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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/240

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DONS DU SAINT-ESPRIT

des dons, considerata tamen aliqua convenientia, fait correspondre la béatitude des affamés et assoiffés de justice. L’affinité présente, dit saint Thomas, est dans cette vigueur de désir de justice que supposent ces mots faim et soif. Ibid., a. 2. — Au don de force correspondront les fruits dénommés par saint Paul patience et longanimité. Ibid., ad 3um.

Le don de crainte de Dieu.

Sum. theol., IIa IIæ, q. xix, a. 9, 11.

Nous avons donné plus haut, voir Crainte, les différentes acceptions théologiques de ce mot.A priori, la seule qui convienne à un don du Saint-Esprit, est la crainte filiale. Celle-ci, en effet, possède ce titre spécial qu’elle marque le premier degré de l’ascension de l’âme vers l’union divine par les dons. Ad hoc enim quod aliquid sit bene mobile a Spiritu Sancto, primo requiritur ut sit ei subjectum non repugnans… hoc autem facit timor filialis vel castus in quantum per ipstim Deum reveremur et refugimus nos ipsi subducere, a. 9. Elle seconde par ce tout dernier mouvement l’espérance, qui est fondée sur le secours divin ; car, par le don de crainte, timemus ab hoc auxilio nos subtrahere. Ibid., ad 1um. — Le don de crainte filiale augmente naturellement avec la croissance de la charité, car il est tout en soumission à Dieu, a. 10, et cela nonobstant un certain sentiment de la distance infinie existant entre l’homme et Dieu auquel non præsumit se adæquare. Ce sentiment dessert, plutôt qu’il ne contrarie, l’intention principale de la crainte révérentielle et se trouve au sein même de la charité qui, elle aussi, augmente dans la mesure même où l’homme sent Dieu supra se et supra omnia. ibid., ad 3um.

Aussi le don de crainte de Dieu demeure-t-il au ciel, d’où toute crainte est cependant bannie. Mais il n’aura plus à s’exercer en regard du péché toujours possible ici-bas. Il sera dans les élus une crainte d’admiration pour Dieu ut supra se existentem et cis incomprehensibilem, a. 11.

La béatitude des pauvres selon l’esprit correspond au don de la crainte de Dieu. Ex hoc enim quod aliquis Deo se subjicit, desinit quærere in seipso vel in aliquo alio magnificari, nisi in Deo. Donc ni honneurs, ni richesses, mais, selon le mot de saint Augustin, exinanitio inflati et superbi spiritus. Ibid., a. 12.

Au don de crainte correspondent comme fruits la modestie, la continence, la chasteté, qui relèvent de la vertu de tempérance. Et cela est dans l’ordre des choses ; car si, par son acte positif, se soumettre à Dieu, le don de crainte concourt aux fins de l’espérance, par son côté négatif, il abonde dans le sens de la tempérance. Celle-ci donne à l’homme de se séparer des plaisirs déshonnêtes pour conserver en soi l’intégrité de la raison : le don produit le même effet, non plus pour ce motif, mais par crainte de se séparer d’avec Dieu. Ia IIæ, q. rxviii, a. 4, ad 1um. C’est parce que ce sentiment négatif, crainte de la séparation d’avec Dieu, occupe le premier degré dans l’ordre ascendant et de genèse des dons, que la crainte de Dieu est légitimement placée au dernier rang dans l’ordre descendant et de dignité.,

IX. L’activité des dons ici-bas au ciel, les béatitudes et les fruits

Un premier point à élucider est la permanence des dons du Saint-Esprit dans la béatitude céleste. En effet, c’est l’imperfection dans la possession de notre charité ici-bas, caritas viæ, qui a amené saint Thomas à reconnaître leur nécessité. Voir col. 1735 sq. La charité étant parfaitement possédée au ciel, les dons ne disparaissent-ils pas avec la cause qui nécessitait leur présence. Saint Ambroise affirme qu’ils persistent dans un texte célèbre que nous citons plus loin. Liber de Spiritu Sancto, l. I, c. xvi, P. L., t. xvi, col. 740. La raison de celle solution est que les dons du Saint-Esprit, ayant pour objet de rendre une âme souple et docile à l’inspiration du Saint-Esprit, sont très spécialement à leur place au ciel, quand Dieu sera tout en tous et l’homme totalement soumis à Dieu. La permanence des dons au ciel est une conséquence de la perfection béatifique, au même titre que leur existence sur la terre est une exigence de l’imperfection forcée de la participation du surnaturel par les vertus d’ici-bas. Sum. theol., Ia IIæ, q. lxviii, a. 6.

Mais, si les dons demeurent identiques en soi et dans leur relation constitutive à l’action du Saint-Esprit, leur terrain d’activité change du tout au tout, avec le changement d’état des élus.

Le rôle des dons ici-bas est avant tout de secourir les vertus dans la lutte contre le mal : Spiritus Sanctus dat sapientiam contra stultiliam, intellectum contra hebeludinem, consilium contra præcipitationem, fortitudinem contra timorem, scientiam contra ignorantiam, pietatem contra duritiam, timorem contra superbiam. S. Grégoire le Grand, Moral., I.II. c. xlix, n. 77, P. L., t. lxxv, col. 592 sq. Au ciel, leur rôle est de parachever la perfection morale éminente de l’acte humain dans lequel les saints trouvent leur béatitude. Aussi saint Grégoire, dans l’examen définitif qu’il fait de l’activité des dons, leur attribue-t-il, en plus de leur utilité transitoire, un genre d’opération supérieure, qui ne périt point.

La sagesse continue de remplir de ses certitudes divines l’esprit du bienheureux ; plus que jamais l’intelligence l’illumine ; le conseil le remplit de satisfactions rationnelles ; la force le rassasie d’une énergie sûre d’elle-même ; la science le renseigne à fond ; la piété rend son âme fraternellement expansive ; la crainte est à jamais rassurée. S. Thomas, ibid. Voir la partie documentaire.

Saint Thomas à la suite de saint Augustin a reconnu dans les béatitudes de l’Évangile de saint Matthieu, v, 3 sq., Beati pauperes spiritu, etc., une formule plus expressive de l’activité des dons. ibid., q. lxix. Si la béatitude est, en effet, la pleine possession du bien parfait, ce qui en approche le plus, et par suite mérite de partager son nom, c’est, sur la terre, le genre de vie qui tend efficacement à l’acte béatificateur. Or, ce genre de vie nous est départi à son maximum par l’action immédiate du Saint-Esprit, prenant directement par les dons la conduite de notre vie surnaturelle. Les actes surnaturels dénommés dans les sept premières béatitudes évangéliques de saint Matthieu représenteront donc les activités particulières, propres à chacun des sept dons. Il est à remarquer que le caractère général et la teneur spéciale des béatitudes confirment a posteriori, dans une mesure, cette assimilation. La pauvreté d’esprit, la douceur évangélique, la faim et la soif de la justice, les larmes, la compassion, le détachement du cœur, l’amour de la paix sont bien l’expression divinement nuancée, de la dépendance absolue de l’âme vis-à-vis du Dieu qui nous soumet sans réserve a son bon plaisir, nous rend totalement disponibles vis-à-vis des inspirations de son esprit. Pour le détail de cette concordance des dons et des béatitudes et leur rattachement aux trois états de la vie humaine, voluptueuse, active, contemplative, voir Béatitudes évangéliques, t. ii, col. 515.

Les fruits du Saint-Esprit, ibid., q. lxx, sont à leur tour le complément de l’activité des dons, mais comme ils ne les concernent pas exclusivement et s’attachent aussi à l’exercice des vertus, il convient d’instituer pour eux un article spécial. Voir Fruits du Saint-Esprit.


II. Partie documentaire et historique.

I. écriture sainte.

Ancien Testament.

L’Ancien Testament a été souvent utilisé par les Pères et les théologiens pour établir ou illustrer la doctrine des dons du Saint-Esprit. Le commentaire du teste d’Isaïe, xi, 2, 3, a une importance capitale dans l’histoire de cette doctrine. Cependant nous estimons que, s’il y a dépendance réelle de la théologie des dons vis-à-vis