Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/446

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
863
864
ESTHER (LIVRE D’)


ments arrivèrent. Or, l’histoire ancienne est partout silencieuse précisément à partir de l’an 479, 7° du règne de Xerxès, moment où s’ouvre notre récit d’Estlier. Justin, Diodore, ’rJuicydide ne s’intéressent qu’à la partie occidentale de l’empire perse, non à la Perse elle-même. Il ne nous est rien parvenu des ouvrages de Cliaron de Lampsaque, d’Antiochus de Syracuse, qui écrivirent sur cette époque. Nous n’avons de C’.tésias que de maigres fragments. Hérodote non plus n’a que de Tuinces récits sur les quatorze dernières années de Xerxès. Les annales de la cour de Perse, Est., ii, 13 ; x, 2, que Ctésias avait utilisées, sont perdues ; tout fut brûlé par Alexandre, Pline, Hist. nat., i, 6, 21 ; Strabon, i, 15, et par Ardeschyr ! «  Babegan. Spiegel, op. cit., t. iii, p. 103, 771. Le peu que l’histoire nous apprend sur la fin du règne de Xerxès confirm.e pourtant les données générales du livre d’Esther, en nous montrant le monarque éloigné des soucis de la politique, adonné seulement aux intrigues du harem. Voir plus loin. Le silence du livre d’Esdras ne prouve rien non plus contre l’historicité d’Esther, parce que l’énorme lacune de 57 ans qu’il comporteentre la6<^année du règnedeDariusP, c. VI, et la 7° d’Artaxerxès, c. vii, embrasse tout le règne de Xerxès, sauf c. iv, 6, et que ni ce livre ni celui de Néhémie n’ont pour but de nous raconter ce qui se passait à la cour de Susc en dehors des faits qui pouvaient intéresser la Palestine, que même, loin de tout dire sur ce pays, ils omettent beaucoup d’événements historiques auxquels il fut ou dut être mêlé. Cf. Hérodote, ii, 104 ; iii, 5-7 ; vii, 63, 89 ; Josèphe, Cont. Apion., i, 22 ; Strabon, vii, 58 ; Neh., IX, 37. Si le livre de l’Ecclésiastique ne dit rien d’Esther, c’est que le récit n’en était pas encore composé probablement. Voir plus loin. Du reste, l’Ecclésiastique ne dit rien non plus d’Esdras, de Daniel. III Mach., vi, 19, reste aussi muet sur Esther et Mardochce. La non-mention de la fête des Purim par I Mach., iv, 38, ne prouve pas plus que celle de cette même fête par Josèphe, Ant. / » rf., XII, x, 5, à l’occasion de liMach., iv, 38, bien qu’il en traite longuement ailleurs. Puis la fête des Purim pouvait n’avoir point pénétré encore en Palestine au moment où 1 ISIach. fut composé.

2. Loin de se trouver en contradiction avec l’histoire, les données géographiques du livre d’Esther sont plutôt confirmées par elle. Les 127 provinces d’Esth., i, l, ne sont en réalité que 127 villes avec leur banlieue immédiate, cf. (medinalï) Esd., ii, l ; Neh., i, 3 ; VII, 6 ; xi, 3, et ne doivent pas être identifiées avec des satrapies. Hérodote, du reste, iii, 89, partage la satrapie en six ou sept provinces.

3. Les « lits d’or et d’argent « d’Estli., i, 6, à la cour de Suse, ne sont point une donnée grecque (Grætz), mais aussi persane qu’assyro-babylonienne. Cf. Hérodote, IX, 82 ; I, 18, 98 ; Polybe, x, 27. La remise de l’anneau royal à un favori, Esth., iii, 10 ; viii, 2, trouve confirmation dans Hérodote, iii, 128 ; cf. Spiegel, op. cit., t. III, p. 607 ; Assuérus tendant le sceptre à Esther, v, 2 ; viii, 4, dans Josèphe, Ant. jud., XI, VI, 9 ; cf. Niebuhr, Reisebeschreibung, t. i, pi. XXIV. La sainteté du nombre sept chez les Perses et le rôle qu’il jouait dans leurs arrangements familiaux ou entreprises sociales, Esth., i, 10, 14 ; ii, 9, sont attestés par l’histoire. Hérodote, iii, 84 ; cf. Esd., vii, 4.

4. Il est vrai que seule une femme de la race achéménide pouvait être élevée au rang de reine, Hérodote, m, 31, 83, 84, 88 ; Plutarque, Artaxerxès, 27, et qu’Amestris, fille d’Otanès, fut reine légitime durant toute l’époque présumée d’Esther. Hérodote, ix, 108-113. Mais il faut aussi observer d’abord que les rois de Perse avaient de nombreuses femmes de second rang, et qu’à cet égard l’ordonnance du

harcni correspondait fidèlement à ce que le livre d’Esther nous raconte de celui d’Assuérus. Diodore de Sicile, ii, 220 ; Plutarque, Ar/a.r., 27 ; Hérodote, m, 69. On a des exemples de femmes élevées par le Grand Roi au rang d’épouses légitimes, à la cour de Perse, en dépit de la reine principale. Hérodote, i, 135 ; m, 1, 31, 67, 88 ; vii, 2, 7, 64, 82, etc. ; Plutarque, ibid. ; Strabon, xi, 526 ; xv, 733. Le récit bibhque des éiiousailles d’Esther concorde, ensuite, avec l’histoire de la manière suivante : Assuérus (Xerxès) monte sur le trône vers 483 et soumet l’Egypte. Esth., i, 1 ; Hérodote, vu, 2, 4. La troisième année de son règne, il tient un grand conseil préparatoire à la seconde guerre médique. Esth., i, 2-10 ; Hérodote, vii, 10, 61-99. Au cours du grand banquet donné par lui à la suite de ce conseil, il répudieWastlii, sa lauorile du moment, Esth., 1, 9 sq., laquelle festoyait à côté comme concubine et, à ce titre seulement, pouvait être appelée en présence des hôtes, convives du roi. Hérodote, v, 18. Assuérus (Xerxès), vaincu par les Grecs, revient de Sardes à Suse au cours de l’été de l’an 479 (la 6 « de son règne), où il ne s’occupe plus que d’intrigues de harem. Hérodote, ix, 108 sq. L’année suivante, la 7 « de son règne, Esth., ii, 15, il « pense à Wasthi » et à la décision qu’il avait prise à son sujet, et la remplace par Esther dans les conditions bien connues. Celle-ci est l’reine » , bien que de second rang, et reine légitime, portant la couronne, Esth., ii, 17 ; cf. Xènophon, C(/rop., VIII, 3, 13 ; Hérodote, viii, 18 ;.Josèphe, AnI. /ud., XX, III, 3, Amestris demeurant la reine de sang royal.

5. Non seulement les Juifs furent inquiétés sous la domination persane de la manière rapportée au livre d’Esther, mais encore et bien longtemps, sous Artaban, roi des Parthes, comme le rapporte Josèphe, Ant. jud., XVII, 9. Cf. Sanhédrin, 98 ; Joma, 10.

Eu égard à l’origine de la fête des Purim.


1. L’identification de la fête des Purim avec le Nauroz persan souffre difficulté : a) au point de vue de l’étymologie : Purim n’a pu sortir de Nauroz ; b) au point de vue de la correspondance des deux solennités, soit quant à leur durée, soit quant à la distinction des villes fermées ou ouvertes, Esth., ix, 17 sq., dont il n’est point question chez les Perses ; c) au point de vue du motif pour lequel les Juifs auraient emprunté à un peuple étranger une fête du printemps, quand ils en avaient une déjà, la Pâque ; d) au point de vue de la coutume festale signalée dans Estli., ix, 19, 22 : elle n’était point, chez les Perses, propre au seul Nauroz, mais commune à toutes les fêtes, Spiegel, op. cit., t. III, p. 577 ; et elle a pu chez eux trouver son origine dans l’imitation de la coutume juive.

2. L’emprunt fait aux Grecs d’une fête dionysiaque, telle que celle des pithoigies et choès par les Juifs même hellénisants des temps postmachabéens, ne se conçoit pas, car c’est l’époque précisément où l’on retranchait de la vie juive tout ce qui pouvait rappeler les mœurs et la religion grecques. De plus, il est absolument fantaisiste de rapprocher pur, pûrim, « sort » , de pûrdh, « pressoir » ; et ce rapprochement dût-il s’imposer, ce n’est pas à la quatrième dionysiaque qu’il faudrait comparer les Purim, mais à celle du mois de janvier (gamelion), la troisième, celle des lénées (), r)vô :) ; mais alors les dates festales ne concordent plus.

3. Le Phourdigan perse n’est attesté qu’au vie siècle de notre ère par le Byzantin Ménandre le Protector, dans le seul fragment qui nous reste de son Histoire ; et encore n’est-il pas prouvé que la fête célébrée en 565-566 à Nisibe, à laquelle prit partChosroès, roi des Perses, selon Ménandre, soit une fête persane. Cette fête, du reste, se célébrait en hiver, tandis que les Juifs fêtaient les Purim au printemps. Puis le Phourdigan, fête des morts, comportait moins de