Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

419

ÉRIGÉNE

420

et en Dieu qu’il retournera, 1. V, c. iii-vii, col. 865876. Les étapes de ce retour seront les suivantes : la ciissohUion du corps matériel, sa résurrection, sa transligiiratiou en un corps spirituel, le retour de l’homme dans les causes premières, le mouvement de la nature humaine et des causes premières en Dieu, erit cnim Dciis omnia in omnibus, qiiando nihil erit nisi soins Deiis — ce qui ne veut pas dire que la substance des choses créées périra, mais qu’elle sera changée en mieux, par son retour inefïable à son état primitif : car, si omne quod pure intelligit efficitur unum cum co quod inlclligitur, qiiid miruni si nosira natura, quando Deum facie ad faciem (contemplaiura sit, in his qui digni sunt, quantum ei datur conicmplari, in nubibus ilieoriæ. ascensura, unum cum ipso et in ipso fieri possit ? 1. V, c. VIII, col. 876. Ce retour de la création en Dieu devait se faire par le moyen de l’homme ; en péchant, l’homme est devenu incapable de remplir son rôle de médiateur, de sauveur. Mais le Christ vient prendre sa place ; Dieu revêtu de la nature humaine, il ramènera à Dieu et l’humanité et la création tout entière qui est enfermée dans l’homme, 1. IV, c. XX, col. 836. — b) L’œuvre du Christ. — La doctrine rédemptrice d’Ériugène est une des parties les meilleures de sa théologie. Ce serait aller un peu loin que de dire, avec J. Rivière, Le dogme de la rédemption, Paris, 1905, p. 287, qu’elle « n’est pas viciée par l’hétérodoxie trop fréquente de l’auteur ; » cf. les réserves d’E. Bquonaiuti ], dans Rivista slorico-crilica délie seienze teologiche, Rome, 1908, t. iv, p. 148, note 1, qui signale les attachesde cette doctrine avec la théorie de laréinté-gration finale de tous les hommes. Mais il est incontestable que la sotériologie ériugéniste « présente, tant dans sa conception que dans son développement, un caractère de puissance et de grandeur trop rares parmi ses contemporains, » Rivière, p. 287 ; cf., p. 448-449, les vues d’Ériugène dans la question des droits du démon. — c) L’eucharistie. — Le sommeil d’Adam et la création d’Eve sont, pour Ériugène, comme pour saint Augustin, l’image de la mort du Christ et de la naissance de l’Église : mortuo Christo percutiiur talus ut profluant sacramenta quibus formatur Ecclesia, sanguis enim est in consccralionem calicis, aqua vero in consccrationem baptismatis, 1. IV, c. xx, col. 836. Si nous possédions son écrit sur l’eucharistie, nous saurions la manière dont il entendait cette consecrcdio calicis. Les quelques passages de ses œuvres qui se réfèrent à l’eucharistie, Exposit. sup. Hicrarchiam cseksient, c. i ; Comment, in Evang. sec. Joannf iii, fragm. i ; De divisione naturie, 1. V, c. xx, xxxviii, col. 140, 311, 894, 993, et que S. M. Deutsch, Realencijklopâdie, t. xviii, p. 88, considère comme exprimant une présence purement symbolique du Christ dans l’eucharistie, « conformément à la manière de voir de l’Aréopagite, » ne sont peut-être pas aussi nets et probants que cela. Celui qui est le plus conforme à la manière de voir de l’Aréopagite, col. 140 ; cf. la note de Floss, col. 141-142, montre que Scot voit dans l’eucharistie plus qu’un mémorial, plus qu’un symbole, puisqu’il dit : inque nostræ naturse interiora viscera sumimus ad noslram salutem, et spirituale incrementum, et incffabilem deificationcm. Au besoin, les autres passages pourraient s’entendre bien, dans le sens indiqué par Floss, p. xxii. Voir aussi t. ii, col. 73.5, et tenir compte des textes cités par J. Bach, Die Dogmengeschichte des Mittelalters, t. i, p. 311. L’ubiquité même que Jean Scot prête au corps glorifié du Christ, De divisione naturie, 1. V, c. xxxviii, col. 992, 994, ne serait pas un obstacle absolu à la présence réelle, puisqu’il admet que, à l’instar des anges qui, tout en n’ayant pas des corps matériels mais spirituels, apparaissent aux sens humains, nec tamen phantastice sed veraciter, le corps glorifié du

Christ, non plus matériel mais spirituel, put apparaître véritablement aux apôtres après la résurrection, étant le même corps qui était né de Marie et avait souffert sur la croix, mais de mortel devenu immortel, d’animal spirituel et de terrestre céleste. Toutefois, la phrase d’Hincinar contre la doctrine eucharistique de Scot, le traité d’Adrevald contre ses « inepties » — selon la remarque de J. Schwane, Dogmengeschichte, t. iii, Dogmengeschichte der mittlcren Zcil, Fribourg-en-Brisgau, 1882, p. 633 ; trad. A. Degert, Paris, 1903, t. v, p. 468, Adrevald attache une particulière importance à ce que ceux qui communient indignement reçoivent également le corps du Christ — le rôle qu’on lui attribue dans la controverse bérengarienne, obligent à admettre que l’enseignement de Scot sur l’eucharistie ne fut pas irréprochable et que, tout au moins, il se servit de formules ambiguës et dangereuses. — d) La prédestination. — Scot ne touche guère à la prédesthiation dans le De divisione naturie. Le traité que, à la demande d’Hincmar, il consacra à cette question, s’insère aisément dans le système que le De divisione naturæ développe. Gotescale avait admis une double prédestination des élus au bonheur éternel et des réprouvés à la damnation. Ce fut le point de départ de discussions où s’engagèrent presque tous les théologiens du temps. Jean Scot chercha le principe de solution de la controverse dans la distinction entre la théologie négative et la théologie affirmative, n A tous ces esprits confiants aveuglément dans leurs formules)> il venait dire, « avec les néoplatoniciens, que tous les vocables que nous employons eti parlant de Dieu n’ont forcément qu’une valeur métaphorique. .. Si donc le langage humain est obligé de parler de prescience et ensuite de prédestination, ce ne sont pourtant pas deux actions distinctes dans la réalité de Dieu, et finalement la prédestination, c’est Dieu même. » G. Brunhes, La foi chrétienne et la philosophie autemps de la renaissance carolingienne, p. 155. Le langage autorise à dire que la prescience divine embrasse les biens et les maux, tandis que la prédestination ne s’étend qu’aux biens. Mais c’est là une pure manière de parler ; prescience et prédestination s’identifient avec la substance divine une. Il n’y a donc qu’une prédestination, rien ne pouvant être double en Dieu, et c’est la prédestination des justes. Il ne saurait y avoir une prédestination ad pœnam ; pas plus que le péché, qui est une simple négation, la peine du péché n’est quelque chose de réellement existant ; c’est simplement le déplaisir du pécheur qui n’a pu atteindre son but, l’absence de la béatitude ardemment désirée, mais en vain. Le péché se punit lui-même ; le pécheur se prépare lui-même sa misère. Si Ériugène a le mérite de maintenir, contre Gotescalc, que Dieu veut le salut de tous, qu’il ne prédestine pas les réprouvés au châtiment sans qu’il y ait de leur faute, que le péché provient de la liberté de l’homme, il a le tort de rejeter toute distinction virtuelle entre les attributs divins et de ne pas reconnaître que le péché peut être prévu par Dieu et le châtiment du péché prévu et prédestiné, que la peine, tout en ayant un caractère négatif en tant que privation de Dieu, est formellement la manifestation de la justice divine. Çà et là, dans ce traite, pointent d’autres erreurs qui s’épanouiront en frondaisons luxuriantes dans le De divisione naturæ. Il est faux cependant, quoi qu’on en ait dit, cf., par exemple, Saint-René Taillandier, Scot Érigène, p. 52, qu’il y affirme la fin des peines de l’enfer. Il déclare, au contraire, qu’elles seront éternelles, et les fait consister dans l’absence de la béatitude, et dans le tourment du feu, qui ne sera autre que le feu qui est le quatrième élément dumonde, itavidelicctulidemipseignisomnibus corporibus fiai gloria que damnandis animabus intrinse-