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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


tiques) dans Lopoukhino, Pravoslavnaia bogosloi’ska’ia entsiklopedia (Enciidojicdic théologiqiic orthodoxe), t. IV (Saint-Pétersbourg, 1903), col. 1150 sq.

Il y a, même après l’cpiclèsc, dans toutes les liturgies, des oraisons qui ne sont pas sans analogie avec elle pour le sens et où l’on demande encore, plus ou moins explicitement, la sanctification des éléments, leur consécration, comme s’ils n’étaient pas déjà sanctifies et consacrés. D’autant que ces prières sont, au surplus, accompagnées de signes et de croixct de bénédictions sur l’hostie et sur le calice, qui sembleraient, à première vue, aggraver encore la diiïiculté. Cf. Orsi, op. cit., p. 118 sq. ; Hoppe. op. cit., p. 98 sq. Ce dernier auteur cite à ce sujet deux textes suggestifs, empruntés à saint Pierre Damien († 1072) et à Innocent III († 1216). Bien qu’ils ne visent directement que le canoîi romain, ils sont vrais de toutes les liturgies, et il ne sera pas inutile de les reproduire pour mettre pleinement en relief la valeur de ces données liturgiques. Le premier s’exprime ainsi : Ilicoritiirnon prœterciinda ailentio quwstio, qiiare super hostiam l’cnedictam et plenissime conseciatam adixuc benedictionis siqnum exprimitur ? Immo talia sunt qusedam subfuncta in canone, quæ viden.tur innuerc qiiod nondum sit consecratio consununcUa. S. Pierre Damien, Expositio canonis, n. 9, P. L., t. cxlv, col. 885. Le second, Innocent III, prend à son propre compte la pensée de saint Pierre Damien, en y ajoutant ses réflexions personnelles : Ilic ovitur quæstio non prætereunda silentio. Ciim enim plenc et pcvfecle sit consecrcUio cclebrata (nam niuleiia punis et vint jain transivit in substantiam carnis et santjuinis), quare super eitclmristiani benedictam et plenissime consecrcdam adime benedictionis siqnum imprimitur aut cdiquod verbum consecrationis profertur ? Imo talia quædemi subjunguntur in canone, qua’videntur innuere quod nondum sit consecratio consummata. Ego super hac quæstione vcllem potius doceri quam docere, magisque referre quam proferre sententiam. Verum quia nihil Cl majoribus dictum super hac re potui reperire, dicam scdva fide quod senlio, sine præjudicio sententiæ melioris. Innocent III, De mysterio missæ, 1. V, c. ii, P. L., t. ccxiv, col. 887. Ces observations nous semblent de nature à rattacher l’épiclèse à un ensemble de prières sacrificielles, échelonnées tout le long de la messe, demandant à Dieu l’acceptation du sacrifice qui va s’offrir ou qui est offert, prières dont l’épiclèse proprement dite ne serait qu’un cas spécial, plus précis et plus intéressant. Hoppe, op. cit., p. 267 sq., ramène toutes ces oraisons à trois catégories qu’il appelle épiclèses d’oblation ou d’offertoire, épiclèses de consécration et épiclèses de fraction, selon les trois moments principaux de la messe où on les rencontre. Les unes et les autres constituent des prolepses ou des métalepses de la consécration ; mais leur fréquence même est une preuve liturgique de plus en faveur de la vertu consécratoire des seules paroles de l’institution qui, contrairement à elles toutes, demeure toujours et partout une formule centrale unique.

Les liturgies orientales, on le voit, si elles présentent dans leurs épiclèses certaines difficultés spéciales, fournissent cependant des données suffisantes pour nous permettre de résoudre, aidés des décisions de l’Église ci-dessus mentionnées, et des témoignages de la tradition que nous exposerons ci-après, la difiiculté principale : celle de savoir laquelle des deux formules, des paroles de l’institution ou de l’épiclèse, est la forme du sacrement de l’eucharistie. L’ensemble de leurs données est favorable à la doctrine catholique et offre même maints éléments qui serviront de points d’appui à l’explication dernière de l’épiclèse.

II. LITURGIES occinENT.iLEs. — Ces mêmes élé ments de solution se retrouvent, et mieux encore, dans les liturgies d’Occident. Les difficultés concernant l’épiclèse et la consécration y apparaissent, au contraire, moins saillantes. Elles existent cependant chez toutes, croyons-nous. On se bornera ici à exposer brièvement le fait de cette existence, en signalant au passage les caractères spéciaux des formules d’épici èse occidentales, lesquels ont d’ailleurs généralement une grande importance au point de vue théologique.

Les liturgies occidentales comprennent plusieurs groupes : ce sontles liturgies gallicane, amiirosienneou milanaise, mozarabe ou wisigothique et romaine, pour ne citer que les principales. » Mais k’s nuances entre certains de ces différents types s’estompent à tel point que l’on s’entend généralement pour ne discerner dans toutes ces liturgies que deux usages vraiment différents : l’usage gallican et l’usage romain. » Varaine, L’épiclèse eucharistique (thèse de Lyon), Briguais, 1910, p. 104. Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, 2e édit., Paris, 1898, p. 86. Cependant, malgré cette distinction plus nette entre le type gallican et le type romain, les autres groupements se distinguent encore assez entre eux, pour qu’il y ait lieu de les examiner un à un.

1° L’épiclèse dans les liturgies gedlicane, mozarabe et milanaise. — Pour la question qui nous occupe, la conclusion la plus probable des recherches pratiquées à travers les textes, c’est qu’à partir d’une époque, difficile à préciser, l’épiclèse y a été atténuée, déplacée ou même supprimée. Mais son existence antérieure n’en doit pas moins, croyons-nous, être tenue pour assurée. Elle était générale, au ve siècle, dans la liturgie gallicane, à laquelle se rattache la liturgie wisigothique ou mozarabe, comme dans celles de Milan et de Rome. Rauschen, £’« c/ ! a/-is//e und Busssakrament in den ersten sechs Jahrhunderten der Kirche, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1910, p. 112 ; trad. franc., par Decker et Ricard, Paris, 1910, p. 108.

Pour l’épiclèse gallicane et mozarabe, on trouvera une imposante série de formules très explicites dans l’ouvrage de Hopps, p. 71-92. Les noms mêmes qu’on leur donnait, Post mysterium, Posl sécréta, Post pridie. indiquent que ces oraisons occupaient, après le récit de la cène (Qui pridie), considéré comme formule consécratoire et opératrice du mystère, une place exactement correspondante à celle des épiclèses orientales dont elles reproduisent d’ailleurs le sens général. Il suffira d’en citer quelques exemples, pris entre un grand nombre d’autres. Aux messes de Mone, codex de Reichenau (v « -vie siècle), empruntons la suivante en lui laissant sa graphie singulière : Recolentesigitur, et servantes præcepta unigeniti. deprsecamur pater omnipotens, ut his creaturis altario tuo superpositis spiritussanctificationisinfundas, utpertransfusionecxlestis, . adque invisibilis sacramenti. panis hic mutatur in carne, et calex translalus in sanguine, sit totius (lisez probablement offerentibus) gratta, sit sumentibus medicina, p. d. Les confusions grammaticales du copiste mises à part, le parallélisme de cette oraison avec les épiclèses orientales saute aux yeux. Hoppe, op. cit., p. 71, note 138, fait remarquer l’analogie évidentc’entre l’expression creaturis… superpositis et l’expression grecque 7rpoxei(j.£va ôûpa. Le pain et le vin sont, du reste, formellement mentionnés dans une autre épiclèsc des messes de Mone, où l’on demande que la plénitude de la divinité et de la bénédiction de Dieu descende super hune panem et super hune calicem et fiat nobis légitima eucharistia in transformatione corporis et sanguinis Domini… Comparer dans le Missale gothicum en usage dans la Gaule narbonnaise avant l’époque carolingienne, le Post sécréta de la messe de saint Léger, où l’on prie ut descendat hic benediciio tua super luinc panem et caliccn :