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EGLISE


question doctrinale de l’infaillibilité de l'Église, relativement aux faits dogmatiques, fut posée différemment, du moins en France.

Établissant une distinction entre l’enseignement doctrinal de l’Eglise relativement à ces cinq propositions justement condamnées, et le jugement de fait que ces propositions étaient réellement contenues dans Y Auguslinus de Jansénius, les jansénistes admettaient l’infaillibilité de l'Église sur le premier point et la rejetaient sur le second, sous ce prétexte que cette question de fait, n’appartenant point au domaine de la révélation, ne relève aucunement du magistère ecclésiastique. Ils prétendaient, d’ailleurs, s’appuyer sur ce que les tbéologiens avaient antérieurement affirmé, d’une manière assez habituelle, la faillibilité des jugements de l'Église sur des questions de fait, en omettant d’ailleurs les distinctions ou restrictions faites par ces théologiens, ou existant certainement dans leur intention, sans qu’elles fussent positivement énoncées. L’histoire de cette grave controverse devant être exposée à l’art. Jansénisme, il nous suffira de donner ici quelques indications sur les principaux documents ecclésiastiques en cette matière et sur l’attitude des théologiens catholiques.

Dès le 16 octobre 1656, Alexandre VII déclare et définit expressément que les cinq propositions extraites du livre de Jansénius intitulé : Auguslinus ont été condamnées in sensu ab eodern Cornelio intenta. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1098. Et le 15 février I661, ce même pape impose aux jansénistes l’obligation stricte de souscrire à un formulaire de soumission, exprimant une entière adhésion aux constitutions précitées d’Innocent X et d’Alexandre VII, et une réprobation formelle, sincero animo et sous la foi du serment, des cinq propositions de Jansénius, in sensu ab eodem auctore intento, n. 1091).

Quelques évêques s'étant permis de faire des additions à ce formulaire pontifical, Innocent XII, le 6 février 1694, après avoir confirmé les définitions d’Innocent X et d’Alexandre VII, interdit strictement toute addition au formulaire et enjoignit de l’entendre in sensu obvio, n. 1099. Enfin Clément XI, par la constitution apostolique Vineam Domini du 16 juillet 1705, déclara expressément que l’obéissance due aux constitutions du saint-siège ne comprenait pas seulement un silence obséquieux, mais que le sens condamné dans les cinq propositions du livre de Jansénius, tel qu’il ressort naturellement des paroles employées, doit être rejeté et condamné par tous les fidèles comme hérétique, non seulement de bouche mais encore de cœur, et qu’il n’est point permis de souscrire au dit formulaire alia mente, animo aul credulitate, et que ceux qui penseraient, prêcheraient, écriraient, enseigneraient ou affirmeraient diversement ou contrairement à tout ceci, seraient, comme transgresseurs des dites constitutions apostoliques, soumis à toutes les censures portées par ces constitutions, n. 1350, ce que confirma encore Pie VI par la bulle Auctorem fidei du 28 août 1794, qui réprouvait les prétentions du conciliabule janséniste de Pistoie, affirmant, relativement à la paix dite de Clément IX, que ce pape avait permis de se servir de la distinction entre le droit et le fait, pour souscrire au formulaire d’Alexandre VII, n. 1513 sq.

De leur côté, les théologiens catholiques combattaient vaillamment la thèse janséniste et réfutaient les arguments sur lesquels on prétendait l’appuyer. C’est ce que fit Bossuet en 1665, dans sa Lettre à la révérende mire abbesse et aux religieuses de Port-Royal, écrite sur la demande de l’archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe. Bossuet insista surtout sur la pratique de l’ancienne Église, condamnant les doctrines et les écrits des hérétiques, en même temps qu’elle enseignait la foi véritable, et exigeant la soumission à ces condam I nations qu’elle insérait dans ses professions de foi, | comme dans celle du pape saint llormisdas, et à tel point qu’elle refusai ! sa communion à ceux qui, emJ brassant sa foi, se refusaient à souscrire à ses jugements concernant les faits décidés. Œuvres, Paris, 1836, j t. xi, p. 648 sq. On doit toutefois reconnaître qu’au | jugement de ï'évéque de Meaux, les sentences de l’Eglise, en ce qui touche les faits, ne sont pas tenues infaillibles. Mais c’est une vertu chrétienne et religieuse de soumettre et d’anéantir son jugement propre, même hors des cas de vérités révélées, surtout dans les choses qu’on ne sait pas, el desquelles on n’a nulle obligation de prendre aucune connaissance. D’ailleurs, il est certain et indubitable qu’au-dessous de la foi théologale il y a un second degré de soumission et de créance pieuse, qui peut être souvent appuyée sur une si grande autorité qu’on ne peut la refuser sans une rébellion manifeste, p. 658. Bossuet voulait compléter sa démonstration dans un ouvrage plus étendu, que la mort l’empêcha de terminer. Ce qui nous est parvenu sous le titre d’Autorité des jugements ecclésiastiques n’est qu’un simple canevas, où l’auteur énumère vingtquatre exemples de cas où l'Église s’e*t prononcée avec autorité sur des faits, bien qu’ils ne soient pas révélés de Dieu, et a rigoureusement exigé la soumission des fidèles à ces jugements, p. 665 sq.

Ce que Bossuet n’avait fait que commencer, Fénelon l’accomplit avec une telle perfection, que les théologiens subséquents n’ont guère fait qu’utiliser ses matériaux. Ses principaux écrits en cette matière sont : quatre Instructions pastorales publiées en 1704 et 1705, Œuvres complètes, Paris, 185-2, t. iii, p. 573 ; t. IV, p. 5 sq., 96 sq., 261 sq. ; deux Lettres à l'évêque île Meaux, p. 338 sq., 357 sq. ; deux Lettres à l'évêque de Saint-Pons, p. 392 sq., 412 sq. ; sa Lettre sur l’ordonnance du cardinal de Noailles du 22 février 1103 eo)ttre le cas de conscience, p. 160 sq. ; son Instruction pastorale, du Ie ' mars 1706 pour la publication de la constitution Vineam Domini de Clément XI, p. 488 sq. ; une Lettre ù un évêque sur le mandement de M. de Saint-Pons, p. 520 sq. ; deux Lettres à Quesnel, p. 549 sq., 582 sq. ; trois Lettres contre un nouveau système sur le silence respectueux, p. 607 sq., 622 sq., 640 sq. ; une Instruction pastorale du l « > juillet 1708 sur le livre intitulé : Justification du silence respectueux, t. v, p. Lsq. ; une Lettre sur l’infaillibilité de l'Église louchant les textes dogmatiques, p. 109 sq. ; et deux Mandements pour l’acceptation de la constitution Unigeuitiis, p. 131 sq., 163 sq.

Dans ces divers écrits, Eenelon, à rencontre de Bossuet, revendiqua nettement l’infaillibilité de l'Église dans les jugements qu’elle porte sur les faits dogmatiques. Il appuya cetle revendication tout d’abord sur la mission donnée par Jésus-Christ à son Église. Matth., xxviii, 19 sq. Il est manifeste que le corps des pasteurs ne peut enseigner toutes les nations, qu’en remplissant les deux fonctions essentielles que saint Paul leur marque, qui sont de garder la forme des paroles saines, II Tim., i, 13, et d'éviter la nouveauté profane de paroles. ITim., vi, 20. C’est par ces deux fonctions indivisibles, que l'Église enseigne tous les jours toutes les nations, et elle ne pourrait manquer ni à l’une ni à l’autre, sans violer le dépôt. Si elle manquait à discerner la forme saine d’avec la nouveauté profane de paroles, elle pourrait donner l’une pour l’autre à ses enfants. Alors loin d’enseigner tous les jours toutes les nations, elle les induirait toutes en erreur. En se trompant sur la signification propre des termes, elle les tromperait inévitablement pour le fond des dogmes. Instruction pastorale du 10 février 1704, Œuvres complètes, t. iii, p. 579 sq. ; Instruction pastorale du 2 mars 1705, t. iv, p. 16 sq. ; Deuxième lettre à l'évêque de Meaux, t. iv, p. 358 ; Lettre sur