de l’Ancien Testament, c’est moins par le fait de quelques textes — dont la plupart sont pris au sens spirituel ou allégorique, comme nous le verrons bientôt — que par l’ensemble des témoignages qui, dans l’Ancien Testament, établissent une relation entre la communication de « l’Esprit divin » et notre connaissance de Dieu et des choses religieuses, ou encore, la pratique de la religion et la piété.
Nous avons recueilli quelques-uns de ces textes, et l’on verra, à leur lumière, qu’avec le développement de la révélation, le caractère de moralité religieuse que l’on reconnaît au don de l’Esprit de Dieu, de l’Esprit-Saint de Dieu, va s’accentuant. D’abord, il n’est communiqué qu’un don de prophétie, ou même des connaissances profanes encore que leur but soit sacré ; c’est, par exemple, dans la Genèse, xli, 38, 39, l’interprétation du songe de Pharaon par Joseph, qui fait donner à celui-ci la qualification d’homme spiritu Dei plenus. Dans l’Exode, Dieu déclare avoir rempli de l’esprit d’habileté ceux qui doivent confectionner les vêtements d’Aaron, xxviii, 3, et, plus loin, Beseleel et les orfèvres chargés d’exécuter les objets du culte, xxxi, 3. Citons les termes de cette dernière déclaration qui semblent déjà un prototype partiel d’Isaïe, xi, 2 : Et implevi eum (Beseleel) spiritu Dei, sapientia, et intelligentia, et scientia in omni opere. Cf. xxxv, 31, où est ajouté : et omni doctrina. Dans les Nombres, xi, 17, 25, nous voyons Dieu adjoindre à Moïse 70 anciens, auferens de spiritu qui erat in Moyse et dans septuagiuta viris. Cumque requievisset (autre prototype partiel d’Isaïe, xi, 2) in eis spiritus, prophetaverunt, nec ultra cessaverunt. De Josué il est dit : repletus est spiritu sapientiae. Dent., xxxiv, 9. L’Esprit du Seigneur est sur Othoniel, Jud., iii, 10 ; sur Gédéon, vi, 34 ; sur Jephté, xi, 29 ; sur Samson, xiii, 25, qui lui doit ses actions d'éclat, xiv, 6, 19 ; XV, 14 ; sur Saül, dont il fait un autre homme, I Reg., x, 6, et qui prophétise aussitôt, x, 10 ; auquel il inspire une juste colère, xi, 6. Il dirige David oint par Samuel, xvi, 13, et quitte Saül aux prises avec l’esprit de Dieu mauvais, 14, 23 ; il produit, xix. 20, 24, une véritable contagion de prophétie ; il revêt Zacharie, fils de Joïada, qui s'écrie : Hæc dicit Dominus quare transgredimini, etc. Tous ces textes et d’autres attribuent à l’Esprit de Dieu une action d’illumination prophétique, artistique, morale, intellectuelle ou prudentielle. — Avec les psaumes et les livres sapientiaux le caractère de discipline morale du don de l’Esprit passe définitivement au premier plan. Le contexte montre que c’est l’interprétation qu’il faut donner des appels à l’Esprit-Saint, à l’Esprit principal du ps. l, 13, 14. Si le verset si souvent utilisé par les Pères, la liturgie, les théologiens : Emitte spiritum tuum et creabuntur, Ps. ciii, 30. a besoin d'être pris au sens spirituel, ainsi peut-être que le verset, Spiritus tuus bonus deducet me in terram rectam, Ps. cxlii, 10, les textes de la Sagesse sont formels : Spiritus enim sanctus disciplinae effugiet fictum, 1, 5 ; Venit in me Spiritus sapientiae, vii, 7 ; Est enim in illo Spiritus intelligentiæ, sanctus, unicus, etc., 22 ; Sensum autem tuum quis sciet nisi tu dederis sapientiam et miseris spiritum sanctum tuum de altissimis, ix, 17. Cf. Eccli., i, 9, Ipse creavit sapientiam in Spiritu sancto ; XV, 5, Et adimplebit eum spiritu sapientiae et intellectus, xxxix, 8, Spiritu intelligentisae replebit illum.
Tous ces textes montrent que le texte d’Isaïe, xi, 2, n’est rien moins qu’isolé et font valoir l’origine divine autant que l’efficacité des effets spirituels de l’Esprit de Dieu. Sans doute, il ne s’agit pas ici, explicitement, de l’Esprit-Saint, troisième personne de la Trinité, voir Dictionnaire de la Bible, art. Esprit-Saint ; cependant, théologiquement parlant, tout porte à croire que la notion de cet Esprit de Dieu, dont l’intervention est constante dans l’Ancien Testament, n’est pas étrangère à la notion de l’Esprit-Saint. Cf. Petau, De Trinitate, l. II, c. vii. Les Pères, en effet, n’hésitaient pas à puiser dans ces textes de l’Ancien Testament les preuves nécessaires à l'établissement de la divinité du Saint-Esprit. On cite une seule note discordante, celle de Théodore de Mopsueste. In Joelem, ii, 28, P. G., t. lxvi, col. 222 ; cf. note, et col. 483. D’autre part, il appert que de nombreuses caractéristiques des effets de l’Esprit de Dieu, nommées dans l’Ancien Testament, à savoir la sagesse, la science, le conseil, la piété, la force, sont celles-là même qui appartiendront dans la théologie aux dons du Saint-Esprit. Il serait étrange que cette rencontre ne supposât pas une coïncidence plus foncière.
L’accentuation de cette valeur morale et religieuse des dons de l’Esprit est si nette et trouve dans la tradition juive immédiatement antérieure aux débuts du christianisme, contemporaine encore et postérieure, de si forts appuis que W. Bousset, Die Religion des Judentums im neutestamentlichen Zeitalter, 2e édit., Berlin, 1906, p. 452 sq., termine une enquête consciencieuse et minutieuse des documents de cette période par cette constatation que, dès les temps anciens, et surtout dans le temps environnant le Nouveau Testament, la piété est conçue comme étant dans une relation intime avec l’esprit de Dieu, le Saint-Esprit. A l’entendre, il y aurait plus de traces de cette conception que certaines théories dogmatiques ne l’acceptent et que la tradition elle-même ne l’a cru. Dans la jeune génération chrétienne « ces expériences pneumatiques » n’ont certainement pas été plus fréquentes que dans le judaïsme. seulement la croyance que Dieu, dans les derniers jours, avait déversé son esprit sur toute chair, y a pris une signification extraordinaire et développé des forces enthousiastes, p. 458.
A l’appui de ces déclarations on peut citer, sans sortir de la Patrologie de Migne, l'œuvre juive intitulée : Testamenta XII patriarcharum, postérieure à 70 et vraisemblablement de la fin du 1er siècle. Cf. Kautzsch, Die Pseudepigraphen des Alten Testaments, Tubingue, 1900, t. ii, p. 460. Lire en particulier les bénédictions de Lévi, P. G., t. ii, col. 1051-1054 ; de Juda, col. 1067-1082 ; d’Issachar, col. 1083. On pourrait citer aussi le ꝟ. 37 du ps. xvii, parmi les Psaumes de Salomon, vers 48 avant Jésus-Christ, où se rencontre une nomenclature des dons du Saint-Esprit attribués au Messie, qui, dit le P. Lagrange, sont à peu près les mêmes que dans le texte d’Isaïe, xi, 2. Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909, p. 234. L’opinion commune du judaïsme pharisaïque de la même époque regardait les six premiers dons comme ayant été accordés à six descendants de Ruth, David, Daniel, Anania, Mikaël, Azaria et le Messie : ce dernier devait avoir d’ailleurs en propre le septième, le don de juger par un flair surnaturel, indiqué dans le texte : « Et il respirera dans la crainte de Jahvé. » Ibid., p. 229.
Avant de quitter l’Ancien Testament, il convient d'étudier de plus près le texte d’Isaïe, xi, 2, 3, dans lequel la tradition chrétienne a canalisé, pour ainsi parler, tant cette tradition juive que les données de même signification du Nouveau Testament. La question qui se pose, en effet, est de savoir si le texte même se prête à cette explication. Elle a été récemment approfondie par M. Touzard, Isaïe, xi, 2, 3 et les sept dons du Saint-Esprit, dans la Revue biblique, avril 1899, p. 232 sq. Le texte hébreu, on le sait, mentionne la crainte de Dieu à la place de la piété, et au lieu de la finale : et replebit eum spiritus timoris Domini, a cette leçon : Et il respirera dans la crainte de Jahvé. Il n’y a donc dans le texte original de ce passage que six caractéristiques au lieu des sept que recensent les Septante et la Vulgate. M. Touzard fait ressortir la permanence des dons qu’implique l’idée de