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verra plus loin comment il entendit et joua son rôle. Ayant ouï dire que, dans tin discours à Antioche, l'évêque de Cyr avait tenu quelques propos qui sentaient le nestorianisme, il le dénonça à son supérieur hiérarchique, Domnus, patriarche d’Antioche. L’accusation était calomnieuse ; et Théodoret protesta en rappelant que jamais évêque n’avait rien trouvé à reprendre dans ses discours, qu’il avait été en relations épistolaires forl amicales avec saint Cyrille et avait anathématisé quiconque déniait à Marie le titre de mère de Dieu, ou prétendait que Noire-Seigneur Jésus-Christ est un pur homme, ou divisait en deux le Fils unique et le premier-né de toute créature. £pisL, lxxxiii, P. G., t. i. xxxiii, col. 1260. « J’ai enseigné, disait-il, six ans sous Théodote, d’heureuse et sainte mémoire, treize ans sous le bienheureux Jean, qui prenait tant de plaisir à m’entendre que souvent il se levait et battait des mains… C’est la septième année de l'évêque Domnus, et jusqu’ici aucun évêque, aucun clerc n’a rien trouvé à reprendre dans mes discours. » lbid., col. 1268. « Quand il (Cyrille) envoya à Antioche ses livres Contre Julien et le traité du Houe émissaire, il pria le bienheureux Jean d’Antioche de les montrer aux docteurs les plus célèbres de l’Orient. Jean me les envoya ; je les lus avec admiration ; j’en écrivis à Cyrille, qui me répondit en rendant témoignage à mon exactitude doctrinale. » lbid., col. 1273. Cette lettre ne satisfit pas le chatouilleux Dioscore, car il persista à tenir pour vraie l’accusation d’hétérodoxie portée par la rumeur publique contre Théodoret ; il alla même jusqu'à louer ceux qui anathémalisaient l'évêque de Cyret lui reprocha lui-même d’avoir accepté une lettre synodique de Proclus, le prédécesseur de Flavien sur le siège de Constantinople, ce qui était méconnaître les droits des sièges d’Antioche et d’Alexandrie. Pour faire valoir tous ces griefs contre Théodoret, il envoya quelques évéques à Constantinople. Epis t., i.xxxvi, P. G., t. lxxxiii, col. 1280.

Sur ces entrefaites éclata l’affaire d’Eutychès. Dioscore profita habilement de la circonstance pour satisfaire ses rancunes, tout en ayant l’air de poursuivre, au nom de l’orthodoxie, les prétendus amis de Nestorius. Maître absolu au concile d’Fphèse, dont l’empereur Théodose II lui avait donné la présidence, et dont une lettre impériale avait soigneusement exclu Théodoret, Dioscore n’hésita pas, au mépris de toutes les lois canoniques, à déposer l'évêque de Cyr, sans l’avoir ni cité, ni entendu. La mesure était par trop criante. Théodoret s’en plaignit à bon droit au pape. Epist., CXIII, P. G., t. lxxxiii, col. 1316 sq. ; P. L., t. LIV, col. 848 sq. Mais il ne put obtenir gain de cause que deux ans après, au concile de Chalcédoine.

III. Sa conduite vis-a-vis de Flavien, patriarche de Constantinople. — En novembre 448, Eutychès, archimandrite d’un couvent de Constantinople, était cite devant un synode présidé par le patriarche Flavien, pour répondre à une accusation d’erreur contre la foi. Adversaire acharné du nestorianisme, il avait fait part à Léon le Grand de son ardeur à combattre Nestorius et son hérésie ; le pape ne put que l’en féliciter. Epist., xx, xxi. /'. L., t. ltv, col. 713-714. Mais son zèle trop peu éclairé l’avait conduit lui-même à professer une erreur opposée. Il s’en tenait strictement à l’expression, dont saint Cyrille avait usé, sur l’autorité de saint Athanase :  ; j.(a <pv<n ; toû Wô'jO Aôyoj nnap/i.vjivi, , une nature incarnée de Dieu le Verbe, et il négligeait les explications correctes qu’en avait données l'évêque d’Alexandrie et qui montraient clairement qu’il avait pris le mot iJ.y. çutcç au sens concret, c’està-dire pour désigner une seule individualité. Intendant, au contraire, cette expression au sens abstrait, Eutychès enseignait un seul Christ de deux natures, â/ 6wo çiiæwv, et non en deux natures, év Sûo cpûseo-r/,

l’humanité ayant été absorbée dans la divinité, les deux éléments concrets, la nature divine et la nature humaine, s'étant fondus en une seule nature mixte. 'O(j.o).ci', '('o ex Biîo çvktcCov Ye Y sv ^ ^ 3ct T0V Kiipiov T)[idiv -00 rîj{ iv(i)T£toç, (j.eta oï ty)v svuxtiv [xt’av çuffiv oij.o>, oytô. Mansi, t. vi, col. 473. Cela sentait l’apollinarisme e( détruisait la notion de l’incarnation. Flavien dut condamner Eutychès et en avertit le pape. Epist., xxii. P. L., t. liv, col. 721. Eutychès, de son côté, se plaignit à saint Léon d’avoir été injustement condamné. Sur la demande du pape d’avoir des renseignements circonstanciés, Flavien écrivit : « Eutychès, voulant renouveler les hérésies d’Apollinaire et de Valentin… a soutenu qu’avant l’incarnation il y avait deux natures en Jésus-Christ, la nature divine et la nature humaine, mais que, après l’union, il n’y a plus qu’une seule nature…, que son corps, pris de Marie, n’est pas de notre substance ; il l’appelle bien humain, mais il nie qu’il soit consubstantiel à sa mère et à nous. » Epist., xxvi, ibid., col. 746.

Mais Eutychès s'était adressé en même temps a Dioscore, Liberatus, Breviarium, XII, P. L., t. i.xviii, col. lOOi ; et celui-ci vit là une excellente occasion de s’immiscer dans les affaires religieuses de Constantinople ; il prit donc fait et cause en faveur de l’hérétique. D’accord avec le chambellan Chrysaphius, protecteur d’Eutychès et ennemi de Flavien, il obtint de Théodose II la convocation d’un concile pour reviser la sentence de l'évêque de Constantinople. L’empereur convoqua ce concile à Fphèse pour le 1 er août 449, en exclut nommément Théodoret de Cyr, y appela Barsumas, un ami d’Eutychès, pour y représenter tous les archimandrites d’Orient, et en confia la présidence à Dioscore. Mansi, t. VI, col. 587-600. Celui-ci, entre autres documents, y fit lire ce qui avait été décidé au concile œcuménique d'Éphèse, notamment un décret qui interdisait, sous peine de déposition et d’anathème, soit de composer, soit d’employer une formule de foi autre que celle de Nicée, et il donna à entendre que le sens d’un tel décret était qu’on ne devait rien dire, ni discuter que dans les termes mêmes du symbole de Nicée. Flavien, y ayant contrevenu dans la condamnationd’Eutychès, devenait passibledes peines indiquées ; en conséquence il devait être privé de toute dignité sacerdotale et épiscopale : ce fut la conclusion de Dioscore. Mais quelques évéques trouvèrent que c'était aller trop loin ; les envoyés du pape protestèrent énergiquement ; Flavien récusa la sentence dont on le menaçait et le juge qui la portait. Dioscore, recourant alors aux menaces et aux violences, fit signer de force tous les évéques sur papier blanc, brutalisa ou laissa brutaliser Flavien et le fit exiler. Quelques jours après, sur le chemin de l’exil, à llypepe, en Lydie, l'évêque de Constantinople mourait des suites des coups qu’il avait reçus au concile ; dolore plagarum, dit Liberatus, Breviarium, xix. Dioscore s'était conduit en « brigand ; » plus tard, à Chalcédoine, on lui reprocha avec raison la mort de Flavien. En attendant, le pape Léon I er, instruit par son légat, le diacre Hilaire, des iniquités et des ignominies qui s'étaient commises à ce concile d’Ephèse, qualifia ce concile de « brigandage ; » et c’est ce qualificatif de flétrissure qui lui est reste dans l’histoire.

IV. Sa conduite a l'égard d-'Eutychès. — Dioscore, dans ce trop célèbre concile, ne se contenta pas seulement de condamner injustement Flavien, de reviser la sentence et de casser le jugement porté contre Fufychès. de réintégrer l’archimandrite et ses moines, il pactisa de plus formellement avec le nouvel hérétique, ratifia sa doctrine et la lit adopter par les évéques asservis. Il fit lire, en effet, les actes du synode de Constantinople, qui comprenaient, entre autres, deux lettres de saint Cyrille, où la distinction des deux natures dans le Verbe