naissance des développements dogmatiques ultérieurs. Il affirme même formellement le contraire dans ce passage : « Ainsi les saints apôtres connaissaient, sans l’usage de formules ou d’arguments, toutes les vérités relatives aux doctrines relevées de la théologie, que les controversistes ont ensuite pieusement et charitable ment réduites en formules et développées par l’argumentation, » p. 191 sq. — y) De l’exposé des sept critères nevvmaniens ainsi que du reste de l’ouvrage, on peut conclure en quel sens et dans quelle mesure l’illustre écrivain admet des lois relatives aux développements dogmatiques. — a. Ces lois, déduites de l’ouvrage plutôt que nettement formulées, concernent principalement la nature intime des développements dogmatiques, c’est-à-dire leur identité substantielle avec la vérité primitivement révélée, et leur indubitable provenance de cette même vérité, soit par une analyse formelle, intime et pénétrante du contenu de cette révélation, soit par une sorte de jugement implicite provenant d’une conviction intime, latente, graduellement formée et profondément enracinée dans l’intelligence, p. 189sq. La première loi, concernant l’identité substantielle avec la vérité primitivement révélée, a déjà été suffisamment mise en lumière. La deuxième loi, découlant logiquement de la première, résulte d’ailleurs très manifestement des quatre premiers critères, surtout du troisième et du quatrième. Envisagée sous son premier aspect, en tant qu’elle suppose une analyse formelle du contenu de la révélation, elle n’a rien de spécial et ne fait que reproduire l’enseignement unanime des théologiens. Sous son deuxième aspect, en tant qu’elle suppose une sorte de jugement implicite provenant d’une conviction latente, elle fait partie intégrante d’un système particulier exposé par Newman dans sa Grammarof assent et que nous rencontrerons à l’article Foi. fi. Quant aux lois sur les causes ou occasions des développements dogmatiques, telles qu’elles peuvent être déduites de l’ouvrage de Newman, elles ne présentent rien de particulier et sont à peu près identiques à celles que nous avons indiquées précédemment. Il n’est donc point nécessaire de nous y arrêter.
y. N’ayant point à traiter ici de l’acte de foi ni du jugement de crédibilité, nous n'émettrons, pour le moment, aucune appréciation sur les opinions de Newman qui paraissent avoisiner le fidéisme ou porter quelque atteinte à la doctrine traditionnelle sur le jugement de crédibilité. Nous y reviendrons à l’article Foi. Qu’il nous suffise, pour le moment, de signaler ce passage de YEssay que l’on ne peut approuver au moins sous cette forme où Newman pose ce principe qu’il appelle le principe de la suprématie de la foi : « Que nous devons commencer par croire ; que les raisons de croire sont pour la plupart implicites et qu’il est seulement nécessaire qu’elles soient faiblement reconnues par l’intelligence qui est sous leur influence ; qu’elles consistent plutôt en présomptions et en essais pour entendre la vérité qu’en preuves précises et complètes ; et que des arguments probables, avec le contrôle et la sanction d’un jugement prudent, sont suffisants pour des conclusions que nous embrassons même comme très certaines et que nous appliquons aux usages les plus importants, » p. 327.
Quant au discours prononcé par Newman à Oxford le 2 février 1843 sur la théorie des développements dans la doctrine religieuse, il contenait déjà en germe renseignement de YEssay de 1845. Le professeur d’Oxford y montre que les développements doctrinaux ultérieurs ne sont que la manifestation ou l’expression (fi jugements implicites antérieurement existants dans la conscience chrétienne ou dans l’esprit de l'Église. Ces jugements implicites, loin d'être entendus au sens subjectiviste, supposent le fait extérieur de la révélalion sur lequel l’esprit travaille et réfléchit pour en
saisir, par une attentive analyse, tout le concept. Fifteen sermons preached before Ihe university of Oxford, 3e édit. de 1871, réimprimée en 1906 à Londres, p. 320, 323, 329. La principale différence doctrinale avec l’ouvrage de 181ô est que l’orateur de 18't3 insiste très longuement sur ce que l’intelligence ne peut jamais posséder qu’une idée imparfaite de la vérité révélée et que nos expressions n’ont jamais avec elle une réelle équivalence, p. 325 sq. D’où cette conclusion : les dogmes catholiques sont finalement des symboles d’un fait divin qui, loin d'être équivalemment exprimé par les propositions qui le manifestent, ne serait pas épuisé ni traité à fond avec un millier, p. 332. Conclusion qui, malgré l’abus qu’on pourrait en faire, ne suppose pas nécessairement le relativisme dans les dogmes, et qui, en toute hypothèse, paraît avoir été postérieurement abandonnée par l’auteur, car elle est omise dans l'écrit de 1815, que l’on est autorisé à considérer comme rellétant la véritable pensée de l’auteur, parce qu’il fut le fruit d’un travail plus réfléchi et plus mûr. 3. Position prise par les théologiens catholiques après Mwhler et Newman. -- C’est la même position qui avait été communément prise par les théologiens depuis plusieurs siècles, après Turrecrernata, Bannez, Suarez et de Lugo ; mais cette position est mieux précisée et plus solidement appuyée : A. On étudie avec plus de soin les faits relevant de l’histoire des dogmes et l’on se préoccupe davantage de mettre les explications doctrinales en accord avec les faits. Par une étude attentive des faits, on démontre qu’il y a eu progrès accidentel, non seulement dansla formule des dogmes, mais encore dans les concepts eux-mêmes, par le passage de l’implicite à l’explicite. Toutefois dans l’appréciation des faits, quelques divergences se manifestent. Tandis que quelques auteurs s’en tiennent plus strictement à la lettre des documents positifs et se refusent à admettre pour les siècles antérieurs ce qui n’est point ainsi démontré, d’autres n’accordant point de valeur démonstrative au simple silence des documents et s’appuyant davantage sur la tradition, surtout quand elle est constante et universelle à une époque assez rapprochée de l'âge apostolique, admettent plus facilement une pratique antérieure avec la foi implicite qui en dut être l’accompagnement, quand même les documents actuellement existants ne fourniraient point de preuve positive vraiment décisive. Comme exemple bien saillant, il nous suffira de rappeler les discussions récentes sur la pratique de la confession auriculaire dans les premiers siècles de l'Église.
B. Les théologiens catholiques n’hésitent plus à employer les expressions de progrès et d'évolution dogmatique ; mais ils en précisent nettement la signification. Ils excluent toute idée d’une évolution substantielle, supposant dans les concepts et les formules d’aujourd’hui un sens réellement différent de celui qui fut compris par l’Eglise primitive. Ils admettent un progrès simplement accidentel, supposant toujours l’identité substantielle du dogme, selon l’enseignement de saint Vincent de Lérins. Distinction est également faite entre l'évolution du dogme et celle de la théologie. La première s’applique seulement aux propositions définies ou susceptibles de l'être et présentées par l'Église comme primitivement révélées au moins d’une manière implicite. La seconde s’applique à toutes les conclusions que le raisonnement théologique, au cours des siècles, déduit effectivement des vérités révélées, que ces conclusions soient ou non approuvées ultérieurement par l'Église. La sphère où se meuvent l’une et l’autre évolution est donc bien différente. Aussi les théologiens sont-ils désormais à peu près unanimes, comme nous l’avons noté précédemment, à écarter l’opinion de Suarezet de Lugo qui rangeaient les conclusions théologiques parmi les dogmes, dès lors qu’elles sont