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CLEMENT VIII

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un peu de liberté’en Suéde. Son oncle, le duc Charles de Sudermanie, fils de Gustave Wasa, en profita pour exciter de si furieuses émeutes parmi les luthériens que Sigismond dut quitter la Suède (1598) et fut déposé en 1600. Charles de Sudermanie, d’abord administrateur du royaume, fut élu roi en 1604, et persécuta violemment les catholiques. Theiner, La Suède, p. 214 sq.

Dés le début de son pontificat, Clément VIII s’était activement employé à la réconciliation des Slaves avec Rome. En 1593 et 1596, un nonce de race slave, Komulovic, tut envoyé à Moscou pour obtenir du tsar Fedor, et de Boris Godounov, son puissant favori, que les troupes russes s’unissent aux Impériaux et aux Polonais contre les Turcs ; ces efforts furent inutiles, la conversion du métropolitain de Kiev et de plusieurs autres évêques, dont nous parlerons plus bas, ayant irrité les Russes contre Rome. En 1603, on commença à parler d’un prince Dmitri, qui se disait (ils du tsar Ivan IV, et prétendait reconquérir ses Etats sur Boris Godounov, successeur de Fedor. Moitié conviction, moitié désir de gagner l’alliance des Polonais, Dmitri se fit instruire par les jésuites de Cracovie, et abjura le schisme le 17 avril 1604 entre les mains du P. Sawicki. Clément VIII hésita longtemps à croire à cette conversion qui pouvait avoir de telles conséquences ; enfin Dmitri lui ayant écrit une lettre respectueuse, le pape répondit par quelques mots paternels sans s’engager à fond en sa faveur. Clément mourut avant d’avoir vu le triomphe du faux Dmitri, sitôt suivi de sa chute. Pierling, La Russie, t. ii, p. 324 sq., 350 sq., 367 sq. ; t. iii, p. 76 sq. En revanche, en Pologne et en Allemagne, sous l’influence du roi Sigismond et de l’archiduc Maximilien, le mouvement de réforme catholique devint fort important. Ranke, Histoire, t. iii, p. 9 sq.

En 1601, Charles-Emmanuel de Savoie ayant fait part à Clément VIII de ses desseins contre Genève, le pape le dissuada d’une expédition dont il n’espérait pas le succès ; il blâma clairement la tentative manquée de l’Escalade, comme nuisible au repos de la chrétienté (1603, et s’employa activement à rétablir la paix entre les belligérants. De Becdelièvre, Clément V1I1, p. 396 sq. Le pape avait plus de confiance dans les prédications des missionnaires catholiques ; il encouragea de tout son pouvoir les efforts de saint François de Sales et de ses coopérateurs pour la conversion du Chablais, et érigea à Thonon une grande maison d’études, nommée PAlbergamentum, dont saint François fut le premier directeur ; elle était destinée aux nouveaux convertis du Chablais, possédait nombre de bénéfices ecclésiastiques, et avait les privilèges d’une véritable université (1599). Bullarium, t. ix, p. 488.

Comme beaucoup de ses prédécesseurs, Clément aurait voulu liguer les princes de l’Europe dans une croisade contre les Turcs. Henri IV, auquel il en destinait la conduite, refusa et tint au contraire à resserrer avec le grand seigneur une alliance dont profitaient également le commerce français et les missions catholiques en Orient. Privé du concours de la France, le pape dut se borner à encourager de ses subsides l’empereur Rodolphe II, et le vaywode de Transylvanie, Sigismond Bathori, dans leurs luttes contre Mahomet III. En 1.7.), "), un corps de I i 000 Florentins, commandé par un neveu du pape, prit part à la prise de Gran ; Jean-François Aldobrandini mourut pendant cette campagne. Cf. il, Lettres, t. i, p. 2 42 sq. ; t. IV, p. 425 ; t. v, p. 5, ii : Degert, Le cardinal d’Ossat, p. 322 sq.

III. Questions théologiques et disciplinaires. —

1 » La ontrox ei se De aua iliis. — La fameuse contro>. sur les secours de la gr.’ire divine De auxiliis gratisa "v commença sous ! < règne de Clément vill qui teput la mener à bonne fin. En 1594, pour terminer les discussions qui s’étaient élevées en Espagne et en Portugal, entre jésuites et dominicains, au sujet du livre

de Molina : De coneordia iiberi arbitrii citm gratine donis, Lisbonne, 1588, Clément VIII évoqua l’affaire, et imposa silence aux deux partis jusqu’à la décision. Les universités de Portugal et d’Espagne, ainsi que les principaux théologiens jésuites et dominicains, furent invités à fournir des mémoires sur les points en litige. Le général des jésuites, Aquaviva, de l’avis des principaux docteurs de l’ordre, aurait voulu que la discussion n- ? s’engageât pas sur l’orthodoxie du livre de Molina, qui ne pouvait être présenté comme doctrine officielle de la Compagnie, mais sur le fond même de la question traitée par le célèbre auteur, l’efficacité de la grâce divine. Les dominicains, au contraire, ne voulaient qu’un jugement du De coneordia. Ils l’emportèrent. Clément VIII qui, malgré son sincère attachement à la Compagnie, était à ce moment sous l’influence de plusieurs de ses adversaires, et en particulier de Pena, doyen de la Rote, consentit à ce que la congrégation réunie à cet effet se bornât à l’examen du livre de Molina. Cette Congrégation, présidée par les cardinaux Madruzzi et Arrigone, était composée de religieux de divers ordres et de docteurs séculiers, aucun jésuite, aucun dominicain n’y figurait. Elle tint onze séances de janvier à mars 1598. Le 13 mars, elle porta une condamnation du livre de Molina, comme contenant, sur la prédestination et la grâce, des doctrines contraires à l’enseignement des Pères et des anciens théologiens, surtout des sa mis Augustin et Thomas, et apparentées aux erreurs des semipélagiens. Le commentaire de Molina sur la Somme de saint Thomas était en même temps interdit jusqu’à correction. Schneemann, Controversiariun, p. 242 sq. ; Serry, Historiée, p. 170 sq.

C’était aller bien vile en besogne, et le pape trouva que les consulteurs n’avaient pas apporté à une cause si grave l’attention qu’elle méritait ; il leur imposa un nouvel examen, en leur ordonnant de prendre connaissance des nombreux mémoires qui venaient seulement d’arriver d’Espagne. Le 22 novembre 1598, les censeurs rendaient une nouvelle décision qui confirmait leur premier arrêt ; cette censure est de l’augustin Coronel.

Le bruit s’étant répandu en Espagne qu’une condamnation pontificale du livre de la Concorde était imminente, Molina écrivit au pape pour le supplier de l’entendre avant de le juger ; et trop âgé pour faire le voyage en personne, il délégua à Rome deux procureurs, Christophe de los Cobos et Ferdinand Rastida. L’impératrice Marie, fille de Charles-Quint, et le jeune Philippe III écrivirent également au pape, le priant de permettre que les deux parties fussent entendues. Clément VIII goûta cet avis, et le 1° janvier 1599, ayant fait appeler les généraux des deux ordres, leur ordonna de choisir un certain nombre de théologiens qui, dans des conférences tenues sous la présidence du cardinal Madruzzi, s’efforceraient d’arriver à un accommodement. Les conférences eurent lieu de février 1599 à février 1600 ; à partir de la troisième, le cardinal Madruzzi fut assisté de deux vice-présidents, Bellarmin auquel le pape venait de donner le chapeau, et le cardinal dominicain d’Ascoli. Les théologiens des deux ordres parvinrent à rédiger un mémoire contenant huit propositions qu’ils admettaient tous, mais leur opposition sur un point délicat, le système de la prédétermination physique, apparaissait plus éclatante à chaque séance nouvelle ; une guerre de mémoires et de pamphlets accompagnait les discussions des docteurs ; Madruzzi étant mort en mars 1600, ses deux assesseurs demandèrent au pape l’interruption des congrégations. Schneemann, Gontroversiarum, p. 255 sq. ; Serry. Historiée, p. 188 sq.

Les dominicains s’efforcèrent alors de faire promulguer par le pape la censure rédigée en novembre 1598, [es jésuites en ayant obtenu communication la réfutèrent, et Clément V11I ordonna à la Congrégation de la rédi-