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DESCENTE DE JÉSUS.MX ENFERS


ubique ralione divines natures. Sum. llieol., III,

(|. i ii, a. 3. Mais il est clair que si l’on envisage uniquement la nature humaine, le Christ ne fut pas tout entier aux enfers, puisque seule son âme s’j rendit.

ï. Aussi bien le IVe concile de Latran avait déjà Bxé la pensée chrétienne. « Le Fils de Dieu, Jésus-Christ, avait-il déclaré, est descendu aux enfers, est ressuscité des morts, est monté aux cieux. Mais il est descendu selon son âme, il est ressuscité selon sa chair. » Denzinger, Enchiridion, n. 350 ; ÎO édit., n. 429. Dès lors, la doctrine, de quelque façon et en quelque milieu qu’elle s’affirme, reprend toujours des formules identiques ou analogues. Cf. Ludolplie de Saxe, Vita Jesu Christi, part. II, c. lxviii, édit. Rigollot, Paris, 1870, t. iv, p. 650 ; Louis de Grenade, Le livre de l’amour de Dieu, IIe traité, Ve médit, sur la résurrection, dans Les (Entres spirituelles, Lyon, 1660, p. 799 ; Médit, sur les mystères de la foy, Ve partie, I" médit., Paris, 1684, t. iii, p. 8.

2° Cette descente de l’âme du Christ aux enfers doit s’entendre de façon réelle, en ce sens que son âme s’est là transportée réellement et en sa propre substance, et non pas seulement par son opération. Aux termes mêmes du catéchisme du concile de Trente, on aurait tort de s’imaginer que Notre-Seigneur descendit aux enfers uniquement par sa puissance et par sa vertu, et que son âme n’y pénétra pas réellement. Au contraire, l’exacte vérité est qu’elle y descendit véritablement et qu’elle y fut présente substantiellement : Nec vero existimandum est eum sic ad inferos descendisse, ut ejus tantummodo vis ac virtus, non eliam anima eo pervenerit : sed omnino credendum est ipsam an imam re et preesentia ad inferos deseendisse de quo exslal flrmissimum illud Davidis lestimonium : Non derelinques animam meam in inferno. Catechismus ad parochos, part. I, c. vi, n. 4, Rome, 1902, p. 55.

Au xive siècle, Durand de Saint-Pourçain, s’inspirant quelque peu sans doute de la proposition 18e d’Abélard. Denzinger, Enchiridion, n.327 ; 10e édit., n. 385, rompit avec l’intelligence traditionnelle du dogme. Il admettait bien un lieu infernal ; il confessait bien que le Christ y est descendu ; mais, selon lui, il y a dans la descente même une métaphore. Le Christ est descendu aux enfers, c’est-à-dire qu’il y a exercé son pouvoir et ses fonctions rédemptrices. Durand fut vivement combattu sur ce point. Plus tard, Bellarinin et Suarez ont cru devoir réfuter encore son opinion, à laquelle le premier inflige la note d’erreur : liane sententiam esse erroneam probatur. Disp. de controversiis christ, fidei, De Christo, 1. IV, c. XV, Ingolstadt, p. 392. Suarez va plus loin et. déclare très justement cette prétention hérétique : lia interpretantiir hoc myslerium omnes doclores scholastici, uno excepto Durando, eitjus sententia non solum non est jirobabilis, verum potius est erronea et plane liœretica. De mijsterio viles Christi, disp. XLIII, sect. ii, n. 7, Paris. 1866, t. xix, p. 729. Nos docteurs n’ont eu aucune peine à démontrer que ni l’Ecriture, ni la tradition ne peuvent s’accommoder de l’interprétation métaphorique de Durand, et ils eurent facilement raison de ses subtilités métaphysiques ou exégé tiques. Nous ne nous y attarderons pas ; relevons seulement l’argumentation suivante de Suarez, laquelle ne manque ni d’à-propos, ni de sel : Quia si propter solam operationem dicitur anima Christi descendisse ad infernum, patent et dici ascetidisse in cselum ; quia etiani ibi aliquid operala est, angélus illuminando. Dicetur eliam irisse ml paradisum terre* ! rem rel eum locuni iu quo Elias et Enoch vivunt ; quia verisimile est illis etiani manifestasse gloriam suam, eisque gaudium consummatm redemplionis annunliasse. Similiter dicetur anima Christi profecta in domum Virginis, rel in locuni ubi Petrus amare /lehat peccatum ; denique ubicumque

aliquid operata est. Conséquent autem répugnât Si i ipturis, ijuæ il uni speciuliter dicunt un m m m Christi fuisse in inferno, et inde fuisse eduelaut ut Chris tus resurgeret, a/perte significant, et tamlum ibi proprie fuisse, et ulin modo quant esset in altis locis ubi o rabatur. Et confirmatur, quia alias codera modo diceretur mine Christus descendere in terrain, q in ea milita operatur per virtutem animée suée ; et m infernum nunc descendit, quia interdum aliquid ibi operatur, saltem in animabus purgatorii. lbid., p. 730.

3° L’âme du Christ n’est pas descendue aux enfers comme un coupable destiné encore à de nouvelles expiations, mais elle s’y est rendue en triomphe. — 1. Les protestants, et notamment Calvin et Brenz, voulaient que l’âme du Christ ait pu endurer, ait réellement supporté les tourments des damnés qui sont cesse devant le spectacle d’un Dieu irrité contre eux et s’abîment dans le désespoir du salut. Calvin avance expressément l’acceptation par le Christ, après sa mort, a de la rigueur de la vengeance de Dieu en son âme… des tormens espovanlables que doivent sentir les damnez et perdus. » lnsl. chrét., 1. II, c xvi ; 1. VIII, c. ix, dans Corpus reformatorum, t. xxxi, p. 31, 586 sq. C’est là une opinion que Suarez déclare avec raison hérétique et blasphématoire. Non seulement elle suppose que l’âme du Christ n’avait pas déjà, dans cette vie mortelle, la vision intuitive de Dieu, mais elle la présente sujette à l’ignorance, à l’erreur, aux passions déréglées et à leurs mouvements non délibérés. La théorie nous montre même l’âme de.Iésus abandoniiiV au péché soit du désespoir soit de la crainte désordonnée qui conduit au désespoir et provoque des paroles désespérées. Cf. Bellarmin, Disp. de conlror. christianes fidei, De Christo, 1. IV, c. vin. Ingolstadt, p. 354367. A ces erreurs et autres semblables, saint Hilaire de Poitiers répondait par avance que la promesse du Christ au larron leur donne un démenti formel : Anne tibi metuere infernum chaos… credendut est dicens lalroni in cruee : Amen dico tibi, hodie mecum eris in paradiso ? Natures hujus potestatem jam non dico metu, sed nec infernes sedis regione concludes, qux descendons ad inferos, a paradiso mm desit… Dominas communionem ei (lalroni) mox pollicetur : tu Clirislum in inferis sub pœnali terrore concludis ! De Trtnilate, 1. X, n. 34, P. L., t. x, col. 570-571.

2. A sa descente l’âme du Christ n’a pas davantage enduré la peine du sens, je veux dire le feu de l’enfer ou celui du purgatoire. Car ces peines, de leur nature, sont destinées soit à l’éternelle punition de fautes personnelles devenues irréparables, soit à l’expiation temporaire de dettes contractées par le péché personnel et non éteintes encore. Par conséquent, elles supposent une âme réellement pécheresse, ce qui ne va pas sans hérésie ni blasphème dès qu’il s’agit de l’âme du Verbe de Dieu incarné. D’autre part, tous les documents révélés aboutissent à montrer que, par sa moi t sur la croix, le Sauveur a pleinement satisfait pour nos péchés et consommé l’œuvre de notre rédemption. C’est le sens de cette parole prophétique de Jésus : Et ce ascendimus Jerosolymam, et consummabuntur omnia quæ dicta sitnt a prophetis de Filio hominis, Luc, XVIII, 31 ; c’est la mission déclarée accomplie en saint Jean : Sciens Jésus quia omnia consummata sunt, et par le Consummatum est de l’heure suprême, Joa.. xix. 28, 30 ; c’est le sacrifice définitivement libérateur, le prix que saint Paul expose longuement. Heb., ix et x. Aussi bien si les hommes sont rachetés, le prix indiqué, que Jésus a payé, n’est ni la torture du feu infernal ni la peine du purgatoire, mais c’est son sang, I Pet., ni, 18 ; I Joa., i, 7 ; Apoc, v, 9, et c’est toujours à la mort du Sauveur, et non aux souffrances des enfers, que notre salut est rapporté. Rom., v ; Col., I, passim. Du