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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.djvu/541

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DIEU (SA NATURE D’APRÈS LES PÈRES)


ira est moins animi ail coercenda peccala insurgenlis, c. xvii, col. 131. En face du mal, Itieu ne peut pas ne point (’prouver ce mouvement d’opposition et de réaction ; aussi la colère a-t-elle en lui sa raison d’être : non est cnim fas eum, cum talia fieri videat, non nwveri et insurgere ad ultioncm sccleralorum, c. xvi, col. 125.

La thèse ainsi entendue va-t-elle seulement contre les philosophes anciens, ou n’atteint-elle pas aussi les chrétiens qui, comme Arnohe, ne voulaient pas en Dieu ù’afjections proprement dites’.’L’auteur du traité De Deo uno, dans la théologie de W’urzbourg, observe, n. 40, queLactance distingue, au dernier endroit, entre affections et affections. Il y en a de vicieuses, vitioruni aff’ectus, comme la passion déréglée (libido), la crainte, l’avarice, la tristesse, l’envie ; et il y en a de vertueuses, qui sunt virtutis, comme la charité à l’égard des bons, la compassion à l’égard des affligés, et de même la colère à l’égard des méchants. Seules les affections du second genre conviennent à Dieu ; elles lui conviennent par analogie et considérées dans leur effet, quoad effectum et simililudinem, en ce sens que Dieu punit le pécheur pour l’amender, comme un père justement irrité punit son fils désobéissant ; mais ce n’est pas à dire qu’elles lui conviennent proprement et considérées comme affection physique ou dans ce qu’elles ont de défectueux en nous, quoad affectum scu hujus naturam aut imperfectionem et secundum proprie ta tem, Une distinction semblable paraît suffisante à dom Le Nourry, dans sa dissertation sur Arnobe, c. iiv a. 3, P. L., t. v, col. 456 sq., pour éviter toute opposition réelle entre cet apologiste et son disciple. Petau se montre moins facile, 1. III, c. ii n. 14, et à bon droit. La distinction entre les affections vicieuses et les affections vertueuses est bien de Lactance, mais l’autre n’est pas dans son texte ; on y lit plutôt le contraire, car, bien que cet auteur chrétien n’attribue pas à la colère divine tout ce qui se trouve dans la colère humaine, par exemple le caractère transitoire ou défectueux de l’affection, c. xxi, col. 139, il dit néanmoins de Dieu : eos autem (affectus), qui sunt virtutis, id est, ira in malos, caritas in bonos, miseratio in af/lictos, quoniam divina potestate sunt digna, proprios et justos et veros habet, c. xvi, col. 126.

C’est précisément parce que Lactance n’a pas fait la distinction nécessaire, que sa doctrine est restée à tout le moins incomplète et équivoque : soit qu’il ait conçu personnellement la colère comme une affection d’ordre purement spirituel ; soit qu’il n’ait pas eu de la spiritualité ou de la simplicité divine une notion assez rigoureuse. Les écrivains modernes qui se sont occupés de la théodicée de Lactance, confirment généralement cette dernière hypothèse par une double observation. Le terme d’incorporeus ne signifie pas nécessairement, chez cet apologiste, ce que nous entendons par pur esprit, par exemple dans le De opi/icio Dei, c.xi, t. iiv col. 49 : spirilus, qui est incorporalis ac tenuis. Le mot spiritus, appliqué par Lactance aux démons et à l’âme humaine, se trouve accompagné d’épithètes qui en diminuent la force, comme dans Instit., 1. II, c. xv, col. 333 : spirilus tenues ; 1. VII, c. xx, col. 800 : anima… quia spiritus est ipsa tenuitate incomprehensibilis ; cf. c. xii, col. 771, 772.

Une dernière question se présente, où la doctrine des deux rhéteurs mérite d’être rapprochée : celle de la présence de Dieu dans le monde. Au principal endroit où il parle de l’Être suprême, Adv. gent., 1. I, c. xxxi, col. 755, Arnobe l’appelle : locus rerum ac spatium, le lieu et l’espace universel, expression empruntée à la philosophie antique et dont Théophile d’Antioche s’était déjà servi. Mais comme cet apologiste énonce, au même endroit et dans les termes les plus absolus, la transcendance de Dieu par rapport au lieu et à l’espace,

il est impossible de prendre l’expression au sens propre ou matériel ; on ne peut y voir que l’affirmation de l’immensité divine, contenant et débordant toutes choses. Pour lui, d’ailleurs, l’immensité ne va pas sans l’ubiquité ; car c’est le propre du vrai Dieu non seulement d’entendre tout ce qui se dit et de voir, de prévoir même les pensées les plus intimes, mais d’être toujours et tout entier partout, lbid., 1. VI, c. iv, col. 1170.

Lactance n’affirme pas moins nettement la prérogative en vertu de laquelle Dieu, souverain juge, voit toutes choses et en est le témoin : maximus et aequissimus judex, spécula tor actestis omnium. Instit., ]. VI, c. xviii, col. 699. La présence métaphorique, dite de puissance et d’opération, est également manifeste ; mais il n’en est pas de même de la présence au sens propre, la présence substantielle. Traitant du siège de l’àme humaine, il conclut que, dominant sur le corps, elle réside au sommet de la tête, comme Dieu au ciel, tanquam in cxlo Deus. Remarquant ensuite que l’àme, bien qu’attachée au corps, a la puissance de se représenter et de parcourir en un clin d’œil des espaces indéfinis et le ciel entier, il en tire cette réllexion : « Comment donc s’étonner que l’esprit divin puisse parcourir l’univers entier, et, présent partout, répandu partout, le régir et le gouverner ? » De opificio Dei, c. xvi, t. iiv col. 65 sq. Comparaison qui, de soi, n’entraîne que la présence dite de science et de puissance. L’obscurité ne disparaît pas pleinement dans les Institutions Lactance y parle de Dieu, « dont l’esprit et la puissance, répandus partout, sont toujours présents, cujus spiritus ac numen ubique diffusum, abesse nunquampotest, » 1. II. c. ii, col. 259. Il montre « l’esprit de Dieu répandu partout et contenant toutes choses, sans que Dieu lui-même soit mêlé aux éléments pesants et corruptibles ; non tamen ita ut Deus ipse, qui est incorruptus, gravibus et corruplibilibus elementis misceaiur, 1. VII, c. m. col. 743.

Ces textes sont, à la rigueur, susceptibles d’une interprétation bénigne ; car, de ce que l’apologiste distingue Dieu de son esprit ou sa vertu, il ne s’ensuit pas qu’il les oppose ou les divise objectivement. Dans le dernier texte, en particulier, il est possible, suivant la juste remarque de Petau, 1. III, c. iiv n. 6, que Lactance ait voulu seulement rejeter une présence panthéistique, à la manière des stoïciens qui confondaient Dieu et le monde ; conception qu’il avait rejetée au début du chapitre, col. 741. Quoi qu’il en soit, sur ce point comme sur plusieurs autres dont il a été précédemment question, il y avait lieu à progrès, pour la netteté, la fermeté et l’universalité de la doctrine.

Auteurs catholiques. — Dom B. Maréchal, op. cit., t. I, Il ; G. Lumper, op. cit., t. VI, iiv xi ; J. Schwane, op. cit., t. i, S 20 ; dom X. Le Nourry, O. S. B., Dissert, in Marei Minuta Felicis librum qui Oclavius inscribitur, c. m-vi, P. L., t. iii, col. 109sq.Dissertatioin Q. Septimi Florentis TertulUani Apclogeticum, duosadNationesIibroset unumadScapulam. c.vn, P.L., t. I, col. 705 sq. ; Dissertatio de Cijpriani libris ad Demetrianum, et de idolorum vanitate, c m. a. 2, P. L., t. IV, col. 992 ; Dissertatio prævia in septem Arnobii disputationum adversus gentes libros, c. iiv P. L., t. v. col. 451 : Pvsefativ in Lactantium, n. Il sq. ; Censura in Lactantium ; Dissertatio de septem divinarum Institutiununt libris, c. iii, a. 4, P. L., t. v, col. 451, 85 sq., 882 ; O. Grillenberger, Studien ; nr Philosophie der patristischen Zeit. I. Der Octavius des M. Minucius Félix, keiue heidnisch-philosophische Auffassung des Christentutns, dans Jahrbuch für Philosophie und spekulative Théologie, 3’année. Paderborn, 1889, p. 104, 146, 260, passim ; G. Boissier, La fin du paganisme, t. I, I. III, c. n : L’ « Octavius » de Minucius Félix, 3’édit., Paris, 1898, p. 276. 284 ; J. A. Canova, De septimo Tertulliano et S. Epiphanio, dissertationes dux, theologico-criticse, in quibus anthropomorphisme neutrum laborasse demonstratur, et tnulta ad anthropomorphitarum historiam pertinentia ditucidantur, Milan, 1763 ; A. d’Alès, La théologie de Tertullien, c. II, Paris. 1905 ; J. Turmel, Tertullien, II’part., c. v ; IV’part., c. i, Paris, 1905 : A. d’Alès, La théologie de saint Hippolyte, Paris.