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ÉPHÉSIENS (EPITRE AUX)


prétoire d’Agrippa, ne pouvait communiquer avec ses amis. Act., xxiv, 23. Il paraît donc plus vraisemblable que la captivité, qui sert à dater cette Épitrc, est celle de Rome. Les souscriptions des manuscrits grecs énoncent cette conclusion. Cf. H. von Soden, Die Schriflen des N. T., Berlin, 1902, t. i, p. 300.

2° On s’est demandé laquelle des deux Épitres aux Colossiens et aux Éphésiens, qui se ressemblent, non seulement par un certain nombre d’idées et de termes communs, mais plus intimement et plus profondément, ayant même contenu, même plan, même développement, même méthode, et tendant un peu diversement au même but, avait été écrite la première. Les avis ont été partagés et on a reconnu la priorité, tantôt à l’une, tantôt ii l’autre. De ces deux lettres complémentaires et véritables sœurs jumelles, celle qui a été provoquée par une démarche positive et par un besoin déterminé, semble avoir précédé l’autre, qui traite du même sujet, mais qui est due à une préoccupation plus étendue. Il y a entre elles unité d’inspiration, identité de matière développée deux fois. Elles ont été écrites dans les mêmes circonstances, et peut-être, à quelques jours d’intervalle seulement. Vraisem^ biablement donc, l’Épître aux Colossiens a été rédigée la première en vue des erreurs répandues à Colosses ; l’Épître circulaire a été composée ensuite à un point de vue plus général. L’apôtre, visant des situations presque identiques, l’esprit pénétré des mêmes idées, les a répétées, sans chercher à varier ses expressions. Le Père Lemonnyer a reconnu dans cette dernière « un décalque, mais très libre et magistral, de la lettre aux Colossiens. » Épîlres de saint Paul, 2° édit., Paris, 1905, t. ii, p. 76.

V. Division et doctrine.

Après l’adresse proprement dite, I, 1, 2, cette lettre, comme la plupart des Épitres de saint Paul, peut se diviser, d’après la nature générale du contenu, en deux parties principales, h peu près égales : dans la première, qui est dogmatique, i, 3-iii, 21, l’apôtre expose, sous forme d’action de grâces et de prière, les bienfaits spirituels que Dieu a accordés aux hommes et surtout aux gentils par Jésus-Christ, et il développe le plan divin du salut de l’humanité par Jésus ; dans la seconde, qui est morale, iv, 1-vi, 20, il indique les devoirs qui incombent aux chrétiens, s’ils veulent mener une vie digne des grands bienfaits qu’ils ont reçus de Dieu. L’épilogue final, vi, 21-24, contient la recommandation de Tychique et la salutation générale de l’apôtre.

I. DOGMATIQUE.

La première partie ne présente pas un plan bien régulier et n’a pas de divisions logiques bien tranchées. Toutefois, d’après la forme du discours, on peut distinguer trois sections, dont la première est une action de grâces, la deuxième une action de grâces et une prière et la troisième une prière seulement.

1° section. Action de (iràccs pour les bienfaits (jencrcntx de Dieu envers les chrétiens, i, 3-11. — Les commentatcursdistribuent orlinairoment les bienfaits divins décrits par Paul suivant l’ordre chronologique, en remontant à l’élection et à la prédestination, et distinguent, dans cette section, l’ordre de l’intention de l’économie du salut de toute éternité, 4-6, et celui de l’exécution dans le temps, 7-14, ou trois bienfaits distincts, l’élection cl la prédestination par le Père, 4-6, la rédeniplion par le Fils, 7-12, la sanctidcation et la glorifica tlon par le Saint-Esprit, 13, 14. Un même refrain : pour la gloire de Dieu » , ’terminerait l’exposé tie chacun de ces bienfaits. Mais cette phrase répétée n’est pas un refrain, pas plus que cette autre : « selon le bon plaisir de sa volonté » , 5, 9, 11 ; ces phrases sont plutôt de simples répétitions de pensées chères ù saint Paul. D’autre part, dans la section entière, la prédestination et la collation de la grâce sont exposées

parallèlement, quoique la distinction des deux ordres d’intention et d’exécution soit fondée. La forme littéraire de cette longue proposition conduit à la diviser en trois parties, débutant par un participe aoriste, 3 b, 5, 9, et décrivant parallèlement les bienfaits divins.

1° Les bénédictions spirituelles descendues des cieux sur les chrétiens, unis au Christ, sont fondées sur le plan divin du salut, conçu de toute éternité. Conformément à ce plan, Dieu avait choisi et élu les chrétiens pour être saints et sans reproche à ses j’eux dans la charité. L’élection divine avait donc pour but la sainteté morale, réelle, personnelle et positive, que les chrétiens devaient acquérir par la charité cjui rend saints et sans reproche. Elle n’était pas, comme on le pense souvent, une conséquence de la prédestination, car le participe Trooopctrai ; n’est pas subordonné au verbe i’îùÂlo.xo et l’objet de la prédestination est foncièrement le même que celui de l’élection. La prédestination pourrait donc être simultanée ; c’est, au moins, un acte parallèle à l’élection, et un nouveau bienfait de Dieu, qui a désigne d’avance les chrétiens à être ses fils adoptifs par Jésus-Christ, d’après le bon plaisir de sa volonté, parce qu’il l’a voulu, en pleine liberté et indépendance, plutôt que par bienveillance, et cela, pour la gloire en les unissant à celui qui les a aimés et en qui ils possèdent la rédemption. L’adoplion divine les fait passer de la c)n(lition d’esclaves (du péché, de la chair, de la loi) à celle de fils ; elle n’est qu’un autre aspect de la vie sainte et irréprochable. Saint Paul affirni ? l’élection et la prédestination des chrétiens, sans marquer les rapports de ces deux actes du plan divin.

2° Cette prédestination à l’adoption s’est donc réalisée en Jésus, et les chrétiens qui lui sont intimement unis, possèdent réellement la rédemption, non pas seulement la délivrance du péché, mais cette délivrance de l’état d’esclave opérée jKir rançon, par rachat, au moyen d’un prix payé (XJioov), au prix du sang du Christ versé sur la croix. L’à7 : o>.’J7pa)<ji ; désigne, dans une inscription de Cos, de l’an 53 après Jésus-Christ environ, la libération sacrée obtenue après que les prêtres ont accompli le sacrifice nécessaire pour l’avoir et le), lTpov est le prix payé pour l’affranchissement des esclaves, parfois peut-être par l’offrande d’un sacrifice aux dieux. A. Deissmann, LiclU voni Osten, Tubingue, 1908, p. 179. Appliqué par analogie à l’truvre rédemptrice du Christ, le mot àTcc.X-jTp<oTi ; doit-il être pris â la lettre, dans le sens de rançon payée, ou comme métaphore seulement, qu’il ne faut ]ias presser et qui signifierait que, par amour pour nous, Jésus, en versant son sang, a rempli une condition onéreuse pour obtenir notre délivrance ?’Stevens, The Theolor/y of Ihe New Testament, Edimbourg, 1901, j). 412 ; J. Rivière, Le dogme de la rédemption, Paris, 1905, p. 51 ; F. Prat, La théologie de saint Paul, l’aris, 1908, 1. 1, p. 283, adoptent la seconde explication. Le Père Lemonnyer maintient avec raison la signification rigoureuse de rachat et de paiement, d’une rançon payée par la mort expiatoire du Sauveur. Les fCpitres desaint Paul, t. ii, p. 84. La condition onéreuse remplie pour obtenir notre délivrance est la satisfaction donnée par le Christ à la colère divine qui nous avait livrés en châtiment de nos péchés à la domination mortifère des puissances adverses. Col.. II, 14, 15. K. Tobac, Le problâme de la justi/ication dans saint Paul, Louvain, 1908, p. 143. La rémission, àfîiii ;, des péchés est la remise complète d’une dette. Cf. A. Deissmami, ISibelstudicn, Marbourg, 1895, p. 9497. Notre rédemption et le pardon de nos fautes procèdent de l’innnense amour de Dieu, qui a acceplé la rançon payée pars()n l’ils et qui ii répandu sur nous