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51 CLEMENT Ier DE ROME

L’espoir de saint Clément ne fut pas déru. Eusébe, II. E., I, 22. P. G., 1. Ax, col. 377. Ecrite d’un style clair, simple et grave, tout à fait en rapport avec le sujet, empreinte à la fois d’onction et de fermeté, d’une bonté paternelle et de ce sens du pouvoir qui était le caractere distinctif de l’ancienne Rome, la lettre aux Corinthiens est un modèle d'éloquence pastorale. Aussi, à peine a-t-elle paru qu’on la voit entourée dans l’Asie Mineure et dans l’Egypte d’un éclatant prestige. Mais, des le ive siècle, ce prestige s'évanouit, du moins en Occident. Les écrivains latins, sauf saint Ambroise et saint Jérôme, ne sont, lorsqu’ils en parlent, que les échos d’Eusebe traduit par Rulin. Jean, diacre de l’Eglise romaine, dans la seconde moitié du ve siècle, en avait cité un passage, Expositum in Heptateuchum, 43, 44, dans Pitra, Spicilegium Solesmense, t. I. p. 293. Le moyen age l’ignora complètement. On ne l’a retrouvée qu’au XVIIe siècle dans le célebre Codex Alexandrinus, avec des lacunes que le Codex Hierosolymitanus a comliées en 1875. L'édition d’une version syriaque, contenue dans un ms. de Cambridge, addit. 1700, du XIIe siècle, a été préparée par Bensly et publiée par Robert Kennett, The Epistles of S. Clement to the Corinthians in syriac, Cambridge, 1899. Sur la version latine très ancienne, découverte par dom Morin dans un ms. du XIe siècle, de Namur, voir col. 50.

III. DOCTRINE. La lettre aux Corinthiens, qui reflète la connaissance des hommes, l’habileté à manier les esprits et les cours, l’art de la composition et une rare culture intellectuelle, n’a cependant rien d’un corps de doctrine, d’une synthèse théologique. N’en attendez pas une exposition de la foi ; le premier écrit chrétien non inspiré n’est au fond qu’un écrit de circonstance. L’auteur y veut faire auvre pratique, ouvre d’utilité actuelle et immédiate. Partant, des vérités de la foi il n’alléguera que celles qui rentrent dans son cadre et concourent à son but. En revanche, il appuiera sur les vérités de la foi ses leçons et ses exhortations, qui toutes vont à ramener les Corinthiens à l’obéissance de leurs pasteurs légitimes, et, en dernière analyse, à la soumission aux vouloirs divins. Il en appellera tour à tour, selon la marche de sa pensée et les besoins de sa cause, aux dogines de l’unité et de l’infinité de Dieu, à ceux de la création, de la trinité, de l’incarnation, de la rédemption, de la grâce et de l’Eglise. En sorte qu’a tout prendre, il nous offre un tableau des croyances chrétiennes vers la fin du er siècle. Tableau raccourci, mais tableau fidele. Nulle préoccupation en effet, chez l'écrivain, soit de dire du neut, soit d’imposer aux Corinthiens ses idées personnelles. Aussi bien, la seule apparence d’une divergence doctrinale entre l'évêque de Rome et l'Église de Corinthe eut infailliblement öté à la parole de Clément tout crédit, à sa tentative toute chance de succès. Mais saint Clément n’est pas un homme de parti non plus qu’un novateur. Il ne puise qu’aux deux sources authentiques et surnaturelles de l’Ecriture et de la tradition ; toutefois, par un contraste frappant avec saint Ignace et saint Polycarpe, pénétrés l’un et l’autre des pensées, des figures, des expressions du Nouveau Testament, c’est dans l’Ancien de préférence que Clément puise à pleines mains. Au reste, la 1a Clementis, dans tous les dogmes qu’elle énonce, insinue ou presuppose, n’est que le miroir et l'écho de l’enseignement des apôtres. Saint Clement, en parlant de Dieu, fait ressortir ses principaux attributs, sa bonté, sa miséricorde sa puissance créatrice ; c’est un Dieu prodigue de son amour et de ses bienfaits, c. XIX, un père, c. XXIII, XXIX, XXXV, en même temps qu’un maitre, xvToxparwp EEOTOTYC. Non content de combler l’homme de ses dons, il prépare aux justes une récompense qui sera un épanouissement des biens de la grace, c. xxxv, 2. Avec saint Pierre et saint Paul, les justes iront aussitôt après la mort dans 52 le lieu saint, c. v. 7, et leurs mérites seront manifestés au jour du jugement, c. 1. 3. Les corps némes ressusciteront au dernier jour. Saint Clément fait voir dans les phénomènes de la nature plus d’un symbole de la resurrection de la chair, dans l’exemple de Jé sus-Christ, notre chef, un clair présage, dans la parole de Dieu un sûr garant, c. XXIV-XXVI. Notons qu’en paraissant croire à la fin prochaine du monde, saint Clement s’est gardé de verser dans les illusions du millénarisme. Un dans sa nature, le Dieu de la lettre aux Corinthiens n’est pas le Dieu solitaire et abstrait du monothéisme populaire juif. Il peut porter et porte la Trinité chrétienne. De ce mystere de la Trinité, la lettre parle en termes aussi simples que nets, comme d’un dogine connu de tous les fidèles, c. XLVI, LVIII. Saint Basile de Césarée, De Spiritu Sancto, c. xxix, P. G., t. XXXII, col. 201, opposera précisément aux pneumatomaques un texte du c. LVIII de la 1a Clementis : « Dieu vit et le Seigneur Jésus-Christ, et le Saint-Esprit aussi. > Ainsi, dans l’unité numérique de la nature divine, Clément reconnait très nettement trois personnes. A côté de Dieu, il place Jésus-Christ et le Saint-Esprit. C’est par cet esprit qu’ont parlé les écrivains sacrés, c. VIII, 1 ; XLV, 2 ; c’est par cet esprit que Clément lui-même écrit, c. LXIII, 2. Nous n’avons, dit-il, c. XLVI, 6, « qu’un Dieu, un Christ, un seul Esprit de grâce répandu sur nous. » Dans une formule de serment, il invoque comme garants de sa parole Geo ; ó xiptos, Iso ; Xpiros xai To TVEDUZ To aytov, c. LVIII, 2. Sans insister sur les relations intimes des trois personnes, saint Clément ne laisse pas d'énoncer, c. XXXVI, 2. 5, en citant l'Épitre aux Hébreux, 1, 3-13, le dogme de la génération du Fils, et l’on peut dire qu’en plaçant toujours le Saint-Esprit après le Père et le Fils, non au-dessous d’eux, et en saluant le Saint-Esprit comme l’organe de Jésus-Christ dans l’Ecriture, C. XXII, LIII, il insinue la procession du Saint-Esprit ex utroque. Toute imprégnée de la doctrine et parfois même du langage de saint Paul, la lettre aux Corinthiens proclame implicitement comme explicitement la divinité de JésusChrist, c. II, XXXVI, XI.. XLII, XLIV. Ainsi, en Jésus-Christ deux natures, l’une divine, puisqu’il est le Fils de Dieu, c. xxxv, 4, l’autre humaine, qu’il a prise, corps et âme, dans le temps, puisqu’il vient d’Abraham xet cápxx, c. XXXII, 2, et qu’il s’est inséparablement unie, c. XVI, XXXI. XLIX. Avec l’intégrité des deux natures, saint Clément visiblement présuppose l’unité de la personne, C. XLVI. Jésus-Christ, exempt de péché, nous a été sur la terre un modèle achevé de toutes les vertus, c. III, XVI, XVII, et passim, et, par sa inort sanglante, il a racheté tous les homines, c. VII. La mort de Jésus-Christ n’a pas été seulement un modèle d’humilité, de patience, etc., elle a été le grand sacrifice de réconciliation entre. le ciel et la terre, c. XLIX, un sacrifice que le mourant a librement offert à Dieu et dans lequel il était à la fois prètre et victime, c. VII, XLIX. Par son sang Jésus a racheté tous les hommes, c. XII, 7. Il est donc notre salut, le pontile de nos offrandes, l’avocat de nos faiblesses, c. XXXVI, 1, notre grand-prètre, c. LXIV. C’est par lui que nous rendons gloire à Dieu et que nous le prions, c. LVIII, 2 ; LXIV, 3. Nous devons aussi l’honorer luimême, c. XXI, 6. La resurrection du Sauveur, c. XXIV, est la clef de voûte du christianisme, c. XIII ; par lá Jésus est glorifié, c. xxxvi, et, à la fin des temps, il jugera souverainement le monde, c. XLVI, XLIX, L. Le sang de Jésus-Christ, rançon du genre humain, mérite à tous ceux et à ceux-là seuls qui ne le rejettent pas, le pardon des péchés, la sainteté, l’amitié de Dieu. L’homme peut toujours faire pénitence et se repentir, c. VII, 5-7 ; vit, 2. 5. La justification est le fruit de la foi et des œuvres tout ensemble. Avec saint Paul, Clé ment enseigne que les élus n’out pas obtenu la gloire