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ETHIOPIE (ÉGLISE D’)


rinstnicUon et à la formation chrétiennes des pojjulations. Ils aclievèrent dans le Tigré l’œuvre de saint Frumence.

Or, ces religieux étaient-ils chalcédoniens ou anlichalcédoniens ? M.Guidi, Dicl. d’histoire, 1. 1, col. 212, par certaines déductions, incline à penser qu’ils étaient nionophysites. IMais ces déductions sont hypothétiques et, partant, contestables. Le choix extraordinaire des termes du chroniqueur : Kedusdn romawiân, est, à mes yeux, d’une précision voulue et significative, ; l’effet d’attester leur orthodoxie catholique. En elTet, le chroniciueur, d’après la tradition régionale, les appelle romawiân au lieu de suridn ou (jebsâwidn, c’est-à-dire syriens ou coptes, dénominations cependant bien plus connues et familières en Ethiopie. L’étrangeté même du terme éveille l’attention et établit une distinction manifeste des roums ou grecs chalcédoniens d’avec les coptes et les syriens hérétiques. Déplus, l’expression rci’ii haijmanot, d’où le verbe causatif urtaii hayimanota, ou n orthodoxie » , n’a été que bien plus tard détournée de sa vraie signification pour ne s’entendre que du schisme d’Orient : elle était alors synonyme de la foi catholique. Et si des échos de l’agitation subversive d’Alexandrie et des monastères de la Haute-Egypte avaient eu une répercussion troublante à Adoulis et à Aksum, lesdits romawiân sont venus bien à propos pour raffermir les âmes dans l’orthodoxie de saint Frumence.

Le sens obvie et le choix des termes font donc connaître que ces religieux étaient chalcédoniens. (".es termes signifient également qu’ils vinrent en Ethiopie avec mission patriarcale et par les ordres ou l’autorisation des empereurs Marcien ou Léon, tous deux défenseurs des décrets du concile, contre les oppositions opiniâtres des suridn, disciples de Barsumas, comme des gebsawidn, partisans de Dioscore à Alexandrie. En admettant la provenance syrienne de ces religieux, la dénomination de romawiân sera celle du parti et prouvera a fortiori leur séparation d’avec leurs congénères. La Syrie était alors, comme l’Egypte, le théâtre d’une division en deux partis contraires, tour à tour maîtres, à Antioche et à Alexandrie, des sièges patriarcaux, selon que les empereurs favorisaient ou combattaient les décrets du IV<= concile. Les moines, loin de s’expatrier, menèrent une lutte à outrance en Syrie durant toute la deuxième moitié du Ve siècle ; et le bannissement ne commença pour eux, à la suite de Sévère, patriarche d’Antioche, que sous l’énergique répression de l’em-I )ereur Justin P’(518-527). Le fanatisme des hérétiques avait soulevé un tel mouvement national en Syrie, que les moines catholiques auraient plutôt cherché le salut dans l’émigration. I^es neuf moines romawiân auraient pu être ainsi des épaves jetées sur les rives d’Adoulis par la proscription de leurs congénères forcenés. IMais je préfère m’en tenir à la solution basée sur le sens obvie et naturel du texte de la chronique éthiopienne : ils étaient des religieux de l’Église romaine ou byzantine, venus avec mission officielle ou confidentielle au secours de l’Église encore sans expérience des scissions, des luttes et des scandales inévitables à l’œuvre évangélique ; soit les patriarches catholiques, soit les empereurs fidèles à leur devoir, auront prévenu le péril qui menaçait l’Ethiopie. Les relations nouées entre les deux cours de Byzance et d’Aksum, comme il ressort des termes de la lettre de Constance précitée, dès la conversion au christianisme des Éthiopiens, au lieu de cesser, n’avaient pu que croître davantage par la raison d’intérêt des deux empires ; car, d’une part, l’Ethiopie avait besoin d’entretenir l’amitié des maîtres de l’Egypte et de la Palestine, et, d’autre part, sa domination

sur les côtes méridionales de l’Arabie et sa rivalité avec le roi de Perse faisaient de l’empereur d’Aksum l’allié naturel de Byzance. Aussi, allons-nous avoir une confirmation oflicielle incontestable de la préservation du monophysisme durant le v « et le vi «  siècles, malgré la contagion menaçante des rives de l’Egypte et de l’Arabie : je veux dire le fait prochain du recours de l’empereur.Justin l<’près de Kaleb ou El-Esban, roi d’Ethiopie, disciple de saint Panlaléwon, survivant des neuf religieux, afin de le presser de secourir les chrétiens de Nagrân, persécutés en Arabie. Lettre de Siméon, évêque (le Beth-Arsâni, en syriaque, dans Assémani, Dibtiotheca oricntalis, t. i. Justin I"^, en effet, était le défenseur déclaré de l’Église catholique contre les schismatiques qui troublaient l’Église et l’État dans tout le Levant ; et au lieu de s’adresser comme à un frère au roi Kaleb, s’il eût été hérétique, il l’aurait combattu, au contraire, par tous les moyens en son pouvoir. L’Église d’Ethiopie demeura donc indemne au commencement du vie siècle, et, selon le témoignage de Cosmas Indicopleustes, qui passa à Adoulis durant les premières années du règne de Justin P, elle était fiorissante : « Il y avait, dit-il, des églises, des prêtres et un grand nombre de chrétiens dans toute l’Ethiopie, à Aksum et dans les régions environnantes. » Opinio de mundo, ). 179 ; Cosmographia, IJl, P. G., t. Lxxxviii, col. 169. Tout en gémissant des tiraillements qui livraient le siège d’Alexandrie tour à tour aux partis contraires qui se le disputaient, les Ethiopiens n’ont pas eu à rompre avec ce siège, vu cpi’ils ont pu avoir leur métropolitain ou catholicos des patriarches catholiques, soit qu’ils occupassent le siège, soit qu’ils en fussent chassés par les monophysites aux heures intermittentes de leurs victoires. Cosmas, ibid., et dans Renaudot, p. 118, l’atteste expressément et exagère même en les traitant de nestoriens parce que dyophysites. Alexandrie ne fut définitivement le centre et le foyer du monophysisme qu’après la conquête de l’Egypte par Omar et après l’accord passé avec l’hérésiarque Benjamin (643).

3° Kaleb ou El-Esban et l’empereur Justin /^^ — Le nom d’Al-Amêda, donné trois fois et à des princes qui se succédèrent sur le trône à des intervalles rapprochés (cf. liste dynastique, Tarika-Xagast), a été pris comme dénomination commune des rois éthiopiens par les historiens byzantins. Malala, qui en a fait Anda, appelle d’abord ainsi le vainqueur de l’Arabie qu’il nomme plus loin El-Esboas. Cet El-Esboas ou El-Esban des historiens grecs est le roi Kaleb des chroniques éthiopiennes. Les relations de ce prince avec la cour de Justin P’et, sur la demandede Justin, son expédition dans le Yémen, Arabie méridionale habitée par les Flomérites, pour délivrer les chrétiens de la cruelle persécution du roi Dimnus ou Dunawas, sont des faits qui établissent la concordance de foi de la cour éthiopienne avec celle de Byzance, au vie siècle. Néanmoins, le venin de l’erreur s’était glissé inévitablement dans ses États. Après sa campagne contre les Persans, Kaleb envoya à Alexandrie une solennelle ambassade pour faire parvenir à l’empereur de Constantinople l’heureux succès de ses armes contre l’oppresseur, la conquête de l’Arabie et le rétablissement d’une paix assurée aux chrétiens. Mais, d’autre part, ce prince religieux, ému des déperditions de la foi et des mœurs chrétiennes, demandait un évêque et des docteurs qui pussent signaler et stigmatiser l’erreur dans ses États et rétablir les vraies croyances dans leur pureté. Jean Malala, Chronogr., . XVIII, P. G., t. xcvii, col. 641 ; lohanès Madabar ou Jean de Nikiou, Chronique, texte éthiopien publié et traduit