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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


peut pas être rapportée seulement à la sanctification morale des fidèles et à la communion, mais il faut la rattacher à l’acte même de la consécration. 3° On doit la comprendre comme une invocation du Saint-Esprit qui, à titre de concélébrant du Père et du Fils, opère avec eux la transsubstantiation au moment où le prêtre prononce les paroles évangéliques. 4° L’épiclèse est placée après ces paroles, afin de ne pas interrompre l’exacte reproduction de la cène du Sauveur. Placée avant, elle réduirait trop au rôle secondaire les paroles de l’institution. D’autre part, une épiclèse concomitante n’est pas possible. Elle suit donc, comme une explication de l’acte déjà accompli. C’est ainsi que, dans les livres liturgiques, le cas n’est pas rare où l’Église revient à ce qui a déjà eu lieu et demande la production de tel effet comme s’il n’était pas déjà obtenu. Cette loi liturgique se justifie d’autant mieux ici, que son application met en relief l’ordre logique des trois personnes divines entre elles et dans l’économie du salut, et qu’elle établit aussi le rapport naturel entre la consécration et la communion.

Nous venons de dire qu’une épiclèse concomitante n’est pas possible. On en a cependant conjecturé un cas. D’après une hypothèse de Mgr de Watû, Archœologische Erôrterunfjen zii einigen Sliïcken irn Canon dcr heiligen Messe. IV, Die Epiklesis, dans Dcr Katholik, mai 1896, l’Église romaine aurait trouvé le moyen de réaliser, entre l’épiclèse et les paroles consécratrices, cette union intime qui existe évidemment entre l’action du Fils et l’opération du Saint-Esprit dans la transsubstantiation. Ce moyen aurait été l’imposition des mains sur les oblations. Aujourd’hui ce geste liturgique, dont on sait la très haute signification en matière sacramentelle, précède la consécration, puisque la rubrique l’indique à l’oraison Ilanc igitur. Il n’en aurait pas été de même primitivement, au dire du savant archéologue..u moment où l’évêque prononçait les paroles consécratriccs, dit-il, les prêtres concélébrants étendaient les mains sur l’oblation, comme à l’ordination sacerdotale. L’imposition des mains à la messe n’est |ilus maintenant qu’une épiclèse muette ; autrefois il (knait s’y joindre une prière d’invocation implorant la sanctification des éléments par le Saint-Esprit, au même instant où les paroles du Christ prononcées par révêquc opéraicnt cette sanctification..Mgr de Waal confirme cette hypotiièse par la disposition du presbijlciium dans certaines églises anciennes de Rome. « Cette considération, dit le P. Le Bachelet, Consécration et épiclèse, dans les Études, 1808, t. lxxv, p. 482, a son intérêt historique.’raie de tout point, elle mettrait encore plus en évidence le rôle attribué primitivement à la coopération du Saint-t- : sprit dans la conversion eucharistique..Mgr de Waal rappelle à ce sujet plusieurs textes fort explicites (k’s Pères occidentaux. l- ; ile pourrait même contribuer à mieux expliquer pourquoi et dans quel sens ces Pères ont pu désigner la consécration par l’invocation du Saintllsprit aussi bien que par les paroles sacramentelles, puisque dans cette supposition les deux ne feraient qu’un seul et même tout moral. »

Il n’est pas besoin de cette hypothèse, nous l’avons vu, pour admettre " ce même tout moral « qui suffit, en somme, à tout expliquer. Il suflll de s’en tenir aux données très fermes de la tradition, telles que nous les avons présentées. Afin de laisser le lecteur sous l’impression que c’est bien de la tradition authentique que vient la solution que nous avons essayé d’exposer, rappelons, en terminant, les principales formules qui en marquent les principales étapes..u xii'e siècle, Denys liar Sallbi nous donne, en ré.ililé, cette explication, quand il écrit que le Christ, à l’autel, accom plit la transsubstantiation au moment des paroles de l’institution, par la volonté du Père et l’opération du Saint-Esprit, par l’intermédiaire du prêtre qui fait les gestes sacrés et profère les paroles. Au ixe siècle, ’Paschase Radbert nous fournit une fornmle également synthétique en affirmant que c’est le Christ qui, par le Saint-Esprit, per Spirituni Sandum, opère la consécration ; que le mystère s’accomplit virtute Spirilus Sancti per verbum Christi, ou encore, par une interversion qui est ici extrêmement significative, (/ ! verbo (Christi) el virtute Spirilus Sancti. Dans la première moitié du vii<’siècle, Jean le Sabaïte, auteur de la Vie grecque de Barlaam et Joasaph, nous offre une autre formule qui a, en outre, l’avantage d’exprimer aussi l’action signilicatrice sur les comnmniants : ’< C’est donc le Verbe lui-même, vivant et agissant, et qui opère tout par sa puissance, c’est lui qui fait et change, par la divine énergie, le pain et le vin de l’oblation en son corps et en son sang, par la descente du Saint-Esprit, pour la sanctification et l’illumination de ceux qui le reçoivent avec ferveur. » Et ces diverses formules vont rejoindre, à travers certaines imprécisions, les déclarations de saint Ambroise et de saint Jean Chrysostome ; puis, plus haut encore, les expressions un peu plus vagues des grands docteurs cappadociens, de saint Cyrille de Jérusalem et d’Origènc ; enfin les indications de saint Justin, qui rattachent toute la tradition à son point de départ apostolique.

Ce qui ressort, en dernière analyse, de l’ensemble des documents, c’est que les paroles du Christ consacrent, tandis que l’épiclèse nous dit le comment de cette consécration, en expliquant que ce n’est pas une œuvre humaine, mais une œuvre divine, une œuvre du Saint-Esprit. Voir, à ce sujet, le parallèle établi par saint Jean Damascène entre le Quomodo fiel islud de l’incarnation et l’épiclèse eucliaristique, De pde orlhodoxa, I. IV, c. xiii, P. G., l. xciv, col. 1140-1145, et que nous avons cité plus haut, col. 249.

En réalité, nous pouvons conclure, à la suite de Hoppe, op. cit., p. 334, en déclarant aux Orientaux : entendue comme nous croyons qu’elle doit l’être et comme nous avons essayé de le dire, l’épiclèse, au lieu de nous diviser, nous unit. l- ; ile nous unit dans la tradition catholique dont nous avons vu l’identité à travers les siècles, tant en Orient qu’en Occident. Et nous pouvons terminer cette étude par la phrase suivante empruntée à Photius, qui l’écrivait précisément à propos de l’eucharistie, Epist., I. I, episl. ii, Xicolan papw, P. (i., t. en. col. 608 : « Les diversités liturgiques n’empêchent pas, de part et d’autre, la ver-tu déilianle du Saint-I-’spril. »

Tous les cours do théologie qui font une place à la théologie positive et à l’iiistoire du dogme, parlent de l’épiclèse au chapitre do la forme do roucharistio. Do même, dans les anciennes onoyclopodios ecclésiastiques, c’est h l’article Eucharistie ou à Cnitsécntlion que l’on pourra trouver la question traitée, parfois avec assez, de détail. Ainsi l’étude insérée l’i ce sujet dans l’édition que Migne a donnée de la Prompla liililiothcca de l’crraris est une dos meilleures qui aient été publiées. On y trouvera lui bon résumé de la question, ’avec nombre d’iixlioations utiles et de roféroncos, relativement surtout aux anciens tlic<ilogions. l’crraris. Promptn bihliitlhccn, Paris, .Migne, 1865, V Emliiirisliu, t. iii, col. 788- « 0(>. l’arnii les théologiens plus récents, mentionnons spécialement.Sclianz, Die I.clire l’on drn heiligen Sahraineitleii der kiilliol. Kirclie, I"ribourg-en-Hrisgau. ISiH), p..’{8.S-.’$ ! » 7. comme viii dos plus clairs et tlos plus précis sur la cpiostion do l’épiclèse.

De même, les liturgistes traitent « piciquefois assez longuement lo sujet dans lours commentaires sur les paroles de la consécration et la fornnde (l’épiclèse. Mentionnons ici les principaux : (loar, V.’j/r, ’i. ;  ; > ;, sive liitiitile (irseconim, Paris, Hil7, p. IIO-ll." ? ; Marlénc, bn aiiliquis Ecriai » ’rilihiis, I. (. c. IV, a. S, n. l ! t-2’J : 2- édit.. Anvers. 17. » (i, t. I, col. tOlt-ll ( ; Henaudot et Le IJrun seront cités plus