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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/175

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DOGME


Marie dans l’assertion dogmatique sur l’universalité du péché originel, sess. V, Deere tum de peccato originali, et conduisit finalement à la définition formelle prononcée par Pie IX le 8 décembre 1854.

B. Encore ici nous constatons, d’après les documents, que l’influence réellement exercée sur le développement dogmatique, ne fut régie par aucune loi uniforme. — a. C’est un fait bien avéré que plusieurs discussions théologiques où l’enseignement de la foi n'était point immédiatement intéressé et dans lesquelles d’ailleurs on ne put démontrer aucune vérité révélée portant certainement sur la matière en litige, n’eurent point de résultat dogmatique direct. Telles furent particulièrement la plupart des controverses entre thomistes et scotistes, celle des thomistes avec les molinistes et les discussions de potentiel Dei absoluta sur beaucoup de questions spéculatives. Il ne serait cependant point juste d’affirmer qu’aucun avantage théologique ne résulta de ces controverses ou discussions. Elles eurent souvent pour effet de rendre plus circonspect dans l’usage des formules dogmatiques ou dans l’explication de l’opinion à laquelle on donnait la préférence. Elles aidèrent souvent aussi à fournir des hypothèses aptes à expliquer ou à justifier le dogme, sinon pour toutes les intelligences, du inoins pour celles qui étaient disposées à les accepter. Car, dès lors que les hypothèses réalisant les conditions nécessaires peuvent être utiles dans toutes les sciences, on ne peut refuser ce même avantage aux opinions ou hypothèses proposées en théologie, pourvu qu’elles se tiennent dans les limites permises.

b. Pour les controverses qui ont abouti à quelque résultat dogmatique, l’histoire montre que ce qui contribua le plus à cet heureux résultat, fut une exacte position de la question au début ou au cours de la discussion. Ainsi dans la discussion théologique sur l’immaculée conception, tant que la question roula simplement sur le fait de la transmission du péché originel dans toute conception où la concupiscence charnelle se rencontre, l’on ne put trouver de solution favorable au privilège et l’on soutint uniquement la sanctification de Marie avant sa naissance ; conclusion adoptée même par saint Thomas et saint Bonaventure. La question différemment posée par Duns Scot, qui donnait une autre explication de la transmission du péché originel et montrait comment l’immaculée conception de Marie pouvait se concilier avec le fait de sa rédemption et son titre de fille d’Adam, conduisit aussitôt à cette conclusion que le privilège était possible et souverainement convenable, et que dès lors on devait l’affirmer. Conclusion désormais soutenue par beaucoup de théologiens de toutes les écoles.

c. L’attitude du magistère ecclésiastique eut toujours aussi une profonde répercussion sur les controverses théologiques. Ainsi dans la controverse sur l’immaculée conception, la non célébration de cette fête dans l'Église romaine à l'époque de saint Thomas est considérée, à tort sans doute, par le grand docteur comme défavorable au privilège. Quodlibet., VI, q. v, a. 7. Un peu plus tard, au contraire, l’intervention du saintsiège approuvant cette fête et déclarant qu’elle avait pour but d’honorer la conception immaculée a primo instanti, amena promptement le consentement à peu près unanime des théologiens sur ce glorieux privilège, consentement encore confirmé par la déclaration subséquente du concile de Trente. De même, la recommandation faite par le concile de Vienne en 13Il de choisir tanquam probabiliorem et dictis sanctorum et doctorum modemorum théologies magis eonsonam l’opinion théologique affirmant que l'âme des enfants, non moins que celle des adultes, est, dans le sacrement de baptême, informée par la grâce et par les vertus infuses, Denzinger, Enchiridion, n. 411, fit bientôt

accepter cette doctrine par presque tous les théologiens.

d. Quant à la décision finale du magistère ecclésiastique statuant avec une souveraine autorité sur quelque controverse Ihéologique, ce qui la détermina habituellement, ce fut : a) l'éclosion de quelque nouvelle erreur qui, intervenant à une période quelconque de la discussion ou même après qu’elle se fût assoupie, obligea le magistère ecclésiastique à se prononcer sur la question en litige et à définir ce que tout catholique doit croire ou nécessairement admettre sur ce point. C’est ce qui motiva particulièrement les définitions formelles portées par le concile de Trente sur le nombre des sacrements, sur leur efficacité, sur leur institution divine et sur le caractère sacramentel, à l’enconlre de toutes les négations du protestantisme. C’est encore ce qui advint pour les définitions du concile du Vatican sur l’inspiration, sur la foi, sur les relations entre la raison et la foi, sur l'Église, sur la primauté effective du pape et sur son magistère infaillible, et pour les définitions de Pie IX et de Léon X11I sur le mariage chrétien. Toutes ces définitions, en même temps qu’elles affirmaient une vérité dogmatique contre une erreur nouvelle ou nouvellement agissante, arrêtaient définitivement les controverses théologiques antérieurement existantes. — (3) La décision fut parfois aussi déterminée par la nécessité de donner aux fidèles une instruction pratique qui pût les diriger effectivement dans l’observance de leurs devoirs chrétiens. C’est pour cette raison que le décret Ad (Lrmenos, approuvé par le concile de Florence pour l’instruction complémentaire de fidèles désireux de vivre dans la pleine union avec l'Église romaine, lit plusieurs déclarations positives sur îles points autrefois discutés par des scolastiques duxii c et du XIIIe siècle ; déclarations complétées un peu plus tard par les définitions formelles du concile de Trente. — y) Quelquefois la définition du magistère ecclésiastique est motivée simplement par l’absolue conviction que telle vérité désormais pleinement élucidée appartient certainement à la révélation divine, cl qu’il est souverainement sage et opportun de la proposer comme telle à l’acceptation st à la croyance des fidèles. C’est ce qui advint particulièrement pour le dogme de l’immaculée conception quand, après les déclarations successives de l’Eglise et l’accord unanime des théologiens pendant plusieurs siècles, le fait de la révélation divine fut pleinement manifeste.

En résumé, puisque l’inlluence des discussions théologiques sur le développement dogmatique n’est régie par aucune loi bien déterminée, elle doit être étudiée par l’historien des dogmes dans chaque cas particulier cl avec toutes ses circonstances concrètes. Toutefois il y a lieu de tenir exactement compte des observations précédentes. Sans être des lois historiques, elles se dégagent suffisamment de l’ensemble des faits et aident à mieux les comprendre.

3. Influence occasionnelle d’une étude approfondie du dogme révélé, en dehors de toute impulsion initiale donnée par quelque hérésie ou par des discussions entre théologiens catholiques. Deux exemples principaux peuvent être signalés : A. Le remarquable exemple de saint Vincent de Lérins, formulant le premier le concept explicite d’un réel progrès dogmatique, qui jusque-là n’avait guère apparu qu’implicitement contenu dans des formules assez générales. Cette exposition si nette du moine de Lérins, selon toute probabilité, ne fut occasionnée par aucune erreur ni par aucune controverse contemporaine. Elle résulta simplement d’une profonde considération du rôle que doit incessamment accomplir jusqu'à la fin des siècles le magistère infaillible de l'Église, avec une constante et inépuisable vitalité, en face de nouveaux et multiples besoins sans cesse renaissants. Il est toutefois bien