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DOGME


que par des manifestations progressives la lumière de la Trinité brillât d’un éclat plus resplendissant. C’est pour cette raison que Jésus suit une marche progressive dans son divin enseignement ; c’est pour cela aussi que certaines vérités, que les apôtres ne pouvaient encore porter, leur furent manifestées postérieurement par le Saint-Esprit. Parmi ces vérités pleinement manifestées seulement à une époque relativement tardive, Grégoire signale la divinité du Saint-Esprit, col. 161 sq. Saint Vincent de Lérins (y 450) est encore plus explicite. Après avoir reproduit l’enseignement de saint Irénée, de Tertullien et d’Origène sur l’apostolicité et l’immutabilité des dogmes chrétiens, il se demande si une telle immutabilité ne s’oppose pas absolumentà tout progrès dogmatique. Il répond négativement, mais il exige que ce progrès ne soit pas un changement. Ce doit être un accroissement de chacun et de lous dans toute l'Église ; accroissement dans l’intelligence, dans la science et dans la sagesse et aussi dans la permanence du même dogme : Crescat igitur oportet et multuni veliementerque proficiat tam singulorum quant omnium, tam unius hominisquam totiusEcclesisc, œlatum ac sœculorum gradibus, intelligentia, scienlia, sapientia, sed in suo dnnta.cat génère, in eodeni scilicet dogntate, eodern settsu, eademque sententia. Commonitorium primum, c. xxiii, P. L., t. L, col. 668. Pour faire comprendre l’intime union de cette immutabilité et de ce progrès, le moine de Lérins se sert de deux comparaisons empruntées au développement du corps humain et à la germination de la plante. C’est vraiment le même corps humain qui persévère depuis l’enfance jusqu'à la vieillesse en passant par l’adolescence et l'âge mûr, bien qu’il y ait une notable différence dans sa forme et dans sa stature. Il y a identité non moins réelle entre la semence jetée dans le sol par l’agriculteur et la plante qu’il récolte, puisque le développement s’accomplit toujours selon la nature de chaque semence, bien qu’il y ait accroissement en tout ce qui constitue la nature et la forme particulière de la plante. De même, les dogmes, en se consolidant avec les années, en s’ampliliant avec le temps et en grandissant avec l'âge, gardent leur parfaite intégrité. Ils ne subissent aucun changement, ne perdent rien de ce qui leur est propre et ne sont l’objet d’aucune variation dans leur définition. Ils sont avec le temps soigneusement travaillés, limés, polis, mais non changés ni mutilés. Ils gagnent en évidence, lumière et distinction, mais ils gardent, en tout ce qui leur est propre, leur parfaite intégrité, col. 668 sq. Le rôle de l’Eglise dans la conservation et l’enseignement des dogmes révélés est aussi indiqué très nettement. L'Église, vigilante et prudente gardienne des dogmes qui lui ont été conliés, n’y change jamais rien, n’y diminue ou n’y ajoute rien, n’en retranche point le nécessaire ni n’ajoute de superlluités ; elle ne perd rien du sien, ni n’empiète sur ce qui estd’autrui, mais elle s’attache, par tout moyen, à polir avec soin ce qui a déjà été anciennement ébauché, à consolider et à affermir ce qui a déjà été exprimé et expliqué, à garder ce qui a été confirmé et défini. Enfin que s’est-elle jamais efforcée de procurer par les décrets de ces conciles, sinon de faire croire avec plus de soin ce qui auparavant était simplement cru, de faire prêcher avec plus d’instance ce qui auparavant était annoncé avec moins d’activité, de faire cultiver avec plus de sollicitude ce qui auparavant était pratiqué avec moins d’attention ? C’est tout ce que l’Eglise catholique, excitée par les nouveautés des hérétiques, a jamais accompli par les décrets de ses conciles, si ce n’est qu’elle prit soin de consigner par écrit l’antique tradition en renfermant beaucoup de doctrine dans de courtes formules et en marquant d’une appellation nouvelle et bien choisie un sens non nouveau dans les vérités de foi, col. 669.

Toute cette citation de Vincent de Lérins nous fait comprendre quel sens il attache lui-même aux deux comparaisons précédemment citées. Étendre ce sens au delà des limites positivement tracées par l’auteur lui-même et se réclamer cependant de son patronage, comme l’ont fait quelques auteurs récents, n’est point œuvre de bonne critique.

Malgré ce témoignage si formel du moine de Lérins, c’est le concept principalement implicite de saint Augustin qui, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, se maintint chez les auteurs ecclésiastiques de toute cette période. Outre le prestige dont jouissaient alors toutes les doctrines soutenues par l'évêque d’Hippone, on doit ajouter le fait bien notable qu’aucune controverse n’attira sur ce point l’attention des théologiens.

2e période, depuis le xiie jusqu’au XVP siècle, caractérisée surtout par l’indication formelle d’un progrès dogmatique dans renonciation ou l’explication des dogmes chrétiens et par l’indication au moins implicite d’un progrès réel dans les concepts eux-mêmes. — 1. L’indication formelle d’un progrès dogmatique dans renonciation ou dans l’explication des dogmes chrétiens est nettement formulée au xiii p siècle par saint Thomas, en réponse aux objections des schismaliques grecs contre les définitions nouvellement portées par l’Eglise romaine. Après avoir enseigné qu’il appartient au pape de formuler les symboles de foi, le saint docteur se fait cette difficulté qu’un tel pouvoir ne peut exister sous le Nouveau Testament, parce que tout l’enseignement révélé y est définitivement fixé par la doctrine de Jésus et des apôtres. Il est vrai, répondil, que les vérités de foi sont suffisamment explicites dans la doctrine de Jésus-Christ et des apôtres ; mais parce que des hommes pervers corrompent cette doctrine pour leur propre perdition, ideo necessaria fuit temporibus procedentibus explicatio fidei contra insurgeâtes errores. Sum. theol., IL IL 1 ', q. i, a. 10, ad l, jm. Le saint docteur donne le même enseignement, H" II », q. i, a. 9, ad L 2 1 "", et I », q. xxix, a. 3. Ce qui est vrai, non seulement pour le passé, mais encore pour l’avenir, car le souverain pontife a ce pouvoir jusqu'à la consommation des siècles, et la même raison de défense et de préservation s’applique à toutes les époques où surgissent de nouvelles erreurs, a. 10.

En même temps, saint Thomas laisse assez clairement entendre qu’il y a aussi quelque progrès dans les concepts dogmatiques eux-mêmes. Nous citerons comme exemples ces deux assertions de l’angélique docteur que la procession du Saint-Esprit ex Filio, bien qu’elle ne se rencontre point textuellement dans l'Écriture, y est contenue quoad sensutn, Sum. theol., I a, q. XXXVI, a. 2, ad 1'"", et que la maternité divine de Marie se déduit nécessairement des paroles de l'Écriture, III a, q. xxxv, a. i-, ad 1°"> ; double vérité qui, au jugement de saint Thomas, ('tait cependant de foi puisqu’elle était définie comme telle par l'Église.

Cet enseignement de saint Thomas est communément reproduit par les théologiens scolastiques. Nous citerons particulièrement Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., l. III, dist. XXV, q. n. Venise, 1636, fol. 259 ; Gabriel Biel, In IV Sent., l. III, dist. XXV, a. 3, dub. ni, Bâle, 1512, sans pagination.

2. Au xve siècle, commence à se dessiner un concept plus explicite du progrès dogmatique dans les concepts eux-mêmes. La première indication de ce genre paraît avoir été fournie parle cardinal Turrecremata († 1468), dans sa Summa de Ecclesia. Il y donne comme vérité catholique non seulement celle qui provient immédiatement de la lumière de la révélation divine in propria verborum forma, mais encore celle qui provient médiatement par une déduction nécessaire, implicite bona et necessaria continenlia, comme cette vérité C/tristus habuil animam rativnalem. Dans cette