Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.djvu/350

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

<077

CONCINA

078

lière. Néanmoins, il ne commença à prêcher qu’à 32 ans, à Forli d’abord, puis à Pordenone. Ses succès le firent appeler dans la chaire de Santa-Maria-Novella, à Florence. En 1727, le P. Guglielmo Molo, procureur général de l’ordre, lui fait prêcher le carême à Bologne. Au cours de cette station, il se lie d’amitié avec le légat Thomas Rufli. L’année suivante, le cardinal Vincenzo Lodovico Gotti lui ménage l’occasion de se faire entendre à Sainte-Marie-sur-Minerve. Dès ses débuts dans la chaire, Concina s’acquit un grand renom comme orateur.

A partir de 1730, date de sa première polémique, il ne cessa de prêcher et d’écrire. Sa vie se passe en des luttes continuelles ; aussi, en dehors de ces controverses, l’historien ne trouve-t-il rien à raconter d’un homme qui joua pourtant un si grand rôle sans avoir été élevé jamais à aucune dignilé ni dans son ordre, ni dans l’Eglise. Pendant plus de 25 ans, il ne cesse de lutter contre les partisans d’une morale soi-disant relâchée.

Mais sa santé ne pouvait tenir longtemps à une vie aussi intense. En 1754, il sentit à Rome les premières atteintes du mal qui devait l’emporter ; son désir était d’aller mourir parmi les siens, au couvent de Venise. Il se mit en route ; à Florence, où il s’arrêta pour essayer d’un traitement, il fut l’objet de toutes les attentions des Pères du couvent de San-Marco, ainsi que de l’illustre famille Corsini. Sur l’avis des médecins, il prit les eaux de Bagni di Lucca, mais sans grand succès. Après un an de tentatives vaines pour recouvrer la santé, il quitta définitivement Florence pour Venise où il arriva le i octobre. 1755. Le 20 février 1756, une crise plus violente se produisit, et il mourut le lendemain, 21 février, dans la plénitude de sa connaissance, à l’âge de 69 ans. Il fut enseveli dans l’église du couvent du Très-Saint-Rosaire. Le chapitre général de l’ordre, réuni à Rome, la même année, sous la présidence de Benoit XIV, fit insérer dans ses actes un éloge de Concina. Cf. Acta capit. gêner., Rome, 1756, p. 166. Le couvent de Venise envoya une lettre circulaire relative à la mort de Concina. L’auteur en était le P. Pierre Fantini. Elle fut éditée plusieurs fois à Venise, puis à Rome, à Lucques, à Florence, à Paris, etc. Cf. Sandelli [Fassini], De Danielis Concina vita et scriptis commentarius, in-4°, Brescia, 1767, p. 89.

IL Œuvres. — L’activité littéraire de Concina s’est exercée à peu près dans tous les domaines de la morale. Le récit des nombreuses controverses qu’il eut à soutenir est un des chapitres les plus intéressants de l’histoire de la théologie dans la seconde moitié du xviiie siècle.

I. CONTROVERSE SUR LA PAUVRETÉ RELIGIEUSE. — 1° Prédicateur renommé, Concina ne fut amené à la controverse que par une occasion toute fortuite. Pendant un séjour à Rome, s’entretenant sur la pauvreté avec le maître général de l’ordre, Thomas Ripoll, celui-ci lui montra un opuscule du P. Raphaël de Pornasio, De coninnmi et proprio religiosormn, paru avec l’approbation du cardinal Orsini, archevêque de Bénévent, plus tard Benoit XIII. L’opuscule avait été dédié au P. Thomas Pipi a, maître général de l’ordre et dans la suite cardinal. Concina, ayant pris connaissance de cet écrit, en médita aussitôt une réfutation. Il commença par recueillir dans les principales bibliothèques de l’ordre les matériaux qu’il estimait nécessaires au travail projeté. En 1731, il consulte les manuscrits d’Ambrogio Tægi la réforme du couvent de Santa-Maria-delle-Grazie, a Milan ; il trouve aussi quelques renseignements à la bibliothèque de Pavie, mais ce fut la bibliothèque du couvent de Saint-Dominique de Xaples qui lui fournit la moisson la plus abondante de documents précieux, i muni, Concina lit paraître en 1736, sous le pseudonyme île Carolus Antonius Plantamura, sa réfutation le l’opuscule du I’. Raphaël de Pornasio : Commentanus liisturico-apologetiais in duas dissertaliones tnbu tus ; quarum altéra anticriticis animadversionibus refellit ea, quae adversus paupertatis disciplinant, a D. patriarcha Dominico constitutam, intemperanliore critice scriptis prodiderunt continuatores Bollandi ; altéra eamdem disciplinam a laxioribus P.Raphælis de Pornasio interpretamentis vindicat. Accedit dissertatio historicade origine disciplinai regularis, primum in ordinem prsedicalorum per B. Raymundum de Vineis, xxrn magistrum generalem ejusdem ordinis instauratx, et questiuncula moralis de regularibus personatis, in-4°, Venise, 1736, 1745.

Dans la première dissertation, Concina réfutait la fable accréditée par les bollandistes et dont le P. Cuper, S. J., s’était fait le champion, Acta sanctorum, t. I augusti, in comment, prseviis ad acta S. Dominici, § 33, 34, à savoir que saint Dominique aurait été présent au chapitre des Nattes et aurait emprunté à saint François ses vues sur la pauvreté. Dans la seconde dissertation, Concina combat l’opinion du P. de Pornasio prétendant que, du temps de saint Dominique, la pratique de la pauvreté était ce qu’elle fut au xvip siècle. Il montre au contraire que du temps de saint Dominique, on pratiquait la vie commune. Dans la dissertation historique sur Raymond de Capoue, il montre quels efforts ce général déploya pour rétablir l’antique discipline touchant la pauvreté. Enfin, dans la petite question, en appendice, Concina combattait l’opinion des théologiens prétendant que les réguliers peuvent, sans encourir l’excommunication ni pécher mortellement, fréquenter les théâtres ou les spectacles. Contre le Commentaire parut une lettre du P. Gonzalve Carattini, 0. P., professeur au gymnase Sainte-Anastasie, à Vérone. Cette lettre remplie d’insolences à l’adresse de Concina n’était pas signée. De leur côté, les bollandistes, pour défendre Cuper, déléguaient Jean Limpenius. Suivant lui, Cuper n’avait fait qu’invoquer l’autorité du Spéculum des mineurs, où se trouve relaté l’épisode du chapitre des Nattes.

2° Après une station prêchée à la basilique Saint-Laurent ad Damasum, à Rome, Concina reçut de plusieurs personnages, en particulier de la part du cardinal Oltoboni, la plus pressante invitation à faire paraître au plus tôt l’ouvrage attendu sur la pauvreté religieuse. De retour à Venise, Concina publia son livre qu’il dédia au cardinal Anihale Albano, du titre de Sainte-Sabine : Disciplina apostolico-monastica dissertationibus tlteologicis illustrata et in duas parles tributa, in quarum una de voto paupertatis vitee communi circumscripto, in altéra de cœteris ejusdem disciplinée capitibus prædpuis disseritur. Accedunt selecta quædam veterum theologorum monumenta, in-4°, Venise, 1739, 1740. Il y exposait la théorie du vœu de pauvreté, comme contrat bilatéral entre la religion et le religieux, de telle sorte que si l’un des contractants manque à son engagement, l’autre se trouve également délié de ses obligations. Dist. II, c. i, p. 84. Deux autres dominicains, les PP. Carattini et Millante protestèrent. Millante, professeur de théologie à l’Athena-um de Naples, plus tard évéque de Stabics, composa contre Concina un ouvrage intitulé : Fr. PU T/wmæ Millante ex-vicarii generalis sanctx Mariæ Sanitatis ord. prsed… vindicise regulariutu in causa monasticæ paupertatis, in-4°, Naples, 1740. Millante soutenait qu’il était équitable de laisser aux docteurs cœterisque in sludiis litterarum impallescentibus, un pécule pour pouvoir se procurer quelques douceurs. Pour ne pas rendre publiques des discussions au sein d’un même ordre, Concina avait pris la résolution de ne pas répondre. Millante, au contraire, fit recommander son ouvrage par le Journal de Trévoux. Ainsi, il se fit parmi les religieux de toutes couleurs de chauds partisans. On avait aussi à se venger de la dissertation contre les bollandistes. On voulait arracher à l’Index la condamnation de la Disciplina aposlolicç-