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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


à nous, qui participons à un seul pain et au calice, unis-nous… » etc.

Par une absence regrettable de critique, les cditions catholiques ont adopté cette forme étrange d'épiclése qui est certainement, de l’aveu même des orthodoxes, une altération récente. Cf. Eù/oXoviov TÔ ! J.6Y*> édition de la Propagande, Rome, 1873, p. 6465, 92-94 (cette édition n’est, du reste, que la reproduction à peu près complète de l'édition vénitienne de 1777) ; Athanasc de Paros, 'ETtiToiir) ôÏts qu/ao-, --^ Ttôv Sei’wv ttj ; Tii’TTea) ; 60y[j.d ! T(i)v, Leipzig, 1800, p. 366367 ; ny)ôâ>, iov, édition de Zante, 1864, p. 428-429, n. 3 ; Rompotès, As'.To-jpyixri, Athènes, 1869, p. 248, n. 1 ; Mesoloras, 'EyyEipîSiov XeiTovjpytxrj ;, Athènes, 1895, p. 170 ; Arcliicraiicon, édit. officiclle du Phanar, Coiistantinoplc, 1820, p. 7, 18-10 ; IIicraticon, Consiantinople, 1895, p. 75-76). Cf. Manuel de liturgie grecque ^coiirs polycopié du séminaire Sainte-Anne à Jérusalem), 1902, t. II, ]). 69-70, 121.

La complication même de ces dialogues entre le diacre et le prêtre, de ces rites et de ces formules, par rapport à la simplicité des deux oraisons normales telles que nous les avons citées au début de cet article, suffit à trahir ici la main d’un intcrpolateur. Si, comme, il semble bien, ces interpolations doivent être attribuées à la controverse entre Orientaux et Occidentaux au sujet de la forme de la consécration, elles ne peuvent pas remonter au-delà du xive siècle. Voir P. de Meester, Les origines et les dcveloppemenls du texle grec de la liturgie de saint Jean Chrysostome, dans le recueil des Chnjsostondca, Rome, 1908, fasc. 2, p. 340 sq.

Notons, en passant, que les récentes éditions non catholiques de la liturgie, tout en faisant justice de ces interpolations, ont marqué d’une autre manière ia croyance orientale. Une rubrique a été insérée à la fin de l'épiclèse, qui oblige les célébrants à faire alors trois inclinations profondes : rite inouï jusque-là et destiné à reconnaître que la consécration vient d’avoir lieu à ce moment-là seulement. Voir l'édition officielle du Phanar, Constantinople, 1895, p. 76.

Nous devons, par contre, signaler que dans les liturgies à l’usage de certaines Églises orientales catholiques, notamment celles des Maronites, des Arméniens, des Chaldéens, l’on a fait subir aux formules d'épiclèse des modifications assez notables, en vue de supprimer la demande de transsubstantiation et, par là même, la difficiilté concernant la forme sacramentelle. Ces modifications ont été vivement critiquées par Renaudot, op. cit., t. ii, p. 601 sq., et par Le Brun, op. cit., t. v, p. 268.

5° Ordinairement, l'épiclèse s’adresse au Père et le prie d’envoyer le Saint-Esprit pour opérer le changement miraculeux, ou encore d’envoyer le Saint-Esprit et d’opérer par lui le changement (liturgie arménienne). Dansl’anaphore de Sérapion de Thmuis, on demande au Père d’envoyer le Logos. Dans la liturgie copte de saint Grégoire le théologien, Renaudot, op. cit., t. i, p. 29-31, laquelle d’ailleurs met tout le récit de l’institution à la deuxième personne désignant Notre-Seigneur, on demande d’abord à JésusChrist d’opérer la transsubstantiation, en termes qui semblent bien faire allusion à l’efficacité des paroles du Sauveur qui viennent d'être prononcées : Tu, Domine, voce tua sola commuta hœc guæ sunt proposila ; puis on le prie d’envoyer le Saint-Esprit pour sanctifier et transformer ces oblations : enfin, l’on revient encore à Jésus-Christ pour lui redemander de faire du pain son corps, et du vin son sang, et facias. Comparer les anaphores éthiopiennes de saint Grégoire l’Arménien et de Jacques de Saroug. Chaîne, op. cit., p. 1 7, 29-31. Dans l’anaph-ore copte de saint Basile, Renaudot, t. T, p. 15, le prêtre, qui s’est adressé jusque-là au

Père, adresse au Christ l’oraison d'épiclèse, le sollicitant d’envoyer son Saint-Esprit sur les oblations. De même dans les anapliores éthiopiennes des Apôtres, de saint Jean Chrysostome, de saint Épiphane. Chaîne, op. cit., p. 9, 19-21, 27. Dans l’anaphorc éthio pienne de Jésus-Christ, le Eîls est supplié d’envoyer l’Esprit-Saint ut facial… corpus Domini noslri Jesu Cluisti. Ibid., p. 28-29. Quelquefois la construction de la phrase présente une certaine confusion : l’on s’adresse d’abord au Père, puis brusquement au Fils ; par exemple, dans l’anaphorc éthiopienne de Dioscore. Ibid., p. 19.

Ajoutons enfin, toujours à propos du style des épiclèses, une remarque intéressant les tlicologiens : c’est que certaines d’entre elles renferment une série plus ou moins longue d'épithètes ou d’attributs du Saint-Esprit ; pour en avoir des exemples, le lecteur n’a qu'à se reporter aux épiclèses des liturgies de saint Jacques et de saint Marc. Quelques-unes même y mentionnent la procession ex Paire et Filio. Voir S. Salaville, Doclrina de Spiritus Sancti ex Filio proccssione in guibusdam syriacis epicleseos formulis, dans Sleworum litleræ iheologicæ, Prague, 1909, t. v, p. 165-172.

6 A ne considérer que la teneur des textes liturgiques, le récit de l’institution semblerait, à première vue, n’avoir qu’une valeur narrative, cf. Hoppe, op. cit., p. 225 ; mais l’intention qu’a l'Église de le faire prononcer par le prêtre in persona Clirisli, c’està-dire de lui donner une valeur consécratoire, apparait dans plusieurs indications, formules et gestes liturgiques. Des indications analogues au sujet de l'épiclèse attestent sans doute aussi l’importance de cette dernière prière. ÎNtais celle-ci n’est jamais dite in persona Christi, ce qui établit avec les paroles de l’institution une différence essentielle.

1. Le récit de la cène, ou du moins les paroles de l’institution, et l'épiclèse, au moins la partie concernant la demande de transsubstantiation, sont ordi nairement prononcés à haute voix. Voir Hoppe, op. cit., p. 240-247. Il faut excepter cependant In liturgie byzantine actuelle pour l'épiclèse, et la liturgie arménienne pour les deux formules. La récitation silencieuse de l'épiclèse dans la liturgie byzantine d’aujourd’liui, tandis que les paroles du Sauveur sont dites à haute voix, semble plutôt défavorable à la théorie orientale moderne, et favorable à l’efficacité consécratoire des paroles de l’institution. Un décret de Justinien, en 564, Pargoire, L'Église byzantine de 527 à 847, Paris, 1905, p. 100, avait, en effet, ordonné de dire à haute voix " la prière de la divine oblation » , c’est-à-dire vraisemblablement la formule de la consécration. Voir Hoppe, op. cit., p. 223, note 472, et les références qu’il indique. En 1702, le patriarche grec d’Alexandrie, Girasime II Palladas. fut blâmé sévèrement par Gabriel III, de Constantinople, d’avoir introduit sur ce point, dans son Église, une grave innovation. Pour protester contre la croyance catholique attribuant l’efficacité consécratoire aux paroles du Christ et non à l'épiclèse. Gérasime II fit prononcer à voix basse le récit de la cène et à haute voix l'épiclèse. Gédéon, Kavovixai ôtatïEei ;, Constantinople, 1888-1889, t. i, p. 89-92 ; t. II, p. 406-409.

2. Un grand nombre de liturgies font faire au prêtre le geste des yeux levés vers le ciel ; toutes lui font accomplir les bénédictions sur les espèces au moment où le récit évangélique rappelle les mêmes gestes du Sauveur : manière remarquable de montrer que le prêtre agit véritablement, à ce moment même, in persona Christi. C’est là un témoignage liturgique universel, que les dissidents essaient en vain d'éluder. Dans certaines éditions récentes de l’Eucologe,