Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
491
492
DÉPOSITION ET DÉGRADATION DES CLERCS


Dl DÉPOSITION. — L SUR LE CLERGÉ DO DIOl — L’évoque a, de tout temps, possédé le droit de déposer les clercs de son diocèse. Il est, en effet, l’héritier des apôtres, et c’est à eux que le Christ a conféré le droit de « régir l’Église de Dieu. » Act., xx, 28. « Tout ce que vous lierez sur la terre, leur dit-il, sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié— dans le ciel, x Matin., xvin. 19-20 ; cf. Marc, xvi, 15-16 ; Luc, xxii, 19 ; Joa., xx, 21-23. Aussi voyonsnous, dans les Actes, les apôtres à l’œuvre, nommant des diacres, et leur imposant les mains, vi, 1-6 ; établissant des prêtres à la tête des églises, xiv, 22, et posant des règles disciplinaires au nom du Saint-Esprit, xv, 28-29. Au point de vue pénal, l’autorité n’est pas moins visible. Le Sauveur leur avait dit de considérer comme des païens et des publicains ceux qui n’obéiraient pas à l’Église. Mat th., xvnr, 15-17. Usant de ce droit, saint Paul livre à Salan un fidèle de Corinthe. ICor., v, 3-5 ; cf. II Cor., xiii, 10 ; ITim., i, 20. Et les prêtres n’échappent pas plus que les fidèles à cette juridiction. Saint Paul, l ïim., v, 17-21, demande seulement que les accusations portées contre un prêtre ne soient pas reçues à la légère. Presbyterorum ergo judices sunt episcopi et quidem summi jadices, écrit Thomassin, à propos de ce texte. Part. II, 1. I, c xv, n. 3.

En excommuniant le fidèle de Corinthe, l’apôtre prend à témoin les membres de la communauté : congregatis vobis et meo spiritu. I Cor., v, 4. On en peut conclure, ce semble, qu’il n’entendait pas agir seul. Leçon destinée à montrer aux évêques futurs qu’ils ne devaient pas procéder à des exécutions aussi graves sans prendre avis de personnes compétentes de leur entourage.

Le premier cas de déposition de prêtres constaté par l’histoire se trouve justement dans l’Église de Corinlhe : c’est l’œuvre de la communauté ; le rôle de l’évêque n’est pas nettement indiqué. C’est que Corinthe comptait plusieurs presbylres (ou prêtres) épiscopes. S. Clément de Rome, 1 Cor., xliv, 5 ; liv, 2 ; lvii, 1, Funk, Patres apostolici, 2e édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 156, 168, 172. S’agissait-il d’une révolte de la communauté contre tous les supérieurs ecclésiastiques, ou bien certains presbytres furent-ils assez puissants pour déposer leurs collègues ? Saint Clément de Rome intervint et posa ce principe : « Ceux qui ont été établis par les apôtres ou par les créatures des apôtres, toute l’Église y consentant — et qui ont rempli leur ministère sans reproche, selon le témoignage persévérant de tous — ceux-là, notre avis est qu’on ne peut les déposer de leur ministère, » xliv, 3, p. 156. Si Clément ne parle pas de celui à qui revient le droit de déposer un prêtre, c’est que 1 épiscopat monarchique n’était pas encore définitivement établi à Corinlhe, comme il l’était à Rome. Sur cette question qui demanderait à être traitée à part, cf. Kober, op. cit., p. 289 sq. ; Batiffol, La hiérarchie primitive, dans Éludes d’Iiisloire et de théologie positive, Paris, 1902, p. 225 sq.

A partir du jour où chaque Église fut régie par un évêque, celui-ci jouit de toutes les prérogatives du pouvoir ; le rôle de juge des clercs de son diocèse lui fut exclusivement réservé. C’est ainsi qu’en 231 l’évêque d’Alexandrie Démétrius frappa Origène de la peine de la déposition, sous sa propre responsabilité et sans l’avis de ses prêtres. Photius, Biblioth., cod. 118, P. G., t. ciii, col. 397. Le concile d’Antioche de 341, can. 12, suppose que cet usage est partout en vigueur : Eï tiç Oitô to0 iôt’o-j èjriffxÔ7rov xaOaipsÛs’i ; upEo-ëûxepo ; r ôi’axovoç, L : ), . Hardouin, t. i, p. 597. Les conciles de Carthage de 390, can. 8, ibid., col. 953. et de 398, can. 66, ibid., col. 983, et Gratien, caus. XI, q, ni, c. 30, parlent de la même idée, quand

ils reconnaissent au prêtre ou à tout autre clerc déposé le droit d’en appeler aux évêques voisins ou au synode. Les Constitutions apostoliques, d’origine orientale, posent expressément ce droit épiscopal en principe, aux environs de l’an 100 :’En : <rxo7co ; naQatpei icâvra xXr, p(xàv aÇiov Svra xaOaipItre&K, 1. VIII, c. xxvni, P. G., t. i, col. 1 121. El ce principe était si universellement reconnu que les empereurs chrétiens le sanctionnèrent par une loi : « Tout clerc accusé devait d’abord comparaître ju.rta sacra instiluta, apud episcopuni in quo clcricus rersatur, » 1. XXIX, De episcop. audientia, iv, 1.

Et ce n’est pas seulement en vertu des textes scripturaires ou de la théologie positive que l’on peut attribuer à l’évêque le droit de déposer les clercs de son diocèse. Il suffit de remarquer que les clercs n’existent que par lui, pour en conclure que ce qu’il leur a dôme il doit pouvoir aussi le leur ôter. Les apôtres, leurs auxiliaires et leurs successeurs confèrent par l’imposition des mains les différents degrés de l’ordre. Cf. Act.. vi, 6 ; xiv, 23 ; I Tïm., iii, 14, 15 ; II Tim., i, 6 ; lit., i. 5. Saint Jérôme et nombre d’autres Pères notent justement que ce qui distingue les évêques des simples prêtres, c’est le pouvoir d’ordonner : Quid facil, excepta ordinatione, episcopus, quod presbyter non faciat ? Epist., lxxxv, ad Evangelum, P. L., t. xxii. col. 1194. Cf. S. Jean Chrysostome, In 1 ad (Tim., homil. xi, P. G., t. lxii, col. 553. Il est vrai que dans l’ordination de ïimothéela participation des prêtres à la cérémonie est également marquée : p.E7a irabiaiw ; tô* /Eipôiv to — j TrpECTo-jTEp’O’j, I Tim., iv, 14 ; les prêtres imposent aussi les mains au nouvel élu. Mais cela n’empêche pas saint Paul de penser que le pouvoir d’ordre, le yâpi(T(j.a, n’a été conféré à son disciple que par lui-même, otà —r ?, : i-tiinzw ; t<ôv getp&v piou. II Tim., i, 6. C’est ainsi, du reste, que la tradition a toujours interprété la participation des prêtres à la cérémonie de l’ordination sacerdotale. « Lorsqu’on ordonne un prêtre, dit le prétendu IVe concile de Carthage, episcopo eum benedicenle et maman super caput eius tenente, tous les prêtres présents tiennent aussi leurs mains sur sa tête à côté de la main de l’évêque, » can. 3, dans Hardouin. t. i, col. 979, et Gratien, dist. XXIII, c. 8. Il est clair que c’est la « bénédiction » épiscopale qui est censée conférer l’ordre, et non la simple imposition des mains laquelle est commune à l’évêque et aux prêtres. Les Constitutions apostoliques, 1. VIII, c. xxviii, P. G., t. i, col. 1121, soulignent expressément cette » distinction : ètuVLo-o ; /E ; poGETe : T ysipoTOVEÎ… ; TtpEtrêjTEpoç… ysipoŒTE ! , où —/E ! po ? ov ; f, j/resbyter manus imponit, non ordinal. C’est donc bien l’évêque et l’évêque seul qui communique le pouvoir d’ordre, c’est par conséquent à lui seul que revient le droit de l’ôter.

11 est bien vrai que, pour le conférer, il est assisté de son presbyterium. Pour la même raison, il ne l’ôlera pas non plus sans l’assistance de ceux qui forment son conseil. Le pape Corneille donne l’exemple de cette pratique dès le milieu du ni’siècle : Omni igitur actu ad nie perlato, placuit conlrahi presbyterium… ut /innato consilio, quid circa personam eorum observari deberet, consensu omnium stalueretur. Epist., xi.vi, ad Cyprianuni, P. L., t. iv, col. 311. Mais l’Eglise, dans sa prudence, voulut entourer de toutes les garanties possibles un acte aussi grave que la déposition d’un prêtre, ou même d’un simple diacre. Le concile de Carthage de 348 exige pour la déposition d’un prêtre la présence de six évêques voisins, el pour celle d’un diacre la présence de trois évêques, can. 11, Hardouin, t. i, col. 687. Même règle au concile de Carthage de 390, can. 10, ibid., col. 953, et au concile de Carthage de 397, can. 8, ibid., col. 962 ; Gratien, caus. XV, q. iiv c. 3-5.