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CLÉMENT I er DE ROME

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p. 20 ; Lightfoot, op. cit., t. i, p. 58-61 ; Nestlé, dans Zeitschrift fur die neutest. Wissenschaft und die Kunde des Vtchristentums, t. i (1900), p. 178-180. Dans saint Clément on a salué quelquefois, selon Origène, Eusèbe, H. E., vi, 25, P. G., t. xx, col. 585, le principal rédacteur de VÉpître aux Hébreux, quelquefois aussi, selon Eusèbe, op. cit., III, 38, col. 21)3, le traducteur du texte araméen de cette Epitrede saint Paul.

Ce qu’il y a de sur, c’est que Clément fut évêque de Rome. Mais, quant à l’ordre de succession des premiers pontifes romains, l’antiquité chrétienne n’est plus unanime. Tandis que Tertullien, De præscripl., 32, P. L., t. il, col. 45, et une bonne partie des Latins tiennent Clément pour le successeur immédiat de saint Pierre à Rome, saint Irénée, toc. cit., Eusèbe, ni, 15, n. 34, P. G., t. xx, col. 219, 285 ; saint Jérôme, .De uir., 15, P.L., t. xxiii, col. 631 ; saint Épiphane, //av., xxvii, 6, P. G., t. xi.i, col. 373, rangent avant lui Lin et Anaclet ou Clet ; et, s’éloignant également des uns et des auties saint Augustin, Epis t., lui, ad Generos., n. 2, P. L., t. xxxiii, col. 196 ; Optât de Milève, Deschism. donat., ii, ’â, P. L., t. xi, col. 948 ; les Constitutions apostoliques, vii, 46, P. G., t. i, col. 1053, etc., assignent à Clément le troisième rang, de sorte que Lin aurait succédé à saint Pierre, Clément à Lin et Anaclet à Clément. On a cherché, dès le IVe siècle, à concilier ces trois opinions. Suivant Rufîn, préface des Rc’cog>iitions, P. G., t. i, col. 1207-1208, Lin et Anaclet auraient été sacrés évêques du vivant même de saint Pierre, qui, absorbé par les travaux de l’apostolat, se serait déchargé sur eux du soin d’administrer l’Eglise de Rome ; en sorte qu’il serait vrai de dire à la fois que Lin et Anaclet ont été les prédécesseurs de Clément et que celui-ci a été le successeur immédiat du prince des apôtres. Saint Épiphane, de son côté, loc. cit., s’appuyant sur I Clem., Liv, 2, Funk, Patres aposlolici, Tubingue, 1901, t. i, p. 168, tient que saint Pierre avait ordonné Clément pour lui succéder, mais que Clément, par amour de la paix, avait abandonné son siège à Lin et qu’il n’y était remonté qu’après la mort du successeur de Lin, Anaclet. Au reste, et sans insister sur ces essais de conciliation, qui se sont prolongés vainement jusque dans le moyen âge, le témoignage de saint Irénée paraît à tous égards le plus recevahle. L’opinion contraire est évidemment puisée dans les Pseudo-Clc’mentines, ce qui la rend très suspecte. Outre son antiquité, l’évêque de Lyon mérite ici d’autant plus de créance qu’il s’est attaché, dans sa lutte contre les gnostiques, à dresser des premiers papes un catalogue parfaitement exact. Voir L. Duchesne, Le Liber pontificalis, Paris, 1886, t. i, p. i.xxi-i, xxin. De la date et de la durée du pontilicat de saint Clément, l’évêque de Lyon ne nous dit rien. Eusèbe, loc. cit., place le pontilicat de Clément dans la dernière décade du r r siècle, de 92 à 101. M. Ilarnack toutefois, Pie Chronologie (1er allchristl. Lillcr., Leipzig, 1897, t. i, p. 144 sq., 266, révoque en doute l’authenticité’de ces chiffres.

Les dernières années de Clément de Rome s’enfoncent dans la nuit. Les Actes grecs du saint pape, une œuvre du iv c siècle peut-être et qui foisonne en miracles, Funk, Patres aposlolici, Tubingue, 1901, t. ii, p. 28-45, nous racontent que Clément fut relégué, sous Trajàn, au delà du Pont-Euxin, dans nue ville d% la I Ihersonèse Taurique, et plus tard, en punition du succès de son apostolat parmi les condamnée aux mines, précipité dans la mer, une ancre au cou. Les fouilles considérables faites en Crimée n’ont pas encore répandu sur ces Actes la lumière que M. De Rossi en attendait. Voir P. Allard, Histoire des persécutions pendant les deux premiers les, Paris, 1885, p. 169-176. Quoi qu’il faille penser du silence des anciens auteurs, saint Irénée, Eusèbe, saint Jérôme, il est indéniable que la tradition du martyre de.saint Clément était établie à Rome des la fin du r ive siècle, et que Clément n’a pas subi à Rome le martyre. L’Eglise latine, qui a inscrit son nom dans le canon de la messe, célèbre sa fête le 23 novembre.

II. Ouvrage authentique. —

Le seul écrit d’une authenticité irrécusable est la longue et belle lettre aux Corinthiens, ordinairement et improprement appelée / » Clementis, P. G., t. i, col. 201-328. Le texte grec* ^_ publié par Junius, en 1633, avec une grave lacune, est intégralement restitué par Ph. Bryennios, dans son édition de 1875. Une bonne version syriaque, conservée dans un manuscrit de la bibliothèque de l’université de Cambridge, a été éditée à Cambridge en 1899. Enlin v dom Germain Morin a retrouvé, au séminaire de Namur, une traduction de cette lettre en latin populaire, dans le latin de Yltala, qui date du m c ou peut-être du IIe siècle, et qui nous rend mot à mot un excellent texte grec. Voir Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1894, t. ii, fasc. 1. La / a Clementis ne porte pas le nom de son auteur. Suivant l’usage de ces temps primilifs, elle est écrite au nom de l’Église de Rome tout entière, clercs et fidèles, et adressée à l’Église de Corinthe, envisagée de la même façon collective. Mais il n’y a qu’une voix dans l’antiquité chrétienne pour y reconnaître la plume et l’esprit du pape saint Clément, et, parmi les critiques modernes, il règne là-dessus, nonobstant les objections soulevées par des préjugés confessionnels, une rare unanimité. Sur la date précise de la lettre, l’unanimité cesse. De la lettre même, c. I, il appert qu’elle fut écrite au sortir d’une persécution de l’Eglise de Rome. M31s de quelle persécution s’agit-il ? de la persécution de Donatien ou de celle de Néron ? Le plus vieil historien de l’Eglise, Hégésippe, vers le milieu du n c siècle, plaçait cette lettre vers la fin du règne de Domiticn. Eusèbe, H. E., iii, 16 ; iv, 22, P. G., t. xx, col. 219, 377. Ce que nous savons de l’époque du pontilicat de saint Clément, et le soin particulier que prend Clément de faire ressortir la longue durée des deux Églises de Rome et de Corinthe, c. xlii-xliv, xuvir, lxiii, tout s’accorde avec la donnée d’Hégésippe et reporte la composition de cette lettre à la dernière année du règne de Domitien, sinon au début du règne de Nerva, 96-98. Voir Harnack, Die Chronologie, t. i, p. 251-255 ; Bardenbewer, Geschichle,

t. i, p. 102.

Des troubles avaient éclaté — en somme, on ne sait pas au juste pourquoi — dans l’Église de Corinthe ; des membres du collège presbytéral avaient été déposés. L’Eglise de Rome, instruite de ces troubles, jugea de son devoir d’intervenir. Elle fit partir pour Corinthe deux de ses membres, Claudius Ephebus et Valerius Vito, avec un certain Forlunatus, un Corinthien peut-être, porteurs de la lettre qui nous occupe et qui est d’un bout à l’autre une exhortation à la concorde. Indépendamment de l’exorde et de la conclusion de la lettre, on y distingue deux parties, la première avec le caractère homilétique [dus prononcé. Après avoir dépeint dans l’exorde, c. i-vi, l’ancienne prospérité de l’Église de Corinthe et l’état déplorable où ses dissensions l’ont réduite, saint Clément, dans la p>- partie, c. vii-xxwi, prémunit contre l’envie et la jalousie, rappelle l’obligation de la pénitence, recommande énergiquement l’humilité, la soumission, et, d’une façon générale, la pratique de toutes les vertus chrétiennes ; partout il emprunte à l’Ancien Testament des exemples ou des lpuivs de ces vertus, Avec la IIe partie, c. xxxvii-ixi, l’auteur serre de plus près son sujet. Il y met en relief l’institution divine de la hiérarchie ecclésiastique ri le précepte de l’obéissance à l’autorité légitime dans l’Église ; il adjure tous les fidèles de s’entr’aimer, les fauteurs des désordres de se repentir et de se soumettre. Dans les derniers chapitres enfin, i.xii-i.xv, il résume les traits essentiels de sa lettre, recommande ses envoyés à la bienveillance des Corinthiens, exprime l’espoir de voir bientôt la paix relleurir dans l’Eglise de Coriutlic.