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EUCHARISTIE D’APRES LA SAINTE ECRITURE


est un crime épouvantable, est-ce le mot qui convient pour dési’^ner la profanation d’un pain et d’un vin qui seraient seulement des symboles du Christ ? Go^îiiel, op. cit., p. 178, l’avoue : iBachmann observe avec raison que si l’apôtre dit coupable envers le corps et le sa ; < ? du Seigienr et non pas seulement coupable envers le Seigneur, c’est que pour lui le pain-corps et la coupe-sang sont réellement le Seigneur et non seulement des symboles. »

D’autres expressions de saint Paul appellent la même conclusion. L’indigne communiant, écrit-il, ne discerne pas le corps. S’appuyant sur la version éthiopienne, Spitta complète la pensée et croit pouvoir traduire : il ne discerne pas son propre corps, ne s’examine pas. Op. cit., p. 303, note 2. Mais, dans tout le morceau, il a été question du corps de Jésus et non de celui du fidèle ; saint Paul ne s’occupe pas ici des souillures qui’pourraient rendre mauvaise la célcliration de la réception du pain et du vin ; conçoit-on d’ailleurs qu’il ressuscite les impuretés légales de la loi mosaïque ?

Andersen, op. cit., p. 3-4, 47-52, admet que le corps dont il s’agit est bien celui de Jésus, mais il veut que ce soit le corps mystique. L’indigne communiant, c’est le Corinthien qui méconnaît l’unité de cet organisme, celui qui " méprise l’Église de Dieu » , comme le dit le y. -2. Ce sentiment se heurte à un fait ; partout, dans ce passage, Toiaa est opposé à a^V-a et désigne le corps matériel du Sauveur. Le v. 29, où se trouve l’expression discerner le corps, est parallèle au ♦. 27, dans lequel il est vraiment parlé de la chair et du sang réels de Jésus ; c’est donc à eux encore que s’applique la nouvelle recommandation. Force est de compléter mentalement du moins la parole de l’apôtre comme l’ont fait plusieurs manuscrits (>{, C, D, F, G, K, L, P, etc.) et versions par l’adjonction des mots ToC Kjp ; oJ : « celui qui ne discerne pas le corps du Seigneur. »

Selon Bitifîol, op. cit., p. 12, cette expression désigne « celui qui ne reconnaît pas ce qu’est l’eucharistie par rapport à la croix. » Assurément, puisque saint Paul montre dans le repas du Seigneur le mémorial de la passion, puisqu’il reproche aux Corinthiens de le dé igurcr tellement que ce caractère commémoratif disparaît, il présente l’indigne communion comme un oubli de la mort du Sauveur.."Mais cette idée n’est pas la seule qui soit présente à son esprit. L’eucharistie n’est pas pour lui qu’un rappel de la passion, elle est avant tout la participation au corps et au sang du Christ. Donc, ne pas discerner le corps, ce n’est pas seulement perdre de vue le rapport de l’eucharistie et de la croix, c’est aussi i.c jias traiter le pain comme le corps du Christ. Une formule très simple exprimera ces deux faces d’un même concept : ne pas discerner le corps du Seigneur, c’est ne pas apercevoir dans l’eucharistie le vrai corps immolé pour nous. Telle est, senible-t-il, la seule interprétation du mot de saint Paul qui rende plcinement compte de l’énergique flétrissure que l’apôtre inflige à la mauvaise communion. Mangenot, toc. cit., p. 265.

El il faut avouer aussi qu’une fols admise la présence réelle, le c lâtiment dont sont menacés les coupables se vériiie d’une manière plus littérale. Celui qui ne discerne pas le corj)S du Seigneur mange et boit son propre jugement. Il en est ainsi, dit IJatifloI, loc. cit., parce que ce chrétien indigne qui croit manger un aliminl commu i « va être responsable » du corps du Seigneur. Sans doute, mais comme la singulière locution (le l’apôtre s’iîxpliquc mieux encore si oi admet qu’elle signifle : le mauvais communiant mange et boit.Jésus, Juge des vivants et des morts.

Pour. : fTaiblir cette argumentation, des critiques ont souvent rapproché de ces menaces et de ces sévè DrCT. r » F. TllftOI, . CATIIOL.

rcs appréciations un texte de l’Épître aux Hébreux, X, 29, sur le péché d’apostasie : < De quel pire châtiment, lit-on, sera jugé digne celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, tenu pour profane le sang de l’alliance, … et qui aura outragé l’Esprit de grâce ? » Agir ainsi, c’est « crucifier de nouveau le Fils de Dieu et le livrer à l’ignominie, » vi, 6. C’est au sens métaphorique qu’il faut entendre toutes ces locutions. Il en irait de même des afilrmations de la P « Épitre aux Corinthiens sur l’indigne communiant.

Mais on doit se souvenir d’abord que la lettre aux Hébreux est une suite ininterrompue d’allégories et de comparaisons. Tout prépare à entendre au sens figuré les mots cités plus haut. Et les expressions choisies, bien que métaphoriques, désignent fort bien le crime du transfuge. Après avoir adoré Jésus, il le foule aux pieds comme auparavant il avait brisé les idoles, il tient pour profane et impuissant à se venger le sang dans lequel a été scellée son alliance avec Dieu, il outrage l’Esprit de grâce reçu dans l’initiation chrétienne. Au contraire, les mots « être coupable du corps et du sang du Seigneur « désignent assez peu clairement le mépris d’une figure de la passion ou de la personne du Sauveur. Et le langage de la lettre aux Corinthiens a quelque chose de particulier, c’est la mention du corps de Jésus. Sans doute, il est dit dans l’Épître aux Hébreux que l’apostat « foule aux pieds » le Fils de Dieu, qu’il le « crucifie » . Mais évidemment ces expressions ne peuvent s’entendre à la lettre. Le crime flétri est semblable à celui qu’on commettrait si on foulait aux pieds Jésus, à l’attentat dont furent coupables ses bourreaux. Ici, au contraire, les mots <i responsable du corps et du sa ; ig du Seigneur » ne s’expliquent pas iileinement si m ne les entend au sens littéral et rien n’empêche de le faire. Enfin, il est permis de se demander si l’Épître aux Hébreux eu ces passages ne désigne pas entre autres crimes la mauvaise communion ; et, s’il eu était ainsi, on s’expliquerait à merveille la similitude du langage. Le c. vi, ꝟ. 4, définit le coupable : « celui qui ayant été éclairé (initiation au baptême), ayant goûté le don céleste (eucharistie), étant devenu participant de l’Esprit (imposition des mains) est pourtant tombé. » Et la définition du c. X, V. 29, ne correspond-elle pas à la précédente ? Il s’agit de celui q.ii aura foulé aux pieds le Fils de Dieu (le baptême incorpore A Jésus), tenu pour profane le sang de l’alliance (eucharistie), outragé l’Esprit (imposition des mains). Ces rapprochements ne peuvent être tentés que timidement. Ils ne sont pas nécessaires d’ailleurs et les considérations iirésentées auparavant suffisent à montrer qu’il est impossible d’en a-^peler à l’Épître aux Hébreux pour justifier une explication au sens figuré du langage de la lettre aux Corinthiens sur les châtiments de la m.uivaisc communion.

Les destinataires auxquels saint Paul écrit avaient dû constater les suites terribles de leurs fautes. Heaucoup parmi les Corintliiens étaient malades et étaient morts, ce que la suite oblige à interpréter et ce que bon nombre de commentateurs entendent au sens littéral. Une punition salutaire avait atteint ceux qui, ne s’étant pas jugés eux-mêmes, c’est-à-dire n’ayant pas examiné avec quelles dispositions ils prenaient part au repas du Seigneur, avaient été châtiés par lui pour n’être pas condamnés avec le monde.

Saint Paul exige donc qu’avant de recevoir le corps de Jésus, cliacun <i’éproiive, %’examinc, se juge, 28, 31, et par conséquent se corrige, si c’est nécessaire, rectifie ses intentions et s i conduite, réprime ses fautes afin qu’elles ne soient pas réprimées par Dieu. Et précisant sa pensée afin d’att iquer plus (iir.ctement les abus constatés â Corinthe, l’apôtre ajoute : « Altendez-vous les uns les autres pour fireadrc le repas du

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