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lies plus anciens conciles, que l’Église est iufaillible quand elle prononce sur l’ortliodoxie ou l’iiolénv doxie d’un texte. Avec cette perspicacite qui lui faisait si bien saisir le faible d’un argument et les contradictions d’un adversaire, il demandait aux disciples de l’évêque d’Ypres comment cette même Église, infaillible d’après eux, lorsqu’elle approuve le texte de saint Augustin, cesse de l’être quand elle rejette le texte de Jansénius. Cette objection, durant la longue controverse qui désormais l’occupera tout entier, l’archevêque de Cambrai ne se lassera point de la répéter. 11 publie, en 1704 et en 1705, trois nouvelles Instructions qui présentent et renforcent l’enseignement contenu dans la première. Voir Église, t. iv, col. 2190-"2192. Il éclaire la conscience du successeur de Bossuet à ISIeaux, le futur cardinal de Bissy ; il redresse les assertions de l’évêque de Saint-Pons, Montgaillard, sur les conditions auxquelles les quatre évêques réfractaires avaient été admis, en 1669, à l’illusoire paix de Clément IX. Il publie avec d’amples développements (15 juillet 1705) la bulle Vineam Domini Sabaolh, laquelle condamnait de nouveau le silence respectueux. Toujours prêt <à dénoncer des doctrines et des tendances qui lui apparaissaient comme le suprême péril, Fénelon signale à l’autorité royale l’état de son diocèse, envahi ou menacé par le jansénisme ; il écrit ce Memoriale SS. N. D. clam Icgendnm qui, publié pour la première fois en 1822, eût allumé chez les nombreux accusés, s’ils l’avaient connu, d’inextinguibles ressentiments. Aucune des tentatives faites en Belgique ou en France pour éluder les jugements de l’Église n’échappe à sa vigilance (Quatre lettres à l’occasion d’un nouveau système sur le silence respectueux (1706) ; Instruction pastorcde sur le liorc : Jusliftcaiion du silence respectueux (1708) ; Lettre sur l’infaillibilité de l’Église touchant les faits dognmtiques (1709’. Cette lettre contient un résumé net et précis de la controverse. D’autres lettres démêlent les subtilités dogmatiques d’obscurs jansénistes, Fouilloux et Hennebel.

Si dévoué au Saint-Siège dont il reconnaissait r inerrance, Fénelon encourut cependant sur un point la critique de ses correspondants romains. On lui reprochait de n’opposer aux jansénistes que l’autorité du corps des pasteurs, et de se taire sur l’infaillibilité du pape. Lettre du P. Daubenton à son confrère le P. de Vitry, 24 mars 1709. Fénelon, dans ses lettres aux cardinaux Gabrielli et Fabroni, explique et justifie sa conduite. Alléguer à ses adversaires une doctrine qui n’était pas définie, ce serait renflannner les passions gallicanes, et donner aux jansénistes, dans leur résistance aux constitutions pontificales, de nombreux et redoutables alliés. Le mieux n’est-il point de partir d’un principe admis par les adversaires eux-mêmes — l’infaillibililé du corps des pasteurs dont le pape est de droit divin le chef — pour les amener à reconnaître et à rejeter leurs erreurs ? Nonne oportuit junsenistas ab cpiscopis congrua rcfulatione rcfclli ? Nihil sane unquam profeceris, nisi, pro scholarum more, ex conccsso ab adversariis medio, negedum consei /uens probetur. Epistola prima ad eminentissimum cardimdem Gabrielli, 19 mai 1704. Fénelon avait appelé de ses vœux la bulle t/nff/e/uVws ; lorsque, après une lente préparation, elle eut été promulguée (8 septembre 1713), l’archevêque de Cambrai la publia dans deux mandements qui la conunentaient, l’un pour la partie française de son diocèse, l’autre pour la partie qui de la domination espagnole avait passé sous celle de l’empereur. Avec un zèle dont témoigne sa volumineuse corrcspondance, il s’attacha à la faire accepter dans tout le royaume, et à réprimer les opposants. L’assemblée du clergé d’octobre 1713 avait accepté la bulle ; dans les provinces, soixante-dix évêques s’étaient prononcés comme les évêques de l’assemblée ;

mais six évêques avaient résisté. Le mobile et entêté Noailles menait l’opposition. Approbateur à Châlons des Réflexions morcdes, il s’était ensuite rétracté ;  : mais à Paris, tout en maintenant la sentence portéepar lui contre Quesnel, il avait défendu de recevoir la constitution Unigenitus. M""-’de Maintenon, le roi lui-même négocient en vain avec leur archevêque. Pour en finir avec des résistances qui le fatiguent, pour rendre à l’Église de France une paix que troublent des passions sectaires, Louis XIV appelle la convocation d’un concile national ; il charge.melot de la solliciter à Pvome. Fénelon préférait cette voie à un jugement par commissaires apostoliques contre lequel les préventions françaises eussent éclaté, et à la voie des conciles provinciaux où les oppositions se fussent accusées davantage.

Il poursuit sans s’arrêter sa canqiagne antijanséiiiste. En 1711, il avait écrit une longue Instruction jHistorale contre l’œuvre d’un familier de Noailles, la Théologie de Louis Habert, où, nonobstant le rejet formel des cinq propositions, il croyait reconnaître la doctrine de l’évêque d’Ypres. « Le vrai jansénisme, disait-il, consiste à dire que, depuis la chute d’Adam, l’honnne se trouve entre deux délectations opposées, l’une du ciel pour la vertu, et l’autre de la terre pour le vice ; en sorte qu’il est nécessaire que la volonté suive, en chaque moment, celle des deux délectations qui se trouve actuellement la plus forte, parce que l’attrait en est inévitable et invincible… Le sieur Habert embrasse précisément, comme Jansénius, ce système des deux délectations indélibérées… L’unique différence qui paraît entre eux, consiste en ce que Jansénius donne d’ordinaire à cette nécessité inévitable et invincible le nom de simple et que le sieur Habert lui donne le nom de morale… » Notons avec M. Gosselin que Fénelon juge la théologie de Louis Habert, Theologia dogmediea et moralis ad usuin seminarii Catalaunensis, d’après l’édition de 1707 ; et que, dans les éditions de 1713 et de 1718, l’auteur modifia ou expliqua plusieurs propositions dures ou équivoques de la première édition.

h’Instruction pastorale en forme de dialogue, sur le système de Jansénius, parut vers le milieu de 1714. (I Elle peut être considérée conune l’abrégé de tous » les ouvrages de Fénelon sur le jansénisme, et comme renfermant un corps de doctrine conqjlet sur les matières de la grâce. » Gosselin, Histoire littéraire de Fénelon, Écrits sur le jansénisme, 17. Dans les trois parties qui composent cette Instruction, l’auteur s’attache à montrer la conformité du système de Jansénius avec celui de Calvin sur la délectation, et son opposition à la doctrine de saint Augustin ; il explique ensuite les principaux ouvrages de saint Augustin sur la grâce ; il montre l’abus que les jansénistes en font, et l’opposition de leur doctrine à celle des thomistes, dont ils prétendaient s’autoriser suivant les occurrences. Enfin, il met en lumière la nouveauté du système janséniste, et les conséquences pernicieuses de cette doctrine au point de vue des mœurs. Cette Instruction a revêtu la forme de lettres (elles sont au nombre de vingt-quatre) qui rapportent un dialogue continu de l’auteur avec le janséniste, M. Frémont, et un converti du jansénisme, M. Perraut ; Fénelon se rappelait Pascal. « Si l’on doute du grand pouvoir de l’art du dialogue sur les hommes, écrit-il, on n’a qu’à se ressouvenir des profondes et dangereuses impressions que les Lettres ù un provincial ont faites dans le public. » Écrite avec cet abandon et, si l’on veut, avec cette négligence que l’on ne cherchera point dans les Provinciales, l’Instruction pastorale de Fénelon unit cependant quelquefois l’ironie ou l’éloquence â la clarté — témoin, dans la lettre xxi’", une invective indignée contre les suites du jansénisme ; témoin, dans la lettre xix<’, la fine repré-