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ESPRIT-SAINT

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Saint-Esprit procède du Père ou du Fils. L’Écriture enseigne que l’Esprit-Saint reçoit du Fils : n Et je me demande, dit le saint docteur, si ce n’est pas la même chose, recevoir du Fils et procéder du Père. Car, si on croit qu’il y a une différence entre recevoir du Fils et procéder du Père, on sera au moins forcé de croire que même recevoir du Père et recevoir du Fils sont une seule et même chose. Ce que le Saint-Esprit recevra, que ce soit la puissance, ou la vertu, ou la doctrine, le Fils déclare que le Saint-Esprit le recevra de lui, et il déclare en même temps qu’il recevra aussi du Père. En effet, lorsqu’il affirme qu’il possède tout ce qui est au Père, il affirme qu’il recevra de ce qui est à lui, et il affirme aussi que tout ce qu’on recevra du Père, on le recevra aussi de lui, parce que tout ce qui est au Père lui appartient. Ce qui est donné par le Père est donc attribué au Fils, comme étant donné par le Fils, et ce que l’Esprit de vérité recevra du Père, le Fils déclare qu’il le recevra de lui-même. » De Triniiate, viii, 20, col. 250, 252. Le dogme de la procession du Saint-Esprit ail uiroque est contenu d’une manière explicite dans l’argument suivant : Quidquid Spiritus Sanctus accipiet, (i Filio accipiet ille millendiis, quia Filii sunt uniuersa quse Patris sunt. Ibid., col. 252. Cf. ix, 31, 73, col. 305, 340 ; Beck, Die Triiuldlslehre des hl. Hilarius von Poitiers, p. 243-246.

2. Un contemporain de saint Hilaire, Victorin l’Africain, dont la terminologie trinitaire laisse à désirer, voir de Régnon, op. cit., 1. 1, p. 236-241, affirme à plusieurs reprises la dépendance du Saint-Esprit du Fils par rapport à l’origine. « Jésus dit : Si je ne m’en vais pas, le Paraclet ne viendra pas sur vous. Il y a donc deux personnes, le Saint-Esprit qui provient du Fils et le Fils qui provient conrationalilcr du Père. » Aducrsus Arium, i, 12, P. L., t. viii, col. 1046. « Nous avons d’abord la vie, et de celui qui est la vie, jaillit l’intelligence. Orle Christ est la vie, et l’Esprit l’intelligence. L’Esprit reçoit donc du Christ, le Christ du Père, et par conséquent aussi l’Esprit du I*ère. » Ibid.,

14, col. 1048. Le Saint-Esprit parle par le Fils, a Filio loquitur, ibid., 55, col. 1082 ; c’est l’Esprit provenant du Christ, « Christo Spiritus, ibid., 15, col. 104) ; il reçoit tout ce qu’il a du Fils de Dieu, a Dei Filio omnia habet. Ibid., 16, col. 1050. Ces passages ne laissent aucun doute sur la pensée de Victorin. Le Saint-Esprit no procède pas immédiatement du Père. La vie divine, l’être divin passent en lui par l’intermédiaire du Fils.

3. Saint Ambroisc explique aussi d’une manière favorable au Filioque le texte de meo accipiet. « Ce quc le Fils a reçu par l’unité de nature, par la même unité le Saint-Esprit le reçoit du I-’ils. » De Spiritu Sancto, n, 12, 134, /’. L., t. XVI, col. 803. Voici encore un autre texte plus explicite : Sicul Pater jons vihe est, ila etiani Filium plcriquc jontem vitic memorarunt sir/ni pcalum ; co quod, apud te, inquil, Deus omnipotens, Fitius tuus Ions vitae sit, hoc est, fons vitæ Spiritus Sancti. Ibid., i,

15, 152, col. 769. Et dans le même livre : Spiritus quoque Sanclus, cum procedita Pâtre et Filio, nonseparatur a Pâtre, non separatur a Filin. Ibid., i, 11, 120, col. 762, 763. Il est vrai que ce rkTnicr texte se rapporte à la mission temporelle du Saint-Esprit, mais celle-ci ne saurait se concevoir sans la processioii éternelle. Remarquons que saint Ambroise emploie la même expression que saint.Mhanase : Le Fils csl la source de la vie du Saint-Esprit. S’il est la source de la vie du Saint-Esprit, il est aussi la source (avec le Père) tic son être.

4. Les textes de saint Augustin sur la jirocession du ^aint-Esprit ab utroque sont si nombreux fjue, pour éviter des redites, il faut se borner à citer les plus iniportanls. Ces textes n’exposent pasunsinijjle axiome cl ne sont pas simplement l’énoiuialion d’une vérité tirée <le l’Écriture sainte. Ils se rattachent à tout le système

liICT. DE TIIÉOL. CATIIOL.

trinitaire de saint Augustin, à un ensemble de spéculations qui tendent, autant qu’il est donné à nos forceintellectuelles, à éclairer le mjstère de la sainte Trinité. De Triniiate, ii, 5, 8, P. L., t. xlii, col. 824, 825. Mais on se tromperait fort si de ces spéculations, qui par nécessité logique aboutissent au Filioque, on voulait déduire que le dogme latin est une opinion théologique de saint Augustin. Le saint docteur distingue bien, dans la contemplation de la Trinité, le domaine des recherches personnelles, où il est obligé pcr quædam densa et opaca viam carpere, ibid., ii, 3, 6, col. 823, et le domaine de la foi immuable, du dogme révélé. La procession du Saint-Esprit ab utroque n’est pas pour lui une question de libre discussion : elle appartient au trésor de la foi, et de même qu’on doit croire que le Fils est engendré par le Père, on doit croire aussi que le Saint-Esprit procède à la fois du Père et du Fils. « La doctrine de la foi catholique touchant la Trinité est que le Saint-Esprit est à la fois l’Esprit du Père et du Fils. » Ibid., ii, 4, 7, col. 824 ; Episl., ccxxxviii, II, 14, P. L., t. xxxiii, col. 1043. C’est sur les données révélées que la théologie fonde cette profession de foi trinitaire : Pater principium non de principio ; Filius principium de principio, scd ulrumque sinnil, non duo, sed unum principium. Ncc Spiritum Sanclum ab utroque procedentem negabo esse principium. Contra Maximinum, xvii, 4, P. L., xlii, col. 7 84, 785. Il faut bien se garder cependant de croire que la profession de la foi catholique sur les processions divines rende clairs les mystères de la vie intime de Dieu. Nous avons une insurmontable difficulté à comprendre les textes qui se rapportent à la procession divine du Saint-Esprit, In Joa., tr. XCIX, 1, P. L., t. xxxv, col. 1886 ; nous ne sommes pas à même de saisir la différence entre naître et procéder en Dieu, et il serait téméraire de chercher à rendre claire notre ignorance. Ibid., 4, col. 1888. Maximin, évêciue arien, lui posait cette objection : « Le Fils est de la substance du I ère ; le Saint-Esprit aussi. Pourquoi n’. vous-nous donc pas un seul Fils ? » Que tu comprennes ou non, lui répond saint Augustin, voici mon explication. Le I ils provient du Père et le Saint-Esprit aussi : le Fil ? est engendré et le Saint-Esprit procède. Par conséquent, le Fils est le Fils du Père qui l’a engendré, le Saint-Esprit est l’Esprit de l’un et de l’autre, quoniam de utroque procedit. Le Père est l’auteur de la procession du Saint-Esprit, parce qu’il a engendré un tel F’iis, et en l’engendrant il lui adonné aussi le pouvoir de produire le Saint-Esprit : f/igncndo ei dedit ul eliam de ipso procederel Spiritus Sanclus. Contra Ma.timinum, xiv, 1, P. L., t. XLII, col. 770, 771 ; De fuie et sijnibolo, ix, 19. P. L., t. XL, col. 191.

Au point de vue de la spéculation théoiogiquc, saint Augustin ne cesse de répéter que le Saint-Esprit est l’Esprit du Père et du Fils, de tous les deux : Spiritus Sanclus non csl unius eoruni Spiritus, scd amborum. In Joa., tr. XCIX, 6, P. L., t. xxxv, col. 1888 ; Conira Muximinum, xiv, 1, P. L., t. xi.ii, col. 770 ; De Triniiate, XV, 26, 45, ibid., col. 1092. Il est l’esprit des deux, parce qu’il est l’amour, la dilection mutuelle du Père et du 1-ils, socielas dilcctionis, De Triniiate, iv, 9, 12, col. 896 ; unitas, sanctilas, c iritas canborum, ibid., vi, 5, 7, col. 928 ; communis cluiritas Patris et Filii, ibid., xv, 17, 27, col. 1080 ; communia quxiam consubstantiatis Patris et Filii, ibid., 27, 50, col. 1097 ; communilas Patris et Filii, Serm., lxxi, 12, 18, /’. L., t. xxxviii, col. 45 1 ; a Paire bono et Filio bono cfjusa bonilas, ibid., col. 454 ; socielas Patris et Filii. Ibid., 20, 33, col. 463, 464. Saint Augustin conçoit donc le Saint-Esprit comme l’amour mutuel du Père et du l’ils, il le considère comme le lien qui unit le Père et le Fils, re qui ramène î^i proclamer la dépendance d’origine du Saint-Esprit du Père et du Fils.

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