs travaux évangéliques, ils reçoivent sur leur route une hospitalité gratuite.

Parfois refusée par des Samaritains, ennemis Juifs, Luc., ix, 33, ou chichement accordée par quelque pharisien, Luc., vii, 44, 46. cette hospitalité est d’ordinaire spontanée et généreuse. Au temps de Jésus, la Palestine est un riche pays de productions spontanées, abondantes, ou de cultures très faciles (blés, oliviers, vignes. troupeaux, dattiers, figuiers, lac poissonneux) : on partage aisément ce qu’on récolte sans peine et à pleins bras. De plus, les origines pastorales et patriarcales du peuple d’Israël, et les loisirs de sa facile culture le rendent accueillant, sociable, ami de la conversation et de l’hospitalité ; l’hôte qui survient est attendu