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DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE

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Ce principe admis, peu importe que le nominaliste soit objectiviste avec l’école d’Occam ou subjectiviste avec les modernes, peu importe qu’il cherche à légitimer son relativisme par l’association et par l’hérédité avec l’école anglaise, ou parles lois subjectives de la pensée avec Kant ; quelques traits de l’histoire des doctrines vont nous montrer que, placé dans l’hypothèse de la subjectivité des relations, on arrive vite à rejeter les preuves rationnelles de l’existence de Dieu ou à l’agnosticisme, parce que, dans cette hypothèse, la copule des jugements universels et nécessaires n’a et ne peut avoir d’autre sens que celui d’un rapport posé par l’esprit. Cf. Brunschwicg, La modalité du jugement, p. 53 sq. D’où il suit que notre science est, non des choses, mais de noire connaissance, scienlianon est de rébus, sed de terni inis, cf. Denille, C/iartularium universilalis Parisiensis, Paris, 1891, t. ii, p. 506 ; et, conséquemrnent, nous ne pouvons désigner le suprasensible que par des dénominations extrinsèques, tirées de nos états subjectifs (agnosticisme croyant), à moins que l’on ne soutienne avec Hume, Comte et Huxley qu’il est absolument inconnaissable : agnosticime pur).

L’école d’Occam et la possibilité de la connaissance naturelle de Dieu. —

Deux noms sont à retenir, celui de Pierre d’Ailly et celui de Nicolas d’Autrecourt. Les scolastiques depuis cinq siècles reprochent tous à Pierre d’Ailly d’avoir enseigné que l’existence de Uieu ne peut pas se prouver. Le reproche est fondé. Occamiste, Pierre d’Ailly soutient que la croyance en Dieu que nous fondons sur les données naturelles de notre intelligence est non pas certaine, mais seulement probable. Nam ex nullis apparentions natur aliter potes t concludi Deumesse evidenter. Comme d’ailleurs il déclare sophistique l’argument de saint Anselme, il suit que, Dieu n’étant naturellement connu ni par intuition ni par démonstration, la foi est le seul moyen de tenir son existence pour certaine. Il en dit autant de l’unité de Dieu. (Ju/cst. m Sent., 1. 1. q. iii, a.l ; q. xr, a. 2 ; q. n. a. 1 ; Quodlib. I, q. i, cité par Salembier, Pelrus ab Alliaco, Lille, 1886, p. 209 sq. Cf. l’.ouchitté, Dictionnaire des sciences philosophiques de Franck, Paris, 1875, art, d’Ailly, p. 18.

Nicolas d’Autrecourt, un contemporain d’Occam, déduisit d’un seul coup les conséquences de l’occamisme en théodicée. La publication récente de ce qui reste de rils nous permet de reconstituer en partie son sandivination. Retenant le principe de contradiction, comme premier principe, Nicolas se posa la même question que se pose Kant. dans son essai sur l’introduction en philosophie du concept des quantités négatives. Cf. Kant, Opéra, édit, de l’académie de Berlin, t. n. p. 202 : trad. latine de liorn, LeipLig, 1798, t. iv. p. 197. Ma question, dit Kant, se pose sous celle forin nple : Pourquoi pensé-je, de ce que quelque chose existe, qu’une autre chose existe ? »

On avait l< ans condamnées de Niçois d’Autrecourt, lu Boolny el <l Vrgentré. Le P. Denifle en a donn édition dan » le t. n du Chartulariam uni 1124, | 76 q. DenJfle a pour la numérotation de ces propositions les chiQri May ; nous ferons de m’mi Ma ! quelquea-unes des prose liseni dan D< nifli ont inintelllf i ippe, litde Ne olaa qui ""’survécu. t. vu ne bonna laquelle noua lai i voiB. Nicolai 'i >iii i p..ri donc de li ! question que Kantel -> résout comme lui parla négative :’> t eo quod un. non potest évidente » evidenlia dedut ta, , ., ., ., , , , , , 1 „ ; „,’< /"’idôm i i. prop. 12. Kanl a recours à la croyance ; Nicolas, à la foi : 11. Dixi quod excepta eertiludine fidei non eral alia rertitudo 711si certitudo prinii principii vel quæ in primum principiurn potest resolvi. Faisant et revocandam. Voir Lappe, texte, p. 8, 15. Quant à l’agnosticisme de Nicolas, on peut juger de son étendue par ces quelques propositions :
21. Quod quacumque re demonstrata nullus scit evidenter ijiiiu excédai nobililale omnes alias. Faisant, hæreticam et blasphemarn.
22. Quod quacumque re demonstrata nullus scit evidenter quin ipsa sit Deus, si per Deuni intelligantus ens nobilissimunt. Faisant, hæreticam et blasphémant.
23. Quod aliquis nescit evidenter quod una res sit finis alterius. Faisant, hæreticam et blasphemarn. Nous laissons de côté d’autres conclusions étranges : Quod Deus et creatura non sunt aliquid, 32, formule occamiste déjà interdite en 1339, cf. Chartul., t. ii, pièce 10’12, p. 500 ; Quod Sacrâtes et Plalo, Deus et creatura nihil sunt, ou encore celle-ci : Propositiones : Deus est, Deus non est, penilus idem signi/icanl, licet alto modo, 3, condamnées comme fausses et scandaleuses, pour nous arrêter à la négation du devoir de la religion naturelle : 24. Nullus scit evidenter qualibel reoslensa, quin sibi debeat impendere maximum, honorent. Faisant, hæreticam et blasphemarn. Ici Nicolas d’Autrecourt parait dépasser Kant, mais, n’étant pas rationaliste, il recourt à la foi chrétienne.

Essayons de comprendre comment du principe d’Occam sur la non-objectivité des relations suivent les conclusions de Nicolas, et bornons-nous à ce qui louche aux preuves de l’existence de Dieu a posteriori. De l’existence d’une chose, on ne peut pas conclure avec une certitude absolue à l’existence d’une autre chose : c’est en ces termes que Nicolas formule sa conclusion contre l’emploi en philosophie du principe de causalité, p. 9. Car, dans une telle inférence, dit-il, le conséquent ne serait identique ni à l’antécédent ni à une partie de l’antécédent. Or, il n’y a certitude absolue que lorsqu’il y a identité entre le conséquent et l’antécédent ou une partie de l’antécédent, comme il arrive dans les démonstrations de la géométrie, p. 8. Donc ex una re non potest evidenter inferri alia, p. 16. Sous les apparences de cette pure chicane de logique formelle se cachent, suivant la mode des iv° et xe siècles, d’assez gros problèmes, repris par les modernes depuis Euler.

Nicolas d’Autrecourt, suivant l’esprit et la méthode de son temps, établit ses conclusions nominalistes plulot par déduction que par induction, et ne dit à peu [ires lien de l’induction qui lui servait de hase. Il prit pour point de départ la certitude spéciale des mathématiques.

La certitude spéciale des mathématiques, remarque saint Thomas, leur vient soit du grand rôle que joue l’activité de notre esprit dans la constitution de leur objet, quantité’abstraite, continue ou discrète, soit de ce qu’elles ne démontrent pas une chose par une autre, mais toujours par sa propre définition, lu Boeth., de l i mit., q. vi, incorp.et ad 2°"’ ; lu metaphys., I. II, a la lin. En effet, dans les axiomes mathématiques, le sujetet l’attribut sont de même nature et appartiennent tous deux à la catégorie de la quantité ; les raisonne mathématiques vont loujours, sinon du même au même, ilu moins à l’équivalent.’lr, il snflil de se mettre danl’hypothèse occamiste de la subjectivité di relations pour ramener (eus les raisonnements au type du raisonnement mathématique, où seule l’id rapports est considérée. El Nicolas d’Autrecourt, bien avant Sluart Mill, vil très bien que, si Ion f.iil Cette rédaction, il ne peut.noir d’inférence que du m au même on > l’équivalent. Euclide a démontré dans sr, u V « livre, définitions xii iq., qu’en géométrie le rapport de l’antécédent au conséquent est nécessaire