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1369 DIOGNÈTE (ÉPITRE A) DIOSCORE 1370

lemont, qui en recule la composition avant la ruine du temple de Jérusalem en l’année 70, ne trouve plus de partisans. Il est donc sans conteste aujourd’hui que l’auteur a vécu dans le IIe ou dans le in 1’siècle. Mais, dans ces limites, faute de critères extrinsèques et décisifs, il y a toujours divergence d’opinions. D’après M. Harnack, Die Chronologie (1er altchristl. Literatur, 1897, t. r, p. 514-515, notre Épitre daterait du ine siècle, peutêtre de la fin du n e. M. Kihn, Theol. Quartalschrift, 1902, t. xxxiv, p. 495-498, fait ressortir le parallélisme du c. x, 3-6, de l’Épitre et du dernier chapitre des Pliilosophumena, P. G., t. xvi, col. 3451, pour remonter aux environs de l’an 230. Selon M. Bardenhewer, Gesehichte der allkirchl. Literatur, t. i, p. 297 ; Les Pires de l’Eglise, nouv. édit. franc., t. i, p. 157, c’est bien également un travail du iie siècle que dénotent la « nouveauté » du christianisme et la description de la vie des chrétiens entre les violences des païens et la haine perfide des Juifs.

V. Caractère.

L’Épitre à Diognète, avec la simplicité et la précision de son style, la netteté de son exposition, sa méthode dans la structure du discours et l’arrangement des matières, se rattache visiblement au genre apologétique. Elle va d’abord à réfuter tour à tour, au nom du sens commun, le paganisme ou plutôt le fétichisme et les superstitions du rabbinisme judaïque ; puis, des croyances et des mœurs des chrétiens elle fait ressortir la divinité du christianisme. L’intention apologétique en est donc l’essentiel. Mais nul recours aux miracles, sauf toutefois celui de la transformation des mœurs par la vraie religion et celui de la constance des martyrs ; nul recours aux prophéties. C’est à la supériorité de la morale évangélique et à son rôle dans le monde, que l’auteur en appelle ; c’est de l’antithèse entre la vie chrétienne et la vie païenne que la grande preuve de la divinité du christianisme jaillit. L’auteur en même temps reconnaît et relève l’importance, voire la nécessité, d’une bonne disposition de l’âme en fait d’apologétique ; impossible, sans être devenu d’abord un homme nouveau, d’apprécier l’excellence du christianisme, c. i et II.

On retrouve, sous la plume de l’auteur inconnu, sinon à coup sûr tous les articles de son symbole, du moins plusieurs vérités capitales de l’ordre surnaturel et chrétien. Notre Lettre atteste, entre autres, la nécessité de la révélation et de la foi pour connaître Dieu, c. v et viii, 1-6, les dogmes de la divinité de Jésus-Christ, de l’incarnation et de la rédemption, c. vii, vin et ix, ceux de l’éternité des peines de l’enfer, c. x, 7, 8, et de la justification ; bien que deux ou trois expressions, c. ix, 4, 5, semblent indiquer une justice impulative, on ne saurait douter que l’Kpître n’enseigne une justice intérieure et réelle, c. vii, 2 ; x, 2-6. L’auteur admet aussi, contrairement à saint Justin, l’immortalité naturelle de l’âme, c. vi, 2-9 ; x, 2.

Éditions principales : P. G., t. II, col. 1167-1186 ; von Gebhardt et Harnack, Patrum apostolicoruin Opéra, Leipzig, 1878, t. i, 2, p.142-164 ; Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1901, t.i, p.390-413. H. Doulcet, dans la Revue des questions historiques, 1880, t. xxviii, p. 601-612, et dans le Bulletin critique, 15 décembre 1882 ; J. Dræseke, Der Brief an Diognetus, Leipzig, 1881 ; H. Kihn, Der Ursprung des Briefes an Diognet, Fribourg, 1882 ; G. Krueger, dans Zeitschrift fur wissensch. Théologie, 1894, t. xxxvii, p. 206-223 ; Geschichte der altchristl. Litteratur, Nachtràge, Fribourg, 1897, p. 20 ; R. Seeberg, dans ForBChur.gen, de Zahn, 1893, t. v, p. 240 sq. ; Bardenhewer, Geschichte der altkirchl. Litteratur, t. i, p. 290-299 ; Les Pères de l’Église, nouv. édit. franc., Paris, 1905, t. i, p. 151-158 ; Harnack, Geschichte der altchr. Litteratur, l. ii, p. 757-758 ; Die Chronologie, p. 513-515 ; Funk, Patres apostolici, p. cxm-cxxii.

P. Godet.


DIOSCORE, patriarche d’Alexandrie. — Sa conduite vis-à-vis :
I. Des amis et des parents de saint Cyrille.
II. De Théodoret de Cyr.
III. De Flavien de Constantinople.
IV. D’Eutychès.
V. Sa condamnation.

I. Sa conduite vis-a-vis des amis et des parents de saint Cyrille. —

Dioscore, archidiacre de saint Cyrille, avait accompagné le grand évêque au concile d’Éphèse et lui succéda sur le siège patriarcal, en 444. Selon l’usage, il fit part de son élévation aux membres de l’épiscopat, notamment à l’évêque de Cyr et au pontife de Rome. Dans sa réponse, Théodoret, Epist., LX, P. G., t. lxxxiii, col. 1232, témoigne que la renommée des vertus de Dioscore s’était répandue au loin, aux débuts de son épiscopat. Léon le Grand profita de l’occasion pour lui rappeler que l’Eglise d’Alexandrie doit être d’accord avec celle de Rome, tout comme le disciple Marc, qui l’avait fondée, le fut avec son maître saint Pierre. Il lui recommande spécialement l’uniformité de la discipline touchant les ordinations à faire le dimanche et la réitération du sacrifice de la messe, au jour des grandes solennités, pour permettre à tous les fidèles d’y assister. Epist., ix, 1’. L., t. liv, col. 624 sq. Loin de continuer les bons exemples de son prédécesseur immédiat, Dioscore rappelle plutôt le triste souvenir de Théophile. Sa vie privée comme sa vie publique sont loin d’être à l’abri de tout reproche. Même en faisant la part de l’exagération dans les accusations formulées contre lui, il n’en reste pas moins assuré qu’il maltraita indignement les parents et les amis de saint Cyrille et se rendit coupable de plusieurs méfaits dans son diocèse et en Egypte.

A en croire Liberatus, Breviarium, x, P. L., t.i.xvin, col. 992, il commença par extorquer aux héritiers de saint Cyrille d’importantes sommes d’argent pour les prêter sans intérêt aux boulangers et aux cabaretiers d’Alexandrie, dans le but, prétendait-il, défaire distribuer au peuple un meilleur pain et un meilleur vin. Dans sa requête, adressée au concile de Chalcédoine, Mansi, t. vi, col. 1008 ; Hardouin, t. ii, col. 322-323, le diacre Théodose l’accusa de mauvais traitements et d’expulsions à l’égard des amis de son prédécesseur, de meurtres, d’incendies, d’exactions et d’inconduite. Le diacre Ischyrion, Mansi, t. VI, col. 1012 ; Hardouin. t. ii, col. 326-327, soutint qu’il avait intercepté le blé envoyé par les empereurs aux évêques df la Lybie. l’accaparant pour le revendre plus cher en temps de disette et empêchant ainsi, dans cette région, la célébration du sacrifice et le soulagement des pauvres et des étrangers. D’après le même Ischyrion, il avait distribué à des danseuses l’or qu’une pieuse chrétienne avait donné pour de bonnes œuvres. Lui-même avait été réduit par Dioscore à la mendicité ; Dioscore ne s’était pas contenté de saccager son héritage et de faire brûler sa demeure, il avait essayé d’attenter à sa vie dans l’hôpital où il l’avait fait enfermer. In neveu de saint Cyrille, le prêtre Alhanase disait dans sa requête, Mansi, t. VI, col.1028 ; Hardouin, t. ii, col. 332-333 : « Dioscore nous a menacés de mort, mon frère et moi, dès le commencement de son épiscopat, et nous lit quitter Alexandrie pour aller à Constantinople, où nous espérions trouver quelque protection ; mais il écrivit à Chrysaphius et à Nomus, qui gouvernaient alors toutes les affaires de l’empire. On nous mit en prison et on nous maltraita jusqu’à ce que nous eussions donné tous nos meubles. Il nous fallut même emprunter de grosses sommes à usure. Mon frère est mort de ces mauvais traitements, laissant une femme et des enfants chargés de dettes. Quant à moi, il m’a déposé de la prêtrise sans aucun motif. » A cette triple requête, le laïque Sophronius en joignit une quatrième, Mansi, t. VI, col. 1029 ; Hardouin, t. il, col. 336-337, qui n’est pas moins accablante pour la mémoire de Dioscore.

II. Sa conduite vis-a-vis de Théodoret, évêque de Cyr.

A l’extérieur, Dioscore se donna pour l’héritier et le gardien jaloux de l’enseignement antinestorien de saint Cyrille et le défenseur de l’orthodoxie. On