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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


Saint-Esprit. Celle-ci est, en effet, une appropriation jjasce sur l’analogie de la transsubstantiation avec l’incarnation, sur la théorie générale de la sanctification, sur la doctrine — chère surtout aux Pères orientaux — d’après laquelle le Saint-Esprit est considéré connue l’opération divine, la vertu et l’opération vivante du Fils, l’action vivante du Père par le Fils. « L’Esprit-Saint, dit saint Cyrille d’Alexandrie, est la puissance et l’action naturelle de la divine substance. .. Il opère toutes les œuvres de Dieu. » Thesaar., assert, xxxiv, P. G., t. lxxv, col. 580, 608. Cf. S. Athanase, Episl., i, ad Serap., n. 20, P. G., t. xxvi, col. 580 ; S. Grégoire le Thaumaturge, Exposit. fidci, P. G., t. x, col. 985 ; S. Grégoire de Nysse, dont il sera utile de citer ici cette phrase : « Toute opération qui va de Dieu à la créature, quel que soit le nom qu’on lui donne selon la diversité des concepts, part du Père, passe par le Fils, et s’achève dans l’Esprit-Saint. » Episl. ad Ablubiiim, P. G., t. xlv, col. 125. L’épiclèse n’est-elle pas tout simplement une application spéciale de cette doctrine générale à la transsubstantiation eucharistique ?^La formule de saint Grégoire de Nysse semble bien être la clé de la véritable explication. Du reste, certains passages de l’ancienne littérature chrétienne font explicitement cette application de la doctrine trinitaire à l’eucharistie. Voici, par exemple, un texte remarquable recueilli dans le De sacramentis, compilation des environs de l’an.400. L’auteur vient de parler des trois sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, confirmation, eucharistie, et il conclut en rappelant l’opération des trois personnes divines dans la confection de ces sacrements. Eigo accepisti de sacranientis, plenissime cognouisti omriia, quod baplizatiis es in nominc Trinitatis. IX n.UMBi’s qu.k egimus, serva TUM EST MYSTERIUil rHINITATIS. VBIQUE PATER ET FILIVS ET SPIRITLS SAXCTUS, UXA SAXCTIFJCATIO, Clsi

qiiœdam veluti specialia esse vidcanliir.P. L., t. xvi, col. 455.

Nous avons indiqué, au moins en référence, dans notre exposé de la tradition ecclésiastique, nombre de textes analogues visant directement la coopération des trois personnes divines dans le mystère de la consécration. Ajoutons-y cette phrase de l’anaphore syriaque de saint Jacques : Pater Domini nostri Jesu Christi…, qui oblaliones ex donis et provenlibus fructmim (ibi oblalis in odorern suavilatis diynalus es saiietificare et perficere per gratiam Vnigeniti Filii tiii et per illapsum Spiritiis tui Sancti. Henaudot, op. cit., t. II, p. 39. C’est dans ce sens que saint Cyrille de Jérusalem peut attribuer la consécration à « l’invocation de ! a sainte et adorable Trinité. » Cal., xviii, n. 7. C’est dans ce sens qu’un des plus célèbres polémistes latins du moyen âge contre les Orientaux, le cardinal Humbert, écrivait en 1054 : Taliler prieparotus azi/mus fldeli invocatione todus Trinitatis fil veruni et singiilare corpus Cliristi… Totu berda Trinilas in consecralione eucharisliic cooperatur. Ado. (iriccor. calurnnias, XXX, P. L., t. cxiiii, col. 950.

Œuvre commune aux trois personnes, la transsubstantiation n’est spécialement attribuée au Saint-Esprit qu’en vertu d’une approprialion qu’explique la théologie des Pères et, en particulier, la formule de saint Grégoire de Nysse touchant l’action divine en général. Nous croyons pouvoir employer ici ce terme d’a])proprialion, bien que la tliéologic des Pères grecs diffère, par des nuances, de celle des Pères latins sur la question de l’approiiriation en général.

Reste toujours la difficulté que fait la jilace occupée par l’épiclèse dans les liturgies, après les paroles de l’institution. Opération de la puissance divine en général, opération du Père par le I-"ils dans le Saint-Esprit, ou simplement opération du Saint-Esprit,

la consécration s’accomplit, d’après la doctrine catholique, au moment où le prêtre prononce les paroles du Sauveur. Reconnaître dans l’épiclèse l’expression très nette de cette opération divine du Saint-Esprit n’est donc pas, pour autant, expliquer pourquoi la liturgie demande encore, après les paroles du Sauveur, que le Saint-Esprit vienne accomplir le mystère de la transsubstantiation.

C’est ici qu’il faut faire intervenir le principe de Bossuet : « Tout cela est un effet du langage humain qui ne peut s’expliquer que par partie. » L’invocation du Saint-Esprit ne pouvant avoir lieu en même temps que la prononciation des paroles du Ciirist, elle a été placée à un autre moment.

Mais du moins ne serait-il pas plus logique que cette invocation fût avant la consécration et non pas après ? A première vue, oui. Et pourtant, il y a, contre cet a priori, le fait universel de l’épiclèse à la place que nous avons constatée. Ce fait universel et cette place constante doivent avoir leur raison d’être. Cette raison, il faut la chercher, croyons-nous, dans un autre fait, liturgique lui aussi et d’inspiration profondément théologique : c’est l’existence, dans le canon de la messe, d’une triple eucologie bien distincte : l’eucologie du Père, l’eucologie du Fils, l’eucologie du Saint-Esprit. La préface est l’action de grâces (l’eùxapiTTta ) à Dieu le Père, la reconnaissance de l’ieuvre créatrice et conservatrice ; la partie qui va du Sanclus à l’épiclèse est celle du Fils accomplissant r(euvre rédemptrice ; l’épiclèse marqua l’action sanctificatrice du Saint-Esprit, mais surtout l’opération spéciale qu’il vient d’accomplir, à la parole du Fils, dans les éléments, comme autrefois dans le sein de la Vierge à la parole de l’ange et de Marie. Cf. Cagin, Paléographie musicale, t. v, p. 85 sq.

Tout cela, d’ailleurs, comme on l’a justement remarqué, ibid., se succède suivant une progression historique évidente. De cette sorte, la liturgie garde l’ordre logique des trois personnes divines entre elles et l’ordre chronologique de leur intervention dans l’œuvre de la rédemption. Telle est, pensons-nous, la meilleure explication de la place généralement réservée à l’épiclèse dans les liturgies.

Cette explication, de même que les précédentes, est éminemment traditionnelle. On la trouve notamment dans maints commentaires liturgiques syriaques, ainsi que le fait justement remarquer le continuateur de Ferraris, Prompla bibliotlieca, v » Eucliaristia, édit. Migne, Paris, 1865, t. iii, col. 803 : Orientales nonnulli seriplores, præsertirn Syri, causam quoque affcrunl ob quam invocatio Spiritus Sancti in Orientalium liturgiis post cncharistiiv institutionis historiam et Christi verba cotlocata sit, licet per eam postulctur ut id pat quod divina virtute per Christi verba fieri débet. Ccnsentenim ibi esse posita.ul in sacra liturgia dininos personas invocando ordo uabeatir quem inviccm servant. Ilinc primum ivlcrni l’atris ut creatoris et rerum omnium conservaloris ; deinde œterni Filii. qui homo factus euclmristicmi inslituit, cufusque verbis a sacerdote cjus gerente personam prolatis eucliaristia consecratur ; ac postremo loco Spiritus Sancti nicntio et invocatio occurrit, cui sécréta actio in qiia — prolatione Christi verbnruni — transmutantur oblata, et sacranienti effcclus tribiiiinliir.

Vn passage de saint Cyrille d’Alexandrie est à citer ici. Le saint docteur y commente en ces termes le récit évangélique de l’institution de l’eucharistie : ".Jésus rend grâces, c’est-à-dire ((u’il s’adresse â son Père en forme de prière pour se l’associer dans le don qu’il va nous faire de l’eulogie vivifiante. Car toute grâce et tout don parfait descend sur nous du Père par le Fils dans le Saint-lisprit. Cet acte (du Christ) était donc pour nous-mêmes un modèle de la suppli-