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DESCENTE DE JÉSUS AIN ENFERS


supplice. L’enfer est assez semblable à une caverne d’où parfois s’échappent des flammes. Elles ne signifient pas les peines des damnés, mais les tourments purificateurs auxquels les justes eux-mêmes n’écliappent pas toujours (fig. 1). M..). Monnier reproduit, comme exemples de ce type, une peinture du ix, É siècle qui se trouve dans l’église inférieure de Saint-Clément, une miniature du XIe siècle, tirée d’un ExsuUel, un ivoire byzantin du xiie siècle (fig. 2).

2. De ce type initial sont nées deux façons différentes de représenter ensuite la descente.

a) La première, plutôt orientale, s’en tient au type primitif, avec cette différence que la délivrance des justes devient leur résurrection. Par suite, c’est du séjour de la mort plutôt que de l’enfer que le Seigneur fait sortir ses justes. A ce genre se rapportent les Anastasis ou résurrections si nombreuses dans les églises d’Orient. Le Christ est debout, à l’entrée de l’enfer, de l’Hadès, entre des montagnes. Il tend la main à Adam qui sort d’un sarcophage. Eve et d’autres justes l’accompagnent. Voilà, dans ses lignes générales un type assez fixe, qui se retrouve aujourd’hui encore dans les icônes russes.

b) La seconde manière, plutôt occidentale, continue de représenter la délivrance des justes en accentuant son caractère de triomphe sur la mort et sur le diable. La scène, évidemment, soit comme personnages, soit comme topographie, se développe de façon différente, selon le génie particulier à chaque époque.

Tantôt, l’entrée de l’enfer est une gueule largement ouverte, aux dents acérées, d’où parfois s’échappent des ilammes. Telle nous la montre un parement d’autel de Charles V, au xive siècle. Tantôt, l’enfer est « le chastelet des diables ». On les y voit aux créneaux, ils sonnent du cor et se préparent à la défense, ou bien ils sont dans l’attitude des vaincus. Tantôt encore, l’enfer est une caverne, dont une paroi s’écroule pour livrer passage à la foule des justes. Dès la fin du XIVe siècle, les miniatures deviendront cependant moins sévères. Là, dans tel livre d’heures, l’on pourra voir s’ouvrir la caverne des limbes sur une riante prairie ; et sur les portes renversées, Adam et Eve se trouvent à genoux devant le Christ en robe blanche.

Les primitifs italiens se sont attachés à exprimer la hâte, la confiance, la ferveur des justes. Ainsi, à Florence, dans sa fresque de la chapelle des Espagnols, Simone di Martino fait avancer vers le Sauveur la théorie des patriarches, des prophètes, des rois, des saintes femmes, en vêtements magnifiques. Au xve siècle, voici la splendide fresque du couvent de Saint-Marc à Venise et le petit tableau de l’Académie, dus au pinceau de Fra Angelico. Il y plane un silence d’ineffable adoration ; et les esprits en prison, aux pieds du Christ, dirigent vers lui leurs mains jointes, leurs lèvres tremblantes, leurs regards aimants et passionnés, cependant qu’ils ont instinctivement fléchi les genoux. C’est le même genre et la même expression dans le tableau de l’école de maître Guillaume de Cologne.

Mais bientôt la descente deviendra un thème ou un prétexte à des détails plus ou moins pittoresques et à des académies, qui n’ont plus rien à voir avec le sens religieux, ni même quelquefois avec le sens moral. Cf. J. Monnier, La descente aux enfers, c. x, p. 193209, passim.

IV. L’ŒUVRE DE LA DESCENTE ht CHRIST AUX i : ./7 ; 7(N, d’après I.A THÉOLOGIE CATHOLIQUE. — Avec saint Thomas, Bellarmin et Suarez, la théologie a établi ses dernières conclusions sur l’intelligence chrétienne de l’article du symbole. Nous allons simplement résumer leurs données.

1° L’œuvre de la ilescente du Cln-ist aux enfers et les anges. — Nous ne posons la question que pour être complet. En fait, bien qu’il ait pu exister et qu’il y ait

en réellement des rapports entre la descente du Christ i i le, ; mges, leurs conséquences ne regardent pas directement l’œuvre accomplie dans le séjour infernal. Ouoi qu’il en soit, disons avec Suarez que l’âme du

Christ, descendue aux enfers, n’a pas rnodifiéessentiellement la béatitude des anges ; sous ce rapport, elle est immuable de sa nature. Mais ils ont reçu des lumières et des grâces qui augmentèrent accidentellement leur état bienheureux. Cum Mi (angeli) jam vicU Deuni, cerluni est animant Cliristi nihil novi m eot influxisse, quod ad essentialem beatitudinem pertinuerit : quia bealitudo est immulabilis, et itugeri non potest secundum naturam suam, et secundum legem hi’i ordinariam, et non sunt fingenda miræula fundamento aut necessitate. Quoad accidentaient vero beatitudinem, credendum est Cliristi animame corpore egredienlem illuminasse angelos atqtie nova gaudia illis atlulisse. Ea tanien actio per tenon perlinet ad effeclus a Cltristo faclos in loco infemi, quia angeli sancti per se ad illum locuni non pertinent : quanquant ditbitandum non sit eos cum C/tristo illm descendisse. De myslerio vitse Christi, disp. XLIII, sect. iii, n. 1, Paris, 1866, t. xix, p. 733.

2° L’œuvre de la descente du < : /uisi aux enfers et les damnés. — 1. Le Christ est-il descendu dans l’enfer proprement dit, au lieu où les âmes des damnés subissent leurs tortures vengeresses ? — a) Saint Thomas précisela question pour y répondre. Si l’on suppose que l’âme du Christ s’est rendue réellement et de sa personne au lieu déterminé où les damnés subissent leur supplice, il est de fait que le Christ n’est pas descendu là. Alio modo dicitur aliquid esse alicubi per suam essenliam ; elsous ce rapport, dit le docteur angélique, l’âme du Christ ne s’est rendue que dans les limbes. Si l’on suppose que l’âme du Sauveur a produit quelque effet, amené quelque résultat jusque chez les damnés, oui, le Christ est descendu en ce lieu : car son âme a achevé de convaincre les damnés de mauvaise foi et de réelle malice. Dupliciler dicitur esse aliquid alicubi. Vno modo per suum effeclum. Et hoc modo Cliristus in quemlibel inferorum descendit. Aliter tamen et aliter. Nam in infernum damnatorum liabuit hune effectum, quod descendens ad inferos, eos de sua incredulilale et malitia confutavit. Sum. theol., III », q. i.h, a. 2.

b) Cette solution n’agréa pas à Bellarmin. Selon lui, il est tout à fait probable que le Christ a visité tous les lieux infernaux, et aussi, par conséquent, l’enfer des damnés. Prohabile est profeclo Cliristi animant ail ontnia loca infemi descendisse. Il invoque Eccli., XXIV, 45 : Penetrabo omnes inferiores partes terrse, inspiciam otiines dormientes, et illuminaboomnesspe7 % antes in Domino. Il appelle en sa faveur saint Augustin, saint l’ulgence, saint Cyrille de Jérusalem. Disput. de controversiis c/tristianæ fidei, De Cltristo, 1. IV, c. xvi, Ingolstadt, 1599, p. 396. Même il aurait pu fortilier son argumentation par cette considération, suggérée par Suarez : Cliristus in omnibus infemi locis aliquid ojieralus est ; sed perfectior modus operandi magisque connaturalis est per realem prsesentiam. lient in morte sua declaralus est Cliristus dominas vivorum et morluorum, ila ut omnes etiam dxmones et damnati ad ejtts regnum pertineaut ejusquepotestati subditi sint. Ergo oportuit ut sua prsesentia veluti possessionem regni sui caperet ac de omnibus triumpharet. De mysterio vitse Cliristi. disp.XLllI.sect.lv, n. 1, Paris, 1866, t. xix, p. 740-741.

c) Envisageant le problème à son tour. Suarez accorde que la solution de Bellarmin, pour nouvelle qu’elle soit, ne lui semble pourtant ni téméraire ni dénuée de toute probabilité. C’était généreux. Mais l’opinion opposée lui paraît beaucoup mieux fondée. Peut-être Suarez aurait-il pu accentuer davantage cette note. Il conteste la valeur du texte allégué par Bellar