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de s’y arrêter longtemps, puisque la plupart se fusionnèrent dans le grand corps polilique de la société rlvilc. Toutefois, la « commune » , que l’on peut considérer comme un clément iirimordial de l’État, lui survécut, après l’avoir précédé. Elle naquit spontanément du gouvernement que se donnèrent les familles parlant la même langue, ayant des intérêts communs et surtout un territoire collectif. On sait quel a été le rôle prédominant de la commune au moyen âge, dont le régime démocratique fut le [irincipe d’une si grande prospérité. Cf. Janssen. Histoire du peuple allemand, t. i ; V. de Laveleye, Le gouvernement dans la démocratie, t. I, 1. II, c. X. xi ; Cil. Antoine, op. cit., ]). 98 sq. Le droit moderne, avec la Révolution de 1789, abolit l’autonomie de la commune, dont il ne subsiste plus guère aujourd’Juii que de lointains vestiges. Cependant, l’autonomie communale semble s’appuyer sur des principes de droit naturel que l’État devrait respecter, soucieux en cela de l’intérêt général de la société qui s’accoinmodera toujours d’un régime de décentralisation et d’organisation sociale libre et démocratique.

Mais il nous faut prêter une attention spéciale aux rapports juridiques entre l’État et les associations libres qui. postérieurement à la formation de la société civile, se constituent grâce à l’initiative des citoyens et en dehors de toute intervention de l’autorité publique. Or, ces associations doivent pouvoir se former et s’organiser librement sans qu’une autorisation spéciale de l’État soit nécessaire^ à condition seulement qu’clles poursuivent une fin honnête par des moj’cns licites. Ce principe de la « liberté d’association » se trouve justifié par ce que nous avons dit de la mission (le l’État, qui n’est pas de neutraliser et d’absorber l’activité sociale des citoyens, ses membres, mais, au contraire, de la laisser s’épancher, lorsqu’elle se suflit à et ! e-même, et de l’aider, de la su])pléer, lorsqu’elle est insulTisante. L’État n’apas le droit de tout faire jiar lui-même, mais il doit respecter l’ordre social et laisser faire, lorsque l’initiative privée, individuelle ou collective, est suffisante, se bornant lui-même à une action directrice, toutes les fois qu’une intervention ))articulièrc n’est pas nécessaire. Car l’État peut, â son tour, exercer sur les associations libres un droit d’inspection et de vigilance, prct à intervenir si le bien commun exige une limitation de leur liberté ; mais il ne lui est pas permis de se livrer à cette ingérence directe et jiositive qu’autant que les associations, dans le but qu’elles poursuivent ou dans les moyens qu’elles emploient, se mettent en opposition avec le bien général de la société ou avec l’ordre public. Cf. Cil. Antoine, op. cit., p. 81 ; E. Valton, Droit social, p. 88.

3° L’Élal et rÉf/lise. — ICn présence de l’État, société parfaite, existe une troisième institution sociale, également société parfaite, qui est l’Église. Ces deux sociétés, quoiqu’elles possèdent chacune leur existence propre, sont unies cependant par une certaine coexistence sociale, de manière qu’elles sont nécessairement appelées à avoir entre elles des rapports juridiques. En effet, l’Église et l’État doivent remplir leur mission envers un même sujet, qui est l’homme ; et le but que poursuivent, chacune dans leur ordre, les deux sociétés, n’est autre que le bonheur et la perfecli( » n du ménu’individu, à la fois inembrc lie l’État et de l’Église : ici. dans l’Église, c’est son l’onheursumalurcl et élernil : h’i, dans l’Étal, c’est son lionlieur temporel. Aussi bien la logkiue améne-t-cllc nécessairement l’Église et l’État en présence l’une de l’autre ; et entre ces deux sociétés existent des rapports qui donnent naissance à des droits et à des’voirs réciproques. » E. Valton, Droit social, p. 1.54.

Or. ces rapports juridiques sont de deux espèces.

DICT tiE THIOL. CTIIOL.

Ou bien, ils ont pour base la constitution et la nature des deux sociétés, en dehors de toute convention accidentelle : on peut les appeler rapports naturels ; ou bien ils découlent de certains contrats, qui interviennent à titre d’accord et de règlement d’affaires litigieuses entre les deux puissances, c’est-à-dire des concordats : ce sont les rapports concordataires. Pour ces derniers, voir Concordats, t. iii, col. 727. Quant aux rapports de la première espèce, qui sont, à pro-Ijicnient parler, des rapports de jirincipes, nous nous contenterons de les esquisser, le sujet ayant été également déjà abordé. Voir Église, col. 2210-2’2"23.

Nous considérerons l’Église et VÉlat catholique, et nous établirons entre eux les rapports juridiques qui correspondent à la thèse du droit chrétien, réservant seulement quelques mots, pour finir, touchant la question de fait ou l’hypothèse d’un État non catholique en face des droits de l’Église.

Si nous comparons l’une avec l’autre les deux sociétés, nous voyons que le droit chrétien établit entre elles trois espèces de relations juridiques constitutionnelles : tout d’abord, une relation de distinction et d’indépendance respective, car les deux sociétés ont une mission diflcrente et elles sont indépendantes, chacune dans sa sphère particulière ; ensuite, une relation d’inégalité et de subordination, car l’une des sociétés, l’Église, jouit d’une iirééminence juridique vis-à-vis de l’autre, l’État, qui se trouve lui être indirectement subordonné ; enfin, une relation ^’union et de concorde, car il appert qu’en raison même de leur coexistence sociale, l’Église et l’État doivent se connaître et s’assister mutuellement.

1. Relation de distinction et d’indépendance.

En premier lieu, existe entre les deux sociétés, civile et religieuse, un rapport juridique de distinction. En effet, les deux puissances se distinguent l’une de l’autre par leur origine. Toutes deux, il est vrai, peuvent se réclamer d’une origine divine, mais tandis que l’une, l’État, ne se rattache à une institution divine que par l’intermédiaire des principes naturels dont l’auteur et l’inspirateur est Dieu lui-même, l’autre, l’Église, a été fondée immédiatement par Dieu, auteur de l’ordre surnaturel.

LTne autre distinct ion iirocède en outre de la constitution des deux sociétés. L’Église lient sa constitution sociale de Dieu même, qui a fixé la forme et l’organisation de ses pouvoirs ; la société civile, au contraire, n’a pas de constitution absolument définie, mais la forme du gouvernement et les conditioTis de la souveraineté sont laissées à la libre disposition des hommes. (Vest pourquoi, tandis quc l’Église est une société universelle, une et immuable, l’État, lui, ]iortc le caractère du particularisme, il est multiple et il est soumis au changement..Mais où la distinction entre l’Église et l’État est la jikis marquée, c’est à propos de leur fin spéciale et de l’objet de leur compétence propre. L’Église est chargée de continuer dans le monde l’ccuvre de la rédemption et elle a pour but direct le bien spirituel et surnaturel, la sanctification et la lui dernière <lu genre humain. Ainsi donc, sa compétence propre s’éteiul d’abord aux choses spirituelles, aux choses sacrées et surnaturelles en elles-mêmes, par exemjile, la grâce, les sacrements, etc. ; mais elle embrasse, en outre, les choses qui, quoique temporelles de leur nature, ont une destination sacrée et spirituelle, jiar exemple, les temples, les cimetières, etc. L’État, de son côté, poursuit directement le bien naturel et temporel des hommes, le bien-être matériel d( ! s citoyens, t^’est pourquoi sa comiiétencc propre regarde les choses 1em))orelles, c’est-à-dire les choses de nature matérielle ou immatérielle qui sont destinés à procurer le bonheur de la vie présente, comme sont les richesses, les sciences, les arts pro V. - 29