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ENDURCISSEMENT


les yeux de peur de voir, d’entendre, de comprendre, de se convertir et d’être guéris. » Dans saint Marc, IV, 12, le Sauveur dit à ses disciples : « Il vous est donné de connaître les mystères du royaume de Dieu ; mais pour ceux qui sont dehors, tout se passe en paraboles, afin que voyant ils ne voient pas, qu’écoutant ils n’entendent pas, qu’ils ne se convertissent pas et que leurs péchés ne leur soient pas remis. »

Dans saint Jean, xii, 39, il est dit des Juifs que, malgré la grandeur et la multitude des miracles de Jésus-Christ, « ils ne pouvaient pas croire, parce qu’lsaïe a dit : il a aveuglé leurs yeux et endurci leur cœur, de peur qu’ils ne voient, n’entendent, ne se convertissent et que je ne les guérisse. » Saint Paul applique encore aux Juifs cette prophétie. Act., xviii, 25 ; Rom., xi, 8.

Il suffit de comparer ces divers passages pour en comprendre le vrai sens ; saint Matthieu s’est exprimé d’une manière qui ne fait aucune difficulté ; mais, comme le texte de saint Marc paraît plus obscur, les incrédules s’y sont attachés, et ils en concluent que Jésus-Christ parlait exprès en paraboles, afin que les Juifs n’y entendissent rien et refusassent de se convertir.

a) Il est clair qu’au lieu de lue dans le texte afin que, il faut traduire : de manière que : c’est la signification très ordinaire du grec îva et du latin ut et cette traduction fait déjà disparaître la plus grande difficulté. « Pour ceux qui sont dehors tout se passe en paraboles, de manière que, voyant, ils ne voient pas, etc. » C’est précisément le même sens que dans saint Matthieu.

b) Il n’est pas moins évident que des paraboles, c’est-à-dire des comparaisons sensibles, des apologues, des façons de parler populaires et proverbiales, étaient la manière d’instruire le plus à la portée du peuple, et la plus capable d’exciter son attention : non seulement c’était le goût de la méthode des anciens, et surtout des Orientaux, mais c’est encore aujourd’hui le genre d’instruction que le peuple saisit le mieux. Ce serait donc une absurdité de supposer que Jésus-Christ s’en servait, afin de n’être ni écouté, ni entendu.

c) Pourquoi était-il donné aux apôtres de connaître les mystères du royaume de Dieu, et pourquoi cela n’était-il pas accordé de même au commun des Juifs ? Parce que les apôtres interrogeaient leur Maître en particulier, afin d’apprendre de lui le vrai sens des paraboles ; l’Évangile leur rend ce témoignage. Les Juifs, au contraire, s’en tenaient à l’écorce du discours, et ne se souciaient pas d’en savoir davantage. Loin de chercher à se mieux instruire, ils fermaient les yeux, ils se bouchaient les oreilles, ]iarce qu’ils refusaient de se convertir. Tout se passait donc en paraboles, à leur égard ; ils se bornaient là et n’allaient pas plus loin, de manière qu’ils écoutaient sans rien comprendre, etc. C’était donc un juste reproche que Jésus-Christ leur faisait, et non une tournure malicieuse dont il usait à leur égard. Cf. P. Lagrange, Évangile selon saint Marc, Paris, 1911, p. 95-103.

Mais saint Jean dit qu’ils ne pouvaient pas se convertir.’< Si l’on me demande, dit à ce sujet saint Augustin, pourquoi ils ne le jiouvaient pas, je rciionds d’abord, parce qu’ils ne le voulaient pas. » In Jou., tr. LIlI, n.6, P.L., t.xxxv, col.l77r).En effet, lorsque Tious parlons d’un homme qui a beaucoup de répugnance à faire une chose, nous disons qu’il ne peut pas s’y résoudre, cela ne signifie point qu’il n’en a pas le pouvoir.

A la vérité, saint Jean semble attribuer cette incrédulité à Dieu lui-même : // a aveuglé leurs ijcuxel endurci leur eo’ur, etc. Mais cet évangéliste savait que le passage d’isaïc était très connu, qu’il n’était |ias nécessaire de copier servilement la lettre, pour en

faire prendre le sens. Or, nous avons vu que dans ce prophète, aveugle ce peuple, signifie : déclare-lui qu’il est aveugle et reproche-lui son aveuglement.

On expliquera de la [même manière Amos, i, 3 ; Heb., XII, 19 ; Il Mach., ’ix, 13.

Saint Augustin.

1. A la vérité, saint Augustin

répète en plusieurs endroits que Dieu a voulu l’endurcissement des pécheurs, mais, par là, il entend que Dieu l’a permis, ne l’a pas empêché. Il dit que Pharaon s’endurcit lui-même, et que la patience de Dieu en fut l’occasion. Liber de gratta et libéra arbitrio, n. 45, P. L., t. xliv, col. 906 ; Serm., lvii, n. 8, P. L., t. xxxviii, col. 390 ; In ps. civ, n. 17, col. 1398. « Dieu, dit-il, endurcit, non en donnant de la malice au pécheur, mais en ne lui faisant pas miséricorde. EpisU, cxciv, ad Sexlum, c. iii, n. 1, P. L., t. xxxiii, col. 871. » Ce n’est donc pas qu’il lui donne ce qui le rend plus méchant, mais c’est qu’il ne lui donne pas ce qui le rend meilleur. Ad Simplicianum, q. ii, n. 15, P. L., t. XL, col. 119. « C’est-à-dire une grâce aussi forte qu’il la faudrait pour vaincre son obstination dans le mal. » In Joa., tr. LUI, n.G sq., P. L., t. xxxv, col. 1776.

En cela même consiste l’acte de puisscmce que Dieu exerce pour lors ; cette puissance ne brille nulle part avec plus d’éclat que dans la distribution qu’elle fait de ses grâces en telle mesure qu’il lui plaît. « Pelage, dit-il, nous répondra peut-être que Dieu ne force personne au mal, mais qu’il abandonne seulement ceux qui le méritent, et il aura raison. » De natura et gratia, c. xxiii, n. 25, P. /-., t. xliv, col. 259. C’est par ces passages qu’il faut expliquer ce qui paraîtrait plus dur dans d’autres endroits des ouvrages de ce Père. Lorsqu’on olijecte à saint Prosper que, selon saint Augustin, Dieu pousse les hommes au péché, il répond que c’est une calomnie. « Ce ne sont pas là, dit-il, les œuvres de Dieu, mais du diable, les pécheurs ne reçoivent pas de Dieu l’augmentation de leur iniquité, mais ils deviennent plus méchants par eux-mêmes. » Ad capit. Gallor., resp. Il et sent. 11, P. L., t. Li, col. 72.

2. Saint Augustin, Expositio quarumdam propnsit. in Epist. ad Rom., c. lxii, P. L., t. xxxv, col. 2080, s’exprime en ces termes au sujet de l’endurcissement de Pharaon : « Le refus d’obéissance ne saurait lui être imputé, puisqu’un cœur endurci ne peut obéir, mais par son infidélité précédente il a mérité son état d’endurcissement, et ce péché d’infidélité lui est imputé. »

Mais, dans ce passage, saint Augustin s’appuie sur une théorie erronée del’initiumfîdei qu’il a rétractée et condamnée dans la suite. Soutenant l’erreur des semipélagiens que Vinitium fidei n’est pas un don de Dieu, mais ce par quoi nous obtenons tous les autres dons de Dieu, il enseigne dans le traité même d’où est tirée l’objection que si les bonnes œuvres que nous faisons avec le secours divin nous sont légitimement imputées, toutefois l’acte de foi doit nous être imputé à un titre spécial. Il provient, en effet, exclusivement de nous et il est le principe des autres actes surnaturels. Or, cette doctrine fausse, qu’il a lui-même formellement condamnée, saint Augustin la confirme par l’exemple de Pharaon. On doit imputer à Pharaon le premier péché qui a mérité son endurcissement, mais non pas les péchés consécutifs à l’endurcissement. Ceci doit être entendu de cette imputation spéciale que saint Augustin attribuait à Vinitium fidei et puisque le saint docteur a reconnu, rétracté et condamné son erreur sur Vinitium fidei, l’application faite à l’endurcissement de Pharaon tombe d’ell ?meme. Voir t. i. col. 2378 2380. 2107-2408.

Consulter les traités de la giâce à l’article Disfrihutii^n des grâces. C. Antoine.

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