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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


peut rattacher à cette icU’e l’opinion de cloni Cagin (confirmalio sacramenii ou siicrificii) et celle du P. Bouvy (manifestation eucliaristique) ; 6. Prière de l’Église en tant que ministre (Ilojjpe) ; 7. Prière d’action de grâces (Probst) ; 8. Extension rituelle du moment de la consécration pour l’édification du peuple (Bessarion).

Dans cette liste d’explications insuffisantes ou incomplètes Franz insère en plus : celle qui considère l’épiclèse comme une prière pour demander ce que l’on a déj ; obtenu par ailleurs (Bessarion) et celle qui la regarde comme une expression de la foi au changement substantiel (opinion qu’il attribue à Bossuet). Incomplètes sans doute dans la formule, ces deux explications contiennent déjà la principale part de l’interprétation totale. Il en faut dire autant de l’opinion de Franz lui-même : pour cet auteur, on le sait, l’épiclèse est le développement rituel du contenu de foi et de grâce de l’eucharistie par rapport au Saint-Esprit, à l’efîet de glorifier le Paraclet comme consécrateur et aussi comme dispensateur de toute vie de grâce. En ajoutant à ces dernières idées l’analogie de la transsubstantiation avec l’incarnation, et donc en appropriant la vertu consécratoire au Saint-Esprit sans atténuer en rien la doctrine de la coopération des trois personnes divines, on ne sera pas loin de posséder, croyons-nous, les principaux éléments de la véritable solution. Ce sont ces éléments que nous allons essayer de réunir en une rapide synthèse qui servira de conclusion à cet article.

VII. RÉSUMÉ ET CONCLUSION.

La tradition est constante à nous affirmer tout à la fois l’efficacité consécratoire des paroles du Sauveur et le fait de prières adressées par l’Église à Dieu, spécialement à l’Esprit-Saint, pour lui demander d’opérer le mystère, même après qu’ont été prononcées les paroles évangéliques. Cette double affirmation peut, à première vue, nous paraître étrange et contradictoire. Il ne faut cependant pas trop nous en étonner. A l’époque de la formation des liturgies anciennes et au temps des Pères, la méthode serrée, précise, rigoureuse, de la scolastique n’était pas encore connue. Le génie occidental, moins ami du vague, s’est acheminé à ces précisions de la doctrine sacramentaire plus directement et plus vite que le génie oriental. Encore est-il que l’un et l’autre sont demeurés un certain temps au même degré d’imprécision.

Non pas, sans doute, que la doctrine catholique sur la forme de l’eucharistie n’ait des attaches très fermes jusque dans la littérature ecclésiastique des premiers siècles : les pages précédentes auront amplement démontré le contraire. Mais les affirmations qu’on en trouve dans l’ancienne tradition, si nombreuses qu’elles soient, ne sont faites qu’en passant, et du point de vue liturgique plutôt que du point de vue théologique. II faut en dire autant, d’ailleurs, des affirmations concernant l’attribution de la transsubstantiation au Saint-Esprit et l’épiclèse. Ces témoignages, comme ceux en faveur de l’efficacité des paroles de l’institution, sont inspirés par la liturgie.

De là leur union dans les écrits ecclésiastiques aussi bien que dans la liturgie elle-même. La doctrine sacramentaire, et spécialement celle qui correspond à la théorie de la matière et de la forme, ne pouvant avoir dès le début la précision que lui a donnée peu à peu la réflexion théologique, il n’y a pas à être surpris que les Pères parlent de la consécration eucharistique comme en parlent les prières du canon de la messe, c’est-à-dire en nous en montrant successivement les divers aspects. Ces aspects peuvent se ramener à trois l)ropositions : 1° la consécration est une œuvre delà puissance divine ; en général, et, à ce titre, elle est souvent considérée comme l’œuvre de Dieu le Père ;

I 20 6116 651 l’œuvre du Christ et de ses paroles sacrées ;  : ! 30elle est spécialement l’œuvre de l’Esprit-Saint. ! Ainsi formulées, ces propositions n’ont, en soi, I rien que de conciliable entre elles : à la seule condition I de les appliquer toutes trois ensemble au même instant i où s’accomplit le mystère. Cette question de l’insj lantanéité du miracle eucharistique ne se posait I lias à l’esprit des anciens écrivains ecclésiastiques ! avec la même netteté qu’au nôtre. Quelques-uns ! l’ont entrevue parfois, tels saint Grégoire de Nysse, saint Grégoire de Nazianze et saint Jean Chrysostome, et ils ont alors mis pleinement en relief la seconde des trois propositions que nous venons d’énumérer, sans préjudice de la vérité des deux autres, La tradition antérieure reçoit ainsi par eux la précision qui lui manquait, mais elle n’en est par ailleurs aucunement modifiée.

En Orient, la précision n’alla pas plus loin. Aa contraire, il arriva que, mal aiguillée par des vues polémiques et par l’interprétation erronée d’un mot à signification très orthodoxe, le mot antilijpe, la pensée de saint Jean Damascène fit fausse route et engagea l’esprit oriental dans la voie d’une erreur demeurée inconsciente pendant des siècles, puis professée comme un dogme opposé à la croyance catholique. Tandis que le génie latin, parvenu plus directement à la pleine conscience de l’instantanéité de la transsubstantiation et de l’efficacité entière des paroles du Sauveur, éprouve le besoin de marquer de son empreinte sa théologie et sa liturgie elle-même, . l’Orient continue à s’en tenir volontiers à ses formules traditionnelles. Et le schisme étant venu depuisdès siècles éteindre en lui l’ardeur du travail théologique, il arrive souvent que ces formules traditionnelles ne sont plus exactement comprises par ceux-là précisément qui s’en prétendent les défenseurs. De là, , hi part trop grande faite par eux au rôle eucharistique de l’Ésprit-Saint et à l’épiclèse, non sans détriment grave pour les paroles de l’institution. De là, la position des dissidents orientaux par opposition à la doctrine catholique.

L’étude que nous avons poursuivie à travers les pages qui précèdent, nous permet de légitimer entièrement la croyance catholique et de concilier parfaitement entre elles les trois propositions énoncéesci-dessus. LTnité d’action des trois personnes divines dans le mystère eucharistique ; sacerdoce du Christ agissant par le ministère du prêtre qui consacre en’répétant les paroles de l’institution ; vertu transsubstantiatrice du Saint-Esprit : telles sont, en définitive, les trois idées fondamentales présentées par les liturgies et par les écrivains ecclésiastiques. La première et la troisième de ces idées sont tout naturellement exprimées par des prières ou des invocations et désignées par des termes analogues ; la seconde, tout naturellement aussi, est exprimée et réalisée à la fois par les paroles de Jésus-Christ : Ceci est mon corps…, . ceci est te calice de mon sang… ; la troisième se trouve, , non moins naturellement, traduite par l’épiclèse. Cf. Hoppe, op. cit., p. 306, 307, 318.

S’il s’agit de déterminer le moment précis de la transsubstantiation, une seule solution est possible : c’est de tenir, avec l’Église catholique, les paroles de l’institution pour la forme de l’eucharistie.

Mais si, abstraction faite de ce moment précis, onconsidère la consécration eucharistique comme une œuvre de la toute-puissance divine, commune aux trois personnes de la sainte Trinité, ainsi que toutes les œuvre^ ad e.vtra, on n’aura pas de peine à comprendre le langage des liturgies et des Pères relativement à l’ensemble de l’eucologie eucharistique.

Enfin, la théorie theologique de l’appropriation donnera la raison de la vertu transsubstantiatrice du