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DIEU (SA NATURE D’APRÈS LES PÈRES)


t. xliv, col. 213-22."). On voit immédiatement quelle place prépondérante occupent les attributs divins qui nous concernent plus directement : la puissance qui a tout produit et qui continue son œuvre par l’action conservatrice et coopératrice ; la science qui nous atteint toujours et partout ; la providence qui régit tout, qui veut le châtiment et qui permet le mal ; la bonté qui pardonne et qui sauve, etc.

Les homélies prononcées à Anlioche, en 386, et qui ont pour titre : Ilepl àxotTa).7)irroy, De incomprehensibili, P. G., t. xlviii, col. 701 sq., ne font pas exception. Par leur genre, elles se rattachent beaucoup plus aux discours théologiques de saint Grégoire de Nazianze qu’aux traités polémiques, et en partie philosophiques, de saint Basile et de saint Grégoire de Nysse. Mais la doctrine est identique. Le grand orateur s’élève avec véhémence contre les spéculations arrogantes de ceux « qui se vantent d’avoir de Dieu une science complète et parfaite, et qui par là même tombent dans un abîme d’ignorance. » Homil. i, n. 4, col. 704. C’est outrager Dieu que de scruter sa nature avec trop de curiosité. Homil. ii n. 3, col. 712. « Que Dieu soit innascible, àyévvYjro ; , la chose est manifeste ; mais que ce soit là le nom propre de son essence, aucun prophète ne l’a dit ; aucun apôtre, aucun évangéliste ne l’a insinué. Rien d’étonnant : comment auraient-ils pu nommer ce qu’ils ignoraient ? » Homil. v, n. 4, col. 742.

Dieu est incompréhensible dans sa nature. Cette vérité, Jean Chrysostome ne se contente pas de l’énoncer en général ; il la détaille, en l’appliquant aux divers attributs. « Je sais que Dieu est partout, qu’il est tout entier partout ; mais j’ignore comment. Je sais qu’il n’a point commencé d’exister, qu’il n’a pas été engendré, qu’il est éternel ; mais j’ignore comment. Mon esprit ne peut pas concevoir une substance qui n’a reçu l’être ni d’elle-même, ni d’un autre. » Homil. 1, n. 3, col. 704 ; cf. Théodoret, Grœcarum affectionum curatio, serm. ii P. G., t. lxxxiii, col. 858. Un peu plus loin, à propos du texte de saint Paul, I Cor., xiii, 12 : Nunc cognosco ex parte, l’orateur n’insiste pas seulement sur la question du comment, mais encore sur celle du combien. « L’apôtre ne veut pas dire qu’il connaît une partie de l’essence divine et en ignore une autre, car Dieu est simple ; mais il sait que Dieu existe, et ignore ce qu’il est en son essence. Il sait qu’il est sage, mais il ignore combien il l’est. Il n’ignore pas qu’il est grand, mais il ne sait pas combien il l’est : x’o ôà tcôctov, … to-jto oOx oïôsv, » n. 5, col. 706 sq. Ailleurs, c’est la spiritualité divine, considérée en elle-même et dans ses conséquences, qui nous est présentée comme une énigme pour l’humaine conception. In Episl.ad Colos., homil. v, n. 3, t. lxii, col. 335.

Les nombreux passages où saint Jean Chrysostome traite le sujet, n’ont pas tous la même portée. Souvent il s’agit de l’invisibilité ou de l’incompréhensibilité de Dieu par rapport aux hommes vivant sur la terre. Ainsi en est-il, quand il rappelle les trois exemples, d’un enfant, d’un miroir et d’une énigme, I Cor., xiii, 11-12, dont saint Paul s’est servi pour caractériser la connaissance imparfaite, indirecte et obscure, qui est notre partage ici-bas. De incompreh., homil. i, n. 3, t. xlviii, col. 704. Ainsi en est-il, quand il parle des visions des prophètes, comme Is., VI, 1 ; Dan., iiv 9 ; III Reg., xxii, 19 ; Amos, ix, 1 ; et conclut qu’ils n’ont pas vu l’essence divine ; car Dieu est simple, sans parties ni figure, et ils ont tous vu des figures, et des figures différentes. Homil. iv, 3, col. 730 ; cf. Théodoret, In Osée, xii, 10, t. lxxxi, col. 1620. Ainsi en est-il encore, quand il fait appel à la preuve subsidiaire, tirée des mystères qui nous entourent ou qui sont en nous, celui de notre âme en particulier. Homil. ii, n. 7 ; v, n. 4, t. xlviii, col. 717, 741. D’autres fois, l’orateur d’Antioche affirme l’incom préhensibilité divine par rapport à tout être créé, les anges comme les hommes : —Lai : j.— à/w-ripo) Swâpeffi* àx « Td&ï)i « ov. Homil. ni, n. 1, col. 720. Il invoque quelques textes de la sainte Écriture, comme Is., vi, 2 ; Joa., i, 18 ; Eph., m. 10 ; I Tim., vi, 10. Homil. iii, n. 3 ; iv, n. 2 sq., col. 722, 730 sq. Mais il fait aussi appel à la transcendance de la nature divine, comparée à toute intelligence inférieure : tbv ûirEpëafvovTa ïvtjttjç ô’.avoii ; xaT(x/pi|/iv, tov âve|t^vtafftov à— —f-ï/o’. ; . Homil. (II, n. 1, col. 720. Cf. Théodoret, In Canlicum cant., ni. 4. t. lxxxi, col. 116, où, parlant de l’époux, considéré dans sa nature incréée, et des anges, pures créatures, il dit : tô [i-rfiï tOjtoi ; ocutôv ei/ai xaTaLv)irrdv, Lti’jtoï ; otn : tov axTiTtov. Doctrine facile à expliquer, dans son ensemble, si l’on tient compte des circonstances. Les homélies De incomprehensibili ont été prononcées contre les anoméens ; l’orateur a généralement en vue la connaissance que ces hérétiques s’attribuaient follement, en disant : Je connais Dieu comme Dieu se connaît luimême. Homil. ii n. 3, t. xlviii, col. 712. Résumant sa pensée, il la précise ainsi : Il n’est aucune intelligence créée qui ait de Dieu une compréhension parfaite, ttjv àv.piori xa-caXïnpiv ; ou encore : qui connaisse Dieu en toute perfection, y.---x àxpsëetac àitia^ç. Homil. iv. n. 2, 3, col. 729, 731. La connaissance réservée au Fils, Matth., xi, 27, il l’entend d’une vision et d’une compréhension semblable à celle que le Père a du Fils : xr, v àxscëï) Xcysi Oscopiav ts zj’i xaTaLTjipiv, xii zoaaûzrft otr/iv ô n<xTï)p ïyti TtEpi tov natôo ; . In Joa., homil. XV, n. 2, t. lix, col. 99. Voir Petau, op. cit., 1. VII, c. iii, n. 5, 12, pour la force du mot La-pr, .V. ;  ; c. v, n. 2 sq., pour les textes objectés.

Cette solution générale souffre difficulté pour quelques passages, où les docteurs antiochiens, parlant des saints anges ou des bienheureux, distinguent entre la vision de l’essence divine elle-même et une vision différente, peu définie, appelée par Théodoret une vision de gloire, et qui consisterait dans une manifestation de Dieu proportionnée à la nature et à la faiblesse du sujet. Telle paraît bien être la pensée de saint Jean Chrysostome, quand il interprète contre les anoméens la vision d’isaïe, vi, 1-2. Dieu apparaît assis sur un trône élevé, tandis que les séraphins voilent sa face de leurs ailes. Ils ne pouvaient supporter l’éclat jaillisant du trône divin. Encore « ne voyaient-ils pas la pleine lumière ni l’essence pure, o-J8’ocOttiv àxpaiçvf, tt, v o-Jin’av, mais jouissaient-ils seulement d’une vision de condescendance. Condescendance il y a, quand Dieu, s’accommodant à la faiblesse de ceux qui doivent le voir, se manifeste non pas tel qu’il est, jj.r, u> : ëtviv, mais dans une mesure proportionnée à leur nature. » De incompreh., homil. iii, n. 3, t. xlviii, col. 722. Cf. In Joa., homil. xv, n. 1-2, t. lix, col. 98, où cette doctrine est appliquée, d’une façon générale, aux saints anges et aux bienheureux. Théodoret renchérit encore sur son maître. Se trouvant en face de ces paroles du Sauveur, relatives aux anges gardiens : Semper vident faciem Palris veslri, Matth., xviii, 10, il les fait ainsi commenter par l’interlocuteur orthodoxe, Dialog., i, t. lxxxiii, col. 51 : « Ils ne voient pas l’essence divine, infinie, incompréhensible… mais une certaine gloire ou splendeur proportionnée à leur nature, ix).à S&Sav ? tvà tr ; aOrùv ç’jdei dU|x|j.£TpoujjL£vi, v. » Passages difficiles, qui supposent une interprétation particulière de plusieurs textes de la sainte Écriture, mais dont la critique appartient proprement à la question de la vision intuitive, considérée dans son existence et dans sa nature.

Le rejet d’une connaissance compréhensive n’entraîne pas, pour l’homme vivant ici-bas, celui d’une connaissance moindre et portant toutefois sur autre chose que le simple fait de l’existence divine. Chrysostome connaissait l’objection anoméenne : « Alors vous ignorez Dieu ? » Nullement, répond-il. « Je sais qu’il existe ; je