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ETRANGERS

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mais il peut aussi avoir des esclaves, même hébreux. Lev., XXV, 35, 47. L’étranger a part aux fruits, grains, raisins, olives, qu’on laisse dans les champs après la récolte, Lev., xix, 20 ; Deut., xxiv, 19, 20, aux produits naturels de la terre pendant l’année sabbatique, Lev., xxv, 6, aux festins célébrés à l’occasion du payement des dîmes et des fêtes. Deut., xiv, 29 ; XVI, 11, 14. L’usure, c’est-à-dire l’intérêt prélevé sur le prêt, interdite vis-à-vis de l’Hébreu, est permise avec l’étranger. Deut., xxiv, 19, 20.

Quant aux droits religieux, d’une manière générale, si l’étranger ne consentait pas à embrasser totalement la pratique rituelle, il n’était guère tenu qu’aux prescriptions de la religion naturelle. Quelques règles positives s’imposaient à lui pour bien marquer sa distinction du peuple élu. Voir Dictionnaire de la Bible, art. Étranger. En particulier, l’étranger qui s’agrège au peuple hébreu par la circoncision est admis à manger la Pâque, Exod., xii, 48, 49 ; s’il n’accepte pas la circoncision, la participation à la Pâque et aux mets provenant des sacrifices lui est interdite. Exod., xii, 45. L’étranger est soumis aux mêmes prescriptions que l’Hébreu en ce qui concerne la loi morale et la loi rituelle. Il lui est défendu de blasphémer sous peine de lapidation, Lev., xxiv, 16, d’offrir ses enfants à Moloch, Lev., xx, 2, de se livrer à certains excès d’immoralité. Lev., xviii, 26. L’idolâtrie lui est sévèrement interdite. Ezech., xiv, 7. Il ne doit pas non plus ni faire œuvre servile le jour du sabbat, Exod., xx, 10, ni manger du sang. Lev., xvii, 10.

Après ta captivité.

Sans doute, les prophètes

ne cessent pas de rappeler les Juifs à l’intégrité de la loi, Zach., VII, 10 ; Mal., iii, 5, mais l’application de la législation concernant les étrangers devient plus étroite et plus sévère. II Esd., ix, 2 ; xiii, 1-3. Ce changement de conduite fut une réaction contre les mauvais traitements que les Juifs, au retour de la captivité, subirent de la part de leurs voisins, mais, de plus, il devint nécessaire pour la conservation de la foi et de la nationalité du peuple juif. Il était à craindre que l’introduction de trop nombreux éléments étrangers au sein de la communauté revenue de l’exil n’en altérât peu à peu le caractère national et religieux. C’est ce qui était arrivé pour les Samaritains. Sous la domination des Séleucides, l’influence étrangère devint nettement idolâtrique. Les Juifs se cantonnèrent dans leur isolement. La haine de l’étranger s’accrut ensuite dans leur cœur en proportion des dangers que faisait courir à leur nationalité la domination romaine.

Dans la loi évangélique.

Jésus-Christ, en prêchant

son Évangile, a voulu briser la haine des peuples entre eux, les porter à vivre paisiblement ensemble et à se regarder comme frères ; c’est à quoi tendent les préceptes de charité universelle qu’il a si souvent répétés. Tel est aussi l’effet que le christianisme a produit partout où il s’est établi : « Après le baptême, dit saint Paul, il n’y a plus ni juifs, ni gentils, ni circoncis, ni païens, ni Scythes, ni barbares ; vous êtes tous un seul peuple en Jésus-Christ. » Gal., iii, 28 ; Col., iii, 11.

La plupart des anciens philosophes ont jugé la vengeance légitime ; les Juifs étaient dans la même erreur, et Jésus-Christ voulait les détromper. Il leur dit : n Vous avez ouï dire qu’il est écrit : Vous aimerez votre prochain, et vous haïrez votre ennemi. » Ces dernières paroles ne sont point dans la loi ; c’était une fausse addition des docteurs de la synagogue. De là, les Juifs concluaient que, sous le nom de prochain, il ne fallait entendre que les hommes de leur nation et qu’il leur était permis de détester les étrangers, surtout les Samaritains. Le Sauveur, pour réformer leurs idées, leur proposa la parabole du Juif tombé entre les mains des voleurs et secouru par un Samaritain. Luc, x, 30.

Il déclare qu’il faut imiter, à l’égard de tous les hommes sans exception, la bonté du Père céleste qui fait du bien à tous. Matth., v, 45. Jésus-Christ a souvent répété cette morale, parce qu’il voulait réunir tous les hommes dans une même société religieuse.

Aussi, au début de la prédication évangélique, saint Pierre va aux gentils, sur l’ordre même de Dieu, non sans avoir constaté auparavant que « c’est une abomination pour un Juif d’entrer en rapport avec un étranger. » Act., x, 28.

II. Dansx. théologie morale. — 1° Notions, définitions. — Parmi les lois ecclésiastiques, les unes s’appliquent à tous les chrétiens, ce sont les lois universelles ; les autres s’étendent à certains territoires limites : diocèses ou paroisses, ou encore à un groupe restreint de personnes : le clergé séculier, les réguliers, ce sont les lois particulières.

Dans le droit canon, on appelle étranger (advenà) celui qui ne réside pas dans son lieu d’origine, par opposition à l’indigène, l’habitant qui réside dans son lieu d’origine. C’est aussi dans cette signification que la Bible considère les étrangers, comme il appert des textes cités plus haut.

Au point de vue de l’extension des lois particulières, le domicile joue un rôle important. On acquiert le domicile en un endroit, lorsqu’on a en cet endroit une résidence fixe, avec la volonté de l’occuper perpétuellement. Pour avoir le quasi-domicile, il faut avoiren un endroit une résidence fixe, avec la volonté d’y habiter pendant la plus grande partie de l’année. Voir Domicile, t. IV, col. 1651.

Ceci posé, on considère comme étranger, voyageur (peregrinus), celui qui, aj’ant quelque part un domicile ou quasi-domicile, se trouve transitoirement en dehors de celui-ci, avec l’intention de ne rester que peu de temps dans cette résidence de passage. Le vagabond est celui qui n’a nulle part de domicile ou quasi-domicile.

Au regard du droit civil, l’étranger (extraneus). par opposition au citoyen (civis), est celui qui, habitant le pays, ne jouit pas de la nationalité. Ainsi, des trois acceptions différentes du mot étranger, la première se rapporte au lieu d’origine, la seconde au domicile ou quasi-domicile, la troisième à la nationalité.

2° Les étrangers et les lois ecclésiastiques particulières. — Les étrangers dont il est ici question, ce sont toutes les personnes qui, transitoirement, se trouvent en dehors de leur propre domicile.

Le principe fondamental en cette matière, c’est que, pour tomber sous l’obligation d’une loi, outre la connaissance de la loi, il est nécessaire : 1. que la personne soit sujet du législateur ; 2. qu’elle se trouve sur un territoire soumis à la loi. De là découlent les deux conséquences suivantes :

Les étrangers ne sont pas soumis aux lois particulières de leur domicile. En effet, les lois ne s’étendent pas en dehors du territoire pour lequel elles ont été promulguées ; et donc, l’étranger se trouvant en dehors du territoire soumis à une loi particulière, est soustrait à l’obligation de celle-ci.

Cependant les lois et les statuts des supérieurs réguliers conservent leur obligation en dehors du territoire de la juridiction du supérieur. La raison de cette exception apparente, c’est que la juridiction du supérieur régulier s’exerce, non pas en vertu du territoire, mais en raison du vœu d’obéissance, qui lie la personne du religieux à son supérieur.

Ce que nous avons dit des étrangers s’applique aux lieux exempts de la juridiction de l’évêque. Le lieu exempt doit, en effet, être considéré comme étant en dehors du territoire du législateur. Parmi les lieux certainement exempts sont compris les villes et les paroisses soumises à un autre évêque que l’ordinaire