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EPIKIE — EPILEPSIE


l’appliquer dans les bornes permises, c’est, suivant un mot fameux, sortir de la légalité pour rentrer dans le droit. Aussi saint Thomas, Sum. theol.. IIa-IIæ » , q. cxx, a. 2 ad 1°™ et 2°" !  ; In V Elhic, Icct. xvi, re-J 3rend-il à son compte le mot d’Aristote : l’épikie, c’est de la justice supérieure à la justice légale, si on entend par celle-ci l’obéissance aux mots.

Mais en inême temps que les docteurs chrétiens, plus soucieux qu’on ne le pense de sauvegarder les droits de la conscience et de la liberté, proclament ce principe, ils en énoncent les conditions. 1° La première qu’il est à peine besoin d’indiquer, c’est la sincérité el la bonne foi. Autrement, cette arme au maniement si délicat se fausserait vite, pour le plus grand dommage de la loi et des consciences mêmes qu’elle doit libérer. Aussi, comme il est difiîcile d’être bon juge dans sa propre cause, pour éviter de se laisser inconsciemment impressionner par les difiîcultés inhérentes à toute loi, il est bon de ne rien décider, avant d’avoir consulté, si on le peut, un homme instruit et de jugement sûr. D’Annibale, Zoc. cil. C’est ce que Suarez résume dans ces mots : Epikia est actiis doclrinæ et pnidentiiP. D’legibus, 1. VI, c. x, n. 1. — 2° Du fait que la prudence s’impose, il résulte qu’on ne doit user d’épikie que si l’on est sûr ou à peu près sûr d’en avoir le droit. On acquerra cette certitude pratique, soit simplement par l’étude du cas spécial, soit en consultant les règles détaillées de la théologie morale, les solutions des casuistes ou les décisions de la jurisprudence sur des cas analogues. Si un doute subsista et qu’on puisse facilement recourir au législateur ou à son représentant, la prudence et la bonne foi exigent de le faire.

Tous les théologiens moralistes parlent de l’épikie, dans le traité des lois : S. Thomas, Sum. ttieol, l’II’, q. xcvi, a. 6 ; II » II’, q. cxx, a. 1, 2 ; q. cXLVii, a. 4 ; In V Elhic, lect. XVI ;.Suarez, De leç/ibiis, I. II, c. xvi ; l.VI, c.vii ; Lelimkuhl, t. i, n. 106, 150 ; Génicot, t. i, n. lU ; Marc, t. I, n. 173-174 ; Noldin, t. i, n. 144 ; Bouquillon, Theologia moralis liindaïuenlalis, n. 172.

L. GODEFIiOY.

    1. EPILEPSIE##


EPILEPSIE. On donne le nom d’épilepsie (haut mal, mal caduc) à une névrose cérébrale chronique, parfois héréditaire, plus ou moins périodique, caractérisée par des attaques convulsives, quelquefois précédées de signes avant-coureurs, durant lesciuelles le malade est privé de connaissance et de sensibilité. L’épilepsie est un empêchement aux ordres, inclus ordinairement dans la série des irrégularités rx defectu.

Le titre d’irrégularité proprement dite ne lui est infhgé par aucun texte législatif, car le c. Cnnimuni/er, dist. XXXI II, que Gratien attribue au pape Pie 1% et qui appartient, en réalité, au XI" concile de Tolède (67.’)), ne vise, comme le can. 29 du concile d’Elvire auquel il se réfère, que l’encrgumeniis, qui nh erratico spiritu cxagilatur, à moins de dire que l’épilepsie était alors considérée comme une conséquence de la possession diabolifiue. Les premières fois qu’il est vraiment question d’épilepsie dans la littérature canonique, il s’agit de crises survenant après la réception des ordres. Ainsi en est-il dans le c. Nitprr, caus. VH, q. II. Des clercs ayant interdit à leur évêquc la célébration de la messe sous le prétexte d’accidents épileptiques, ne scandalum fidclihiis vidrreliir ingerere, et Ecclesiam Dei… hoc o/fensionc turbare, l’évêque vint à Rome se plaindre du procédé au pape Gélase et protester qu’il n’avait jamais en d’accidents de ce Uenre. Le pape répondit en ordonnant une enquête sérieuse, car c’était à ses yeux chose importante ; mais il n’invoque ni ne crée aucune loi : il donne une solution de prudence : si l’évêque a subi, en effet, des accidents de ce genre, on continuera de lui interdire la célébration de la messe ; ainsi l’exige le respect dû à

Dieu. Ce sont les mêmes sentiments qui inspirent une décrétale d’Alexandre II (1061-I073), insérée aussi au Décret de Gratien, ibid., c. i, en vue d’un cas analogue : il s’agissait d’un prêtre qui souffrait d’accidents épileptiques ; le pape conseille, si les attaques sont fréquentes, d’interdire absolument à ce prêtre de célébrer la messe, non parce qu’une loi le décide, mais pour des motifs de décence commune et de respect pour la sainte eucharistie : Indeccns enim est et pcriculosum, ut in consecrationc eucharistise morbo l’ictus epileptico cadat. La glose sur ces divers passages ne mentionne pas davantage de prescriptions légales ; tout au plus impose-t-elle, comme mesure de prudence, en cas d’épilepsie bien caractérisée, d’exiger le laps d’une année sans accidents, et ce jiar analogie avec les exigences du c. Conimuniter, avant de permettre de nouveau la célébration des saints mystères.

A son tour, le titre De corpore vitiatis, i, 20, dans les Décrétâtes de Grégoire IX, ne contient rien concernant directement l’épilepsie.

Cependant, dans une lettre à Palladius, évêque de Suhnona, le pape Gélase avait énoncé un principe d’où devait nécessairement sortir la prohibition d’accepter aux ordres les épileptiques comme les autres infirmes de même genre : Pnecepta canonum… non patinntnr venire ad saccrdotiuin débiles corpore. De plus, puisqu’on interdisait aux épileptiques déjà ordonnés la célébration de la messe, il était logique d’interdire l’accès aux ordres à ceux qui avaient subi des accidents de ce genre. Ce fut le principe duquel s’inspira la pratique et qui aboutit à la création par la coutume de c ?tte irrégularité.. quelle époque remonte cette coutume, c’est ce qu’il paraît impossible de préciser dans l’état actuel de nos connaissances.

Au point de vue de l’irrégularité, il faut distinguer entre l’épilepsie dont les accidents premiers sont antérieurs à la puberté et ont cessé, depuis, pendant plusieurs années, et celle dont les accidents se sont produits seulement après la puberté, surtout s’ils ne se sont présentés qu’après l’âge de 25 ans. Dans le premier cas, si les accidents ne se sont pas reproduits depuis plusieurs années, le sujet n’est pas considéré conmie épileptique, ni, par suite, comme irrégulier. Dans le second cas, surtout lorscjue les premiers accidents épileptiques se sont produits après l’âge de 25 ans, l’irrégularité paraît indubitable, et la dispensc nécessaire. Selon le théologien La Croix, de son temps, en Flandre, on ordonnait sans difficulté ceux qui depuis deux ans n’avaient présenté aucun accès ; Schmalzgrueber, au contraire, témoigne, sur le tit. De corpore vitiatis, n. II, d’une discipline plus sévère, et à bon droit, car, dit-il, même délivrés on n’est jamais sûr de leur guérison.

Il semble que les tendances sévères l’emportaient aussi à la S. C. du Concile : elle était en général assez exigeante pour accorder la dispense, ainsi que l’on peut s’en convaincre en parcourant la liste des demandes présentées. Cf. en particulier les causes du 25 janvier 180(i, l-’nligno ; Rieti, M mai I83I ; Trêves, 27 janvier ISOfi et II juin I8f.8 ; 28 janvier et 20 juillet 1878 ; 20 janvier 1881 ; 2 juin 1883 et 10 mai 1884, pour Pavie ; 12 septembre 1890, pour Venise ; Il août 1900, pour Nancy ; 20 août 1905, pour Lyon ; 27 juin 1908, pour Aci-Heale, etc. Dans tous les cas on exige que les accès ne se soient pas produits depuis un temps qui dépasse une année, et que les médecins attestent une guérison en très bonne voie.

S’il s’agit d’épilepsie survenant après l’ordination à la prêtrise, ri’; glise interdit au malade la célébration (le la messe et ne lui rend la liberté de célébrer qu’après attestation des médecins que les accès ont cessé et ne paraissent plus à craindre.

Les motifs de dispense lulmis par la S. C. du Con-