choses dont son osprit serait capable, o Discours sur la
méthode. IIe partie, il découvre cette méthode et nous la raconte. Ainsi crée-t-il une nouvelle philosophie, sa philosophie, mais il ne peut y arriver qu’en déclarant auparavant la guerre à la théologie scolastique : c’estsa delenda l’.arlhago. Il ne veut plus entendre parler de cette science surnaturelle et naturelle à la fois qui apporte à l’explication ou au développement des dogmes les lumières de la philosophie de l’École, qui compromet les vérités révélées en les solidarisant avec les élucubrations scolastiques et qui donne à celles-ci une illégitime consécration et stabilité en les alliant avec la parole de Dieu. La théologie scolastique à son sens a fait fausse route. Aussi « Descaries commence par rompre toute solidarité entre la foi et la théologie scolastique ; et pourquoi’? parce que cette théologie avait établi une solidarité et comme une continuité entre les données de la révélation et les connaissances naturelles, entre le christianisme et le péripatétisme. Et d’autant que, liant indûment les dogmes de la religion aux explications de la philosophie, elle transforme perfidement les erreurs humaines en vérités divines et des réformes salutaires en damnahles hérésies, la scolastique, voilà l’ennemie qu’il faut exterminer, comme le mauvais démon des théologiens et le principe de leurs calomnies chroniques. » M. Blondel, loc. cit., p. 555. Cf. Revue bourguignonne de l’enseignement supérieur, 1896, n. 1, p. 48.
2° Nous pouvons maintenant jeter un coup d’œil d’ensemble sur la pensée cartésienne au sujet de la question qui nous occupe et en constater les erreurs et les dangers.
1. L’Église est sans doute d’accord avec Descartes pour distinguer deux ordres de vérités : les vérités rationnelles et les mystères, et le concile du Vatican a nettement précisé la distinction : Perpetuus Ecclesise catholiese consensus tenuit et tenet duplicem esse ordinem cognitionis. Les vérités rationnelles nous sont enseignées par la raison naturelle et concernent la nature créée ; les mystères nous sont révélés par Dieu, sont acceptés par la foi et consistent dans des arcanes divins qu’aucune intelligence ne peut pénétrer sans le flambeau de la révélation. La démarcation est nette et Descartes y aurait souscrit. Mais où bientôt il s’éloigne de la voie tracée par la tradition catholique et que le concile du Vatican devait définir plus tard, c’est sur la question des rapports entre ces deux ordres de connaissances. L’Eglise déclare possible et exige comme nécessaire et indispensable une préparation rationnelle à la foi, afin que ralionabile sit obsequinm : Rationis ttsus fidem præcedil et ad eatn hominem ope revelationis et gratis conducit, DenLinger, Enchiridion, 10e édit., n. 1651 ; la philosophie de Descartes ne connaît pas cette préparation rationnelle ; pour elle, l’assentiment de foi procède, non pas d’une conviction intellectuelle, mais d’un pur acte de volonté.
2. Par où se découvre une nouvelle opposition entre les deux philosophies, la catholique et la cartésienne : l’analyse de l’acte de foi catholique révèle, en effet, un élément intellectuel et un élément volontaire libre ; le chrétien croit, parce qu’il a vu qu’il doit croire et parce qu’il veut croire ; dans l’analyse de l’acte de foi cartésien, l’élément intellectuel disparaît pour ne laisser subsister que le volontaire ; puisque Descartes n’osait pas soumettre les vérités révélées « à la faiblesse de ses raisonnements » et qu’il pensait « que pour entreprendre de les examiner et y réussir, il était besoin d’avoir quelque extraordinaire assistance du ciel et d’être plus qu’homme. »
3. Il y a d’autres oppositions entre la foi chrétienne et la cartésienne : pour l’Église, il y a entre la raison et la foi des vérités mi. des et des vérités communes. Les vérités mixtes sont celles que la raison ne peut démon trer, mais qu’une fois révélées elle peut entendre : ce sont par exemple les décrets libres de Dieu ; l’exercice de la liberté divine est le secret de Dieu ; mais ce secret une fois révélé, nous pouvons comprendre les desseins qu’il enferme. Nul ne pouvait démontrer que Dieu aurait un peuple choisi, que le Christ établirait une Église. Mais ce plan une fois manifesté, nous en comprenons facilement l’objet. Ce sont encore des vérités naturelles par essence, mais que la raison n’est pas arrivée à découvrir et que, guidée par la parole de Dieu, elle démontre maintenant et anahse sûrement : telle est la création du monde. Dieu nous l’a révélée ; assurés du fait, nous trouvons maintenant, dans l’examen du monde, des raisons solides pour le démontrer. Vérités mixtes donc que les faits dont l’existence est affirmée par la révélation et la nature décrite par la raison. Vérités communes que celles dont l’existence et la nature sont établies par la raison et confirmées par la révélation. Nous savons par la philosophie rationnelle que Dieu existe, et nous le croyons de foi surnaturelle. Pour Descartes, ces lumières partagées ou communes n’existent pas : le flambeau de la foi n’éclaire que des régions ignorées de la raison et réciproquement ; jamais les deux flambeaux ne réunissent leurs rayons sur un même objet pour en éclairer simultanément la même face ou distinctement les deux cotés ; c’est ce qui ressort d’une foule d’assertions et surtout de celle-ci : « les vérités révélées qui y conduisent (au ciel) sont au-dessus de notre intelligence. »
4. La religion catholique et la philosophie cartésienne ne sont pas non plus entièrement d’accord sur la valeur et la puissance de la raison : Descartes a, en celle-ci, trop et trop peu de confiance.
a) Il a trop de confiance. — En effet, ne professe-t-il pas que parmi « toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes… il n’y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu’on ne découvre ? » Comparez à cela ce que l’Eglise a toujours senti, à savoir : Huic divinæ revelationi tribuendum quidem est, ut ca quæ in rébus divinis Immanse rationi per se impervia non sunt, in præsenti quoque generis humani condilione ab omnibus e.rpedite, firma certitudine et nullo admixto errore cognosci possint. Concile du Vatican, const. De fide, c. n. Même après la découverte de sa méthode par Descartes et après plus de deux siècles d’expérience de cette méthode, l’Église tient que, parmi toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes, il y en a de si éloignées et de si cachées que, sans le secours de la révélation, l’homme est dans l’impossibilité morale de les découvrir. Le concile du Vatican n’est pas cartésien.
6) Nous avons dit aussi que Descartes n’a posasse : de confiance en la raison. Si, en effet, les vérités révélées sont tellement « au-dessus de toute intelligence » que, c pour entreprendre de les examiner et y réussir, » il soit « besoin d’avoir quelque extraordinaire assistance du ciel et d’être plus qu’homme, « à moins qu’il n’ait voulu affirmer la nécessité du surnaturel, ce que rien dans sa doctrine n’autorise a penser, il faut désespérer de pouvoir obtenir jamais quelque intelligence des mystères, ou de les éclairer par des analogies tirées de la nature ou enfin de les confirmer par des déductions où apparaissent leur enchaînement ou leurs connexions. Il cependant l’Eglise estime assez la raison humaine pour en attendre une illustration très féconde des dogmes, .le ratioquidem, fide illustrata, cum sedulo, pie et sobrie quærit aligna »), Deo dan te, mysleriorum intelligentiam eamque fructuosissimam assequitur, lion e.i eorum, quæ naturaliler cognoscit, analogia, lum i Ueriorum ipsorum nexii inter se et cum
fine hominis ultimo. Concile du Vatican, ibid.
.">. L’altitude de Descartes à l’endroit de la théologie