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ENDURCISSEMENT


jamais entièrement refuse à aucun liomme. « L. I, c. XXI, P. L., t. M, col. 674. « Ces bienfaits, alors même qu’ils n’ont procuré aux pécheurs endurcis aucun remède pour leur conversion, prouvent cependant que leur endurcissement ne doit pas être imputé à la volonté divine, mais à leur volonté propre. » L. II, c. xiii, P. L., t. M, col. 698.

Au témoignage des Pères de l’Église s’ajoute celui des théologiens ; il suiïira de citer saint Thomas, le prince de la théologie. « C’est une erreur de soutenir qu’il puisse se trouver en cette vie un seul péché dont on ne puisse se repentir. D’abord parce cjue cela serait la négation du libre arbitre, ensuite parce que cela détruirait la vertu de la grâce qui peut exciter des sentiments de pénitence dans le cœur de tout pécheur, quel qu’il soit. Siim. iheoL, 111% q. i.xxxvi, a. 1. » Il est manifeste que l’homme n’est jamais tellement obstiné dans le mal qu’il ne puisse coopérer à son relèvement. La passion, en etïet. peut être brisée et réformée, les mauvaises habitudes ne corrompent jamais totalement le cœur, la raison n’adhère jamais à l’erreur avec une pertinacité telle qu’elle ne puisse s’en déprendre par une étude appropriée. » Qusest. (lisp. De vcritate, q. xxiv, a. 11. Donc si, dans le cœur du pécheur endurci, « les mouvements vers le bien sont affaiblis, » il n’en demeure pas moins » qu’il pcuty donner son consentement s’il le veut. »

Sans doute, on trouve parfois dans les écrits des Pères des expressions de ce genre : « l’homme peut tomber dans le péché par manque de grâce ; » mais il s’agit — et le contexte l’indique — de la grâce efficace, d’une grâce abondante, de celle que l’auteur inconnu du De vocationc (jentium appelle misericonliam specialeni par opposition à henigniUilem generalem, c’est-à-dire la grâce suffisante, que Dieu ne refuse â personne, !. II, c.xxv, xxxi, P.L., . i.t, col. 7 10 sq., 716.

Aryumenls de raison théologique.

1. Dieu veut,

d’une volonté positive et agissante, le salut de tous les hommes. I Tim., ii, 4 sq. Or, s’il excluait le pécheur endurci de toute grâce, même de 1.’. grâce médiatement suffisante, il n’aurait plus cette volonté positive et agissante de sauver tous les hommes. De cette volonté salvi tique universelle de Dieu, il suit que Dieu veut que nous priions pour tous les hommes sans exclure personne, il suit encore que Dieu accorde à tout homme, et donc au pécheur endurci, ’a vrâce de la prière. C’est ce que remarque saint Augustin : Il reste toujours au pécheur la volonté de prier, volonté qui est un fruit de la grâce. Relract., 1. I, c. xv, n. 1, P. L., t. xxxii, col. 609.

2. C’est pour le pécheur une obligation grave de faire pénitence, de se convertir, de revenir à Dieu. L’ficriture sainte est pleine des exhortations que Dieu fait au pécheur de se convertir. Il suffit (U’lire les textes cités plus haut. D’autre part, nous savons par la condamnation de l’Iiérésie de Pelage que, sans le secoiu-s de la grâce surnaturelle, l’homme est incapable d’opérer sa conversion salutaire. Il ne peut donc se faire que le pécheur endurci se lroue privé de foute grâce, il ne saurait être responsable de ce triste état et jus ticiabic de la colère divine, s’il n’avait pas le pouvoir de se convertir, et ce pouvoir "-uppose la grâce.

3. I, ’Église oblige tous les pécheurs sans exception à confesser une fois l’an leurs péchés et à recevoir la sainte eucharistie. Mais le pécheur, pour recevoir ces deux sacrements, doit préalablement cflecluer une conversion sincère, se repentir de ses pécliés et revenir à Dieu. Tout cela postule le secours divin et le coin mandement de l’Kglise, sous peine d’être impie et sacrilège, suppose donc que le pécheur endurci n’est pas privé de toute grâce.

IV. On.iF.f ; TioNS. — Contre la doctrine catholique que nous avons exposée JuscpTà présent, on proposc

un certain nombre d’objections tirées de la sainte Écriture et de saint Augustin. Voici les principales :

Écrilure sainte.

1. Exod., x, 1 : « Dieu dit : j’ai

endurci le cœur de Pharaon et des Égyptiens, afin de faire des miracles sur eux et d’apprendre aux Israélites fjue je suis le Seigneur. » C’est le propre non seulement de l’hébreu, mais de toutes les langues, d’exprimer comme cause ce qui n’est qu.’occasion. On dit d’un homme qui déplaît qu’il donne de l’humeur, qu’il fait enrager ; d’un père trop indulgent qu’il pervertit et perd ses enfants ; souvent c’est contre leur intention ; ils n’en sont donc pas la cause, mais seulement l’occasion, de mênie les miracles de ÎMoïse et les plaies d’Égyjîte étaient Voceasion et non la cause de l’endurcissement de Pharaon. La patience de Dieu produit souvent le même effet sur les pécheurs, Dieu le prévoit, le prédit, le leur reproche ; ce n’est donc pas lui qui est la cause directe. Il pourrait l’empêcher sans doute, mais l’excès de leur malice n’est pas un titre pour engager Dieu à leur donner des grâces plus fortes et plus abondantes. Il les laisse donc s’endurcir, il ne les en empêclie point, c’est tout ce cjuc signifie l’expression endurcir les pécheurs.

C’est dans le même sens qu’il est dit, dans les Livres saints et dans les écrits des Pères, que Dieu abandonne les pécheurs, qu’il délaisse les nations infidèles, qu’il livre les impics à leur sens réprouvé, etc. Cela ne signifie point que Dieu les prive absolument de toute grâce, mais qu’il ne leur en accorde pas autant qu’aux justes ; qu’il ne leur donne pas autant de secours qu’il l’a fait autrefois, ou qu’il ne leur donne jias des grâces aussi fortes qu’il le faudrait pour vaincre cflicaccnient leur obstination.

En effet, c’est un usage, commun dans toutes les langues, d’exprimer en termes absolus ce qui n’est vrai que par comparaison. Ainsi, lorscpi’un père ne veille plus avec autant de soin qu’il le faisait autrefois, ou qu’il le faudrait, sur la conduite de son fils, on dit qu’il l’abandonne, qu’il le livre à lui-même ; s’il témoigne à l’aîné plus d’affection qu’au cadet, on dit que celui-ci est délaissé, négligé, pris en aversion, etc. Ces façons de parler ne sont jamais absolues, mais personne n’y est trompé, parce que le sens relatif est consacré par l’usage. On doit raisonner de même sur les textes où il est dit que Dieu areuf/le les pécheurs, puisque l’Écriture nous enseigne qu’ils sont aveuglés par leur propre malice. Sap., ii, 21. « Dieu, dit encore saint Augustin, aveugle et endurcit les pécheurs en les abandonnant, et en ne les secourant pas. » In Joa., tr. LUI. n. 6, P. /, ., t. xxxv, col. 1776. Or, nous venons de voir en quel sens Dieu les abandonne et ne les secourt pas.

2. Mais il y a quelques uns de ces passages qui mcrileiit une attention particulière. Dans Isa’ie, vi. 9, Dieu dit au prophète : Va et dis â ce peuple : Écoutez et n’entendez pas, voyez et gardez-vous de connaître. Aveugle le cœur de ce peuple, appesantis ses oreilles et ferme lui les yeux de peur qu’il ne voie, n’ententle, ne comprenne et ne se convertisse et que je ne le guérisse.’Isaïe n’avait certainement pas le pouvoir de rendre les Juifs sourds et aveugles ; mais Dieu lui ordonnait de leur reprocher leur endurcissement et de leur prédire ce qui arriverait..Mnsi. apenqlr ce peuple signifie sinqilement : dis-lui et reproche-lui qu’il est aveugle.

L’Évangile fait plus d’une fois allusion à cette prophétie. Dans saint Matthieu, xiii, 13..lésus-Christ dit des.Juifs : -.le leur parle en paraboles, iiarce qu’ils regardent et ne voient pas, ils écoutent et ils n’entendent ni ne comprennent pas. Ainsi s’accomplit en eux la prophétie d’Isa’ie qui a dit : Vous écoutercx cl n’entendrez pas, etc. En effet, le cœur de ce peuple est appesanti. Ils écoutent grossièrement, Ils ferment