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ESTHER (LIVRE D’^


pour lui prêter un caractère juif, composèrent le livre d’Esther (Zunz).

2. Les Purim sont simplement la quatrième des cinq fêtes du vin que l’on célébrait à Athènes, la fête de l’ouverlurc des fûts, suivie immédiatement de celle des pots quthoigies et choès), les ll « et 12 « jours de février (anthestcrion), où l’on s’offrait des pots pleins de vin et d’autres présents : purim serait un pluriel de l’hébreu pûrâli, " pressoir » ; cf. pûrûr, « pot » <Grætz).

3. fis sont identiques au Phourdigan (farvardigân) des Perses, fête des morts, des mânes tutélaires : farvar = fravuhri, « gardien, protecteur » , çoupSaia, ço-jpaia (recens, de Lucien), cppo-jpaia (Josèphe, An^ /ud., XI, VI, 13), cppo-jpai (Swete, F, Il et texte reçu), tppovpiij. {Sinaiticus), purim (Lagarde et beaucoup d’autres).

4. Ils correspondent" au moins en partie » à la fête babylonienne du nouvel an (sumérien : zag-muk ; assyrien : rés satli), fête du dieu principal Marduk, qui se célébrait le premier jour du mois de nisan (équinoxe du printemps). Cette fête durait plusieurs jours. Au cours des huitième-onzième jours, les réjouissances redoublaient, car c’était l’époque où les dieux étaient censés déterminer, dans la « chambre du destin » et sous la présidence de Marduk, les sorts de la nouvelle année, et se donner à cette occasion un grand festin {puhru, d’où le vocable hébreu : pur, pûrim). Les éléments narratifs du livre d’Esther, comme les noms des principaux personnages qu’il met en scène, seraient empruntés à la mythologie chaldéo-élamite : Mardochée correspond au dieu babylonien Marduk ; Esther à la déesse chaldéenne Istar ; Aman, le favori déchu, c’est le dieu élamite Human, Uman ; Wasti, la reine répudiée, c’est la déesse susienne Mastî (Wasti). Un parti vainqueur, contre un parti vaincu ; la Babylonie de la légende (épopée de Gilgames) ou l’Assyrie de l’histoire (derniers temps, Assourbanabal), contre l’Élam. Au fond, cependant, les éléments recueillis et groupés d’un mythe naturiste : « Aman se voit dépossédé par Mardochée, son adversaire, comme Wasti par Esther. Le temps du règne d’Aman est, d’après i, 4, à prendre pour 180 jours, à savoir la moitié de l’année, après laquelle il est pendu, genre de mort caractéristique d’un héros solaire. Wasti, dont la beauté se trouve particulièrement mise en relief dans I, 11, se refuse à paraître devant le roi et correspond à ce point de vue à l’Istar virginale, la xôpr, , r Istar du monde souterrain. Conséquemment, Aman et Wasti représentent, dans le mythe formant le fond (de cette histoire), la moitié ténébreuse, hivernale, de l’année, le temps où règne Tiamat ; tandis qu’au contraire Mardochée et Esther, (Esther) dont la beauté se trouve également mise en vedette, figurent la moitié estivale de l’année, le temps où régnent proprement Marduk et Istar. Le roi, en tant qu’originairement summus deus, forme l’élément constant nécessaire à la résolution de ces antithèses. C’est pourquoi d’abord il est avec Wasti, en attendant qu’il épouse Esther.’^Particuhèrement digne d’attention, eu égard à l’originelle fdiation mythologique, est encore le rapport de parenté qui unit Esther et MardochéeJ D’après ii, 7, 15, Esther est la cousine de Mardochée, la fdle du frère du père (de ce dernier). Or, à ce rapport de parenté correspond le rapport de parenté d’Istar à Marduk dans la mythologie babylonienne. Là, en effet, Istar et Marduk peuvent être tenus pour cousins, soit que l’on table sur Istar fille d’Anu (dieu du ciel) et sur Marduk fils d’Éa (dieu des eaux, frère d’Anu), soit que l’on tienne Istar fihe de Sin (dieu lune), auquel cas Marduk pourrait être pensé fils de Samas (le soleil) » (Zimmern, Jensen, Jeremias, Winckler).

De cette quatrième hypothèse, « le centre de l’exé gèse moderne » du livre d’Esther, sont nées d’autres hypothèses qui, la reproduisant en gros, en ont laissé tomber toutefois maint détail qu’elles s’efforcent de suppléer par des éléments non plus empruntés à l’assyriologie, il est vrai, mais toujours étrangers à l’histoire juive.

5. L’emprunt des Purim s’est fait du Phourdigan persan et du Zagnuig babylonien à la fois, par l’intermédiaire de la fête persane des Sacées, au cours de laquelle on couronnait un esclave. Cf. le triomphe de Mardochée, vi (Meissner).

6. La fête juive que veut expliquer le livre d’Esther a supplanté graduellement la fête de Nicanor, I Mac, VII, 40, 4.5, 49 ; II Mac, xv, 36 ; Josèphe, Ani. jud., XII, x, 5, qui tombait le 13 adar et que l’on célébrait aussi à Jérusalem le 14 du même mois. Cf. Est., ix, 17, 18. Cependant, derrière la légende d’Esther, se cachent et le début des contes des Mille et une nuits (voir l’hypothèse suivante) ; et le grand récit babylonien de la création (enuma dis) où Marduk combat la déesse Tiamat et la met à mort (Mardochée contre Aman) ; et le mythe de la descente d’Iitar aux enfers où la déesse de l’amour délivre son amant Tammuz (Esther sauvant Mardochée et son peuple) (Erbt, Reuss).

7. Il existe un parallèle frappant entre les deux premiers chapitres d’Esther et le roman des Mille et une nuits où, comme dans le livre hébreu, le roi fait mourir sa première femme et se fait présenter journellement une autre femme qu’il envoie à la mort le matin suivant, jusqu’à ce qu’enfin la belle Shéhérazade fixe son cœur et, pour sauver les filles de son peuple, devient son épouse. Cf. Esth., i, ii (de Goeje).

8. L’hypothèse la plus osée est la suivante : « Purim est dérivé de l’ancien persan purti, équivalent du védique pûrii, « portion » . Pûrim, <i portions, dons » (héb. manôth, Esth., ix, 19, 22), correspond au latin strenæ, français étrennes. L’interprétation de yémê Pûrim (Estli., ix, 26) par « jours des sorts » est une étymologie populaire subsidiaire suggérée par le mot hébreu « portion » pris dans le sens de « sort, destinée » (cf. Ps.xvi, 5, où manâh, « part » , fait parallélisme avec gôral, « lot » , part échue au sort). Le livre d’Esther, tout comme le livre de Judith, est une légende festale en rapport avec la fête des Purim ; il n’est pas un livre historique, ou une nouvelle historique, mais une pure fiction. Les événements et incidents qui y sont relatés ont été suggérés à son auteur par les souffrances des Juifs durant la persécution syrienne et par l’éclatante victoire qu’ils remportèrent sur Nicanor, le 13 d’adar, 161 avant Jésus-Clirist. Nicanor est le prototype d’Aman, et les honneurs départis à Mardochée correspondent aux distinctions conférées au grand-prêtre machabéen Jonathan, le plus jeune frère et le successeur de Juda Machabée. Les noms d’Aman et de Wasti sont susiens ou élamites, tandis que Mardochée et Esther correspondent aux babyloniens Marduk et Istar. L’antagonisme entre Aman et Wasti, d’une part, et Mardochée et Esther, de l’autre, peut avoir été suggéré par une ancienne légende festale babylonienne célébrant la victoire remportée par le dieu principal de Babylone sur la principale divinité des Élamites ; et ce peut être, en dernière analyse, un mythe naturiste symbohsant la victoire des dieux du printemps sur les géants glaciaux de l’hiver qui haïssent la lumière du soleil et complotent sans cesse de ramener l’hiver sur la terre… Mardochée, . le dieu du soleil printanier, triompha du géant hivernal Aman…, et l’hiver des épreuves juives se changea en un brillant été, grâce au soleil de Juda Machabée » (P. Haupt).

Davidson, Introduction lo the Old Testament, Londres, 1862-1863, t. II, p. 157 sq. ; de Wette-Schrader, Eintci-