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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE]
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les brutes, est un confirmatur de la thèse fondamentale du protestantisme ; le mouvement anti-intellectualiste actuel est foncièrement protestant. L’Eglise catholique, au contraire, prend la défense de la raison. M. Ollé-Laprune a fort bien dit : « L’Eglise condamne tout fidéisme. Elle qui, sans la foi, ne serait pas, elle commence par rejeter, comme contraire à la pure essence de la foi, une doctrine qui réduirait tout à la foi. L’ordre de la foi n’est assuré que si l’ordre de la raison est maintenu. » Ce qu’on va chercher à Rome, Paris, 1895, p. 36. Ce n’est rien dire de trop ; et le concile du Vatican, en délinissant que nous pouvons connaître Dieu par les lumières naturelles de notre raison, avait explicitement en vue de défendre les droits de la raison. « Il semble, disait M « r Simor, primat de Hongrie, un des rapporteurs du concile, dans une des premières séances de l’assemblée, que nous voyons se réaliser aujourd’hui ce qu’un grand philosophe d’Allemagne avait prédit il y a deux siècles, à savoir qu’un temps viendrait où l’Eglise catholique aurait à défendre la raison humaine contre les incrédules et que l’athéisme serait la dernière des hérésies. » Acla, col. 92. Si, depuis quatre siècles, les philosophies négatives ont tant de succès, c’est surtout au protestantisme primitif qu’il faut en demander compte ; Paulsen a raison : « Les conséquences que nous voyons étaient au fond des premières tendances du protestantisme. » Kant, der Philosoph des Protestantismus, p. 10.
On trouvera des développements et des textes sur ce sujet dans Mohler, La symbolique, 3 vol., passim ; Dbllinger, La Réforme, passim, et t. i, p. 449-454 ; Denifie, Luther und Lulherthum, Mayence, 1904, t. I, passim ; Oistiani, Luther et le luthéranisme, Paris, 1908.
L’anglican Litton, Introduction to dogmatic theology on the basis of the xxxix articles of the Churchof England, Londres, 1882, p. 211, parlant de Mohler lui reproche de ne pas s’être souvenu que par « l’image de Dieu » dans laquelle l’homme a été créé, les protestants entendent « la justice originelle > et non pas la simple capacité de la raison à la religion, qui « sans aucun doute reste dans l’homme tombé. » Que cette manière de voir ait été adoptée par beaucoup de protestants depuis que les déistes d’abord, les athées ensuite, ont fait argument de l’ancienne opinion que nous avons rapportée, la chose n’est pas douteuse. Mais d’autres protestants continuent encore à regarder comme fondamentale la théorie luthérienne de la chute. Lire sur ce sujet James Gibson de l’Église libre écossaise, Présent truths in theology, Man’s inability and God’s sovereignty in the « things of God, » I Cor., ii, 11, 2 vol., Glascow, 1863. Ce fanatique, qui pourtant connaissait le protestantisme libéral, n’a pas l’air de se douter que, plus il prouve par maintes citations anciennes que la doctrine luthérienne de la chute originelle est le fondement du protestantisme, plus il apparaît que le protestantisme libéral actuel est l’aboutissement logique de la Réforme. Il est vrai que les protestants libéraux n’admettent plu « le dogme du péché originel, bien qu’il y en ait encore quelque trace dans la chute extratemporelle de Kant ; mais ils conçoivent l’intelligence de l’homme, comme les anciens protestants s’étaient appliqués à la représenter en vue d’établir leur doctrine de la justification.
V. Le nominalisme. —
Les objections les plus répandues de nos jours contre la possibilité de la connaissance naturelle de Dieu ou bien sont dirigées contre les preuves qu’on donne de cette existence, ou bien contre la conclusion que l’on déduit de ces preuves. Les premières attaquent la valeur objective de nos idées et l’universalité ou la nécessité des premiers principes qui font le nerf des preuves classiques. Les secondes tendent à montrer que nous ne pouvons pas porter de jugements valables sur la nature intrinsèque de Dieu, d’où l’agnosticisme. On ramène ordinairement toutes ces objections à deux systèmes : l’empirisme, qui dérive toutes nos connaissances de la sensation, l’idéalisme, qui en trouve l’origine dans la pensée même. Si l’on va au fond de ces difficultés, on reconnaît qu’elles ont un point commun, le nominalisme.
Ce mot, souvent employé en différents sens, a besoin d’être délini. On sait que l’activité de l’esprit intervient dans la formation de nos idées universelles et par suite dans celle des principes nécessaires qui servent de base à tous nos raisonnements. Cf. Suarez, Dispni. metaphys., disp. VI, sect. il, n. 1, On sait aussi que le fondement objectif de nos idées universelles git aux diverses relations de similitude, de causalité, etc., que nous percevons. Suarez, op. cit., disp. VI, sect. v, n..’1, ad 3°" 1 ; cf. disp. XLV1I, surtout sect. xi sq. ; Minges, Sur le prétendu réalisme de Duns Scot, dans Beilrùge de Bæuinker, Munster, 1908, t. vii. Le nominalisme prend occasion de ce rôle de l’activité de notre esprit dans la formation des idées générales et des principes universels et nécessaires, et dans la perception des relations de similitude, de causalité, etc., qui en sont le fondement objectif ; et il consiste essentiellement — essentiellement, car de là on déduit les conclusions contre les substances, les causes, le noumène, etc. — à nier la réalité objective de ces relations pour les attribuer à l’activité du sujet : duo albæsse sirnilia est nie percipere duo alba. « Une relation, dit M. Bergson. après une foule d’autres, est une liaison établie par un esprit entre deux ou plusieurs termes. » L’évolution créatrice, Paris, 1907, p. 385. Biel, résumant son maître Occam, avait dit de même : Relationes important concepluni mentis quo intellectus fornialiter refert rem unam ad aliam… Et l’observation est exacte, remarque Suarez. Mais Suarez avec le reste de l’Ecole disait : Notre esprit découvre dans les choses, non seulement la ressemblance d’essence et de propriétés, mais encore la connexion intrinsèque entre les essences et leurs propriétés, en vertu du principe de finalité interne. Cf. Hahn, Philosoph la naturalis, Fribourgen-Brisgau, th. xii, n. 86 ; Kaufmann, La cause finale et son importance, Paris, 1896. Biel, au contraire, pensait que les relations ne sont rien en dehors de l’esprit. Et ille conceptus, quo res cognoscuntur ah intelleclu taies, dicitur relalio. tn IV Sent., 1. I. dist. XXX, a. 3. Conséquemment, Duo alba esse similia est me percipere duo alba ; on bien : Similitudo Socratis et Platonis in albedine niliil aliud est quant Sacrâtes et Plato ; ordo est partes ordinatx, etc. lbid., a. 3, Brescia, 1574, p. 278. M. Bergson, bien qu’il soit subjectiviste, tandis que Biel était objectiviste, ne va pas plus loin, lorsqu’au passage cité il ajoute : « Un rapport n’est rien en dehors d’un esprit qui rapporte. »
Nous n’avons pas à dire ici comment autrefois l’école d’Occam, plus tard les nominalistes Arriaga, de llurtado, de Benedictis et ceux qu’on nommait les Connotatores, enfin depuis Descartes une infinité d’écrivains, non scolastiques mais nominalistes. sont parvenus, quelquefois au prix de notoires contradictions avec leurs principes, soit à se donner soit à légitimer l’idée de Dieu et à éviter l’agnosticisme. Ce qui nous intéresse, ce sont les relations de la position nominaliste avec la possibilité de la connaissance naturelle de Dieu. Cf. Dictionnaire apologétique, Paris, 1909, 1. 1, col. 53. Or. il est aisé de comprendre qu’il suffit de se mettre dans l’hypothèse fondamentale d’Occam et de s’y tenir pour ruiner toute la théodicée. Celle-ci, en effet, soit pour prouver, soit pour penser Dieu, se sert des notions de cause, efficiente et finale, de substance, d’ellets et de propriétés, etc. Un nominaliste a comme tout le monde ces notions ; comme tout le monde, en vertu du principede raison suffisante, il applique spontanément à la cause, à la substance, finies, la notion de relation intrinsèque et déterminée aux effets et aux propriétés. Mais, à la réllexion. par esprit de système, il pose en fait que cette relation n’est pas objective, réelle, qu’elle est le produit de la seule activité de son esprit : duo alba esse similia est tue percipere duo alba ; « un rapport n’est rien en dehors d’un esprit qui rapporte. »