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Donc, à tout le moins, d’après saint Paul, la coupe représente et rappelle cette immolation. « Quiconque était familier avec l’Ancien Testament pouvait-il comprendre l’alliance dans le sang du Christ, sinon en l’entendant d’une mort offerte en sacrifice ? » Stevens, The iheology of the New Testament, ÉdimLourg, 1901, p. 132.
Mais là ne s’arrête pas la pensée de saint Paul. Il sait que la coupe de bénédiction est une participation réelle au sang du Christ, qu’au moment de l’institution de l’alliance mosaïque, le peuple fut arrosé réellement par le propre sang des victimes, il croit donc que la coupe de la dernière cène fut » une anticipation du sang répandu sur la croix, » Batiffol, op. cit., p. 8 ; que l’institution chrétienne n’ayant pas été scellée (lans du viii, la coupe n’aurait pas été cette nouvelle alliance si elle n’avait pas contenu le sang du Seigneur. Mangenot, loc.cil., p. 260. « Si l’on tient compte du parallélisme avec la première consécration : « Ceci Il est mon corps » qui semble exiger comme pendant : « Ceci est mon sang ; » si l’on se reporte aux paroles de l’Exode rappelées dans la formule ; si enfin l’on réfléchit que, dans tout ce contexte, saint Paul emploie indifféremment les locutions « boire le calice » et « boire le sang du Segneur » comme absolument synonymes, on n’hésitera pas à conclure que la nouvelle alliance dans le sanj équivaut au sang de la nouvelle alliance. » L’elTet est nommé pour la cause. Prat, op. cil., t. I, p. 170-171. Si le sang des taureaux du sacrifice mosaïque ne fut pas consommé par les fidèles, mais seulement versé sur le peuple, du moins y eut-il contact physique, union dans un véritable sang entre Jahvé et Israël. Et si, en raison de la loi mosaïque, le sang d’un animal ne devait pas être consommé sans sacrilège parles Israélites, au contraire, on ne pouvait, sans commettre un sacrilège plus épouvantable encore, jeter sur les disciples le sang du Christ. Les modes divers de participation à la victime s’expliquent précisément par ce fait que, dans l’un et dans l’autre cas, il s’agit d’un véritable sang : on ne traite pas de la même manière celui des animaux et celui de Dieu.
Peut-on aller plus loin et penser que la communion à la coupe sacrée était non seulement une participation au sacrifice de la croix, mais déjà un sacrifice ? La formule est trop concise pour qu’il soit possible d’en dégager avec certitude cette conclusion.
Après avoir distribué son sang, Jésus ajoute : « Faites cela, toutes les fois que vous boirez, en mémoire de moi. » C’est de nouveau l’ordre de réitérer la cène. Le Christ le répète, comme pour mieux affirmer que chacun des actes accomplis par lui doit être renouvelé, que la succession sera la même et que les rites auront une signification et une valeur identiques. Les mots « toutes les fois que vous boirez » ne prouvent pas qu’à chacun de ses repas le chrétien doit faire mémoire du Sauveur, car aussitôt après avoir rapporté ces paroles du Seigneur, saint Paul les commente ainsi : toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez celle coupe, vous annoncez la mort du Seigneur.D’ailleurs, le ^^ 25 pourrait se traduire ainsi : Faites ceci, c’est-à-dire ce que j’ai fait, chaque fois que vous buvez en mémoire de moi. Cette interprétation a pourtant le tort de porter atteinte au parallélisme qui doit rapprocher cette formule de celle qui fut prononcée après la consécration du pain. M. Goguel, op. cit., p. 153, a supposé que les mots : « chaque fois que vous buvez » s’expliquent par le fait que les Corinthiens ne prenaient du vin qu’au repas eucharistique, ce qui n’est ni nécessaire ni démontré. La recommandation de l’apôtre, qui paraît trop concise, s’explique fort bien : prononcée en ce moment, elle ne peut s’appliquer qu’à un repas semblable à celui qui se célèbre. Batiffol, op. cit., p. 10 ;
Mangenot, loc. cil., p. 261. La pensée est claire : la Pâque se célébrait une fois par an, la répétition de la cène pourra, devra avoir lieu beaucoup plus souvent, un nombre de fois indéterminé.
c. Recommandalions de saint Paul sur la célébration du repas du Seigneur, 26-34. — L’apôtre a maintenant le droit de conclure et de rappeler aux Corinthiens leurs devoirs. Sa pensée s’unit étroitement à celle du Maître dont il reprend et paraphrase la dernière parole : Le repas du Seigneur n’est pas un banquet vulgaire : chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez (ou annoncez, impératif) la mort du Seigneur. Saint Paul rappelle donc l’institution de l’eucharistie par le Christ et son caractère de commémoraison de la passion du Sauveur. Inutile de supposer, comme l’a fait Weizsacker, op. cit., p. 575, qu’un récit ou qu’un discours rappelait expressément à la cène chrétienne la mort de Jésus. C’est la répétition de l’acte accompli par le Christ la veille de sa mort, acte par lequel il faisait participer les siens à son immolation sanglante, qui est la vivante prédication du Calvaire. Et ce rappel se fera jusqu’à la parousie, jusqu’à ce que le Christ vienne. La perspeclive eschatologique est discrètement entrevue. Se souvenir des bienfaits de Jésus, communier à son corps et à son sang permettra d’attendre son retour.
Si tels sont le contenu et le sens du repas du Seigneur, sa profanation ne peut être qu’un crime très grave. Avec la plus grande énergie saint Paul blâme les abus commis à Corinthe dans la célébration du repas du Seigneur et indirectement, car sa phrase a une portée universelle, toute réception « indigne » de l’eucharistie.
Son langage paraît onfirmer la doctrine de la présence réelle. La plupart des catholiques, Viseman surtout, op. cil., col. 1286 sq., l’ont fort bien démontré ; plusieurs critiques non croyants le reconnaissent. « Celui qui mangerait le pain ou boirait le calice du Seigneur d’une manière indigne serait coupable du corps et du sang du Seigneur. » Le mot « coupable » , àvo’/oç, reus, a été rapproché par Batiffol, op. cit., p. 11-13, et Toussaint, op. cit., 1. 1, p. 373, d’une parole de Jahvé à Ezéchiel, iii, 18 : « Quand je dirai au méchant : « Tu mourras, » si tu ne l’avertis pas… pour lui sauver la vie, … je redemanderai son sang de ta main. » De même l’indigne communiant sera responsable du corps et du sang du Seigneur. Pour rejeter cette explication, il suffit de remarquer que le mot svo/o ; n’est pas dans le prophète et que l’idée rendue par lui n’a aucun rapport avec celle qu’enseigne l’apôtre. Celui qui j ar son silence laisse son frère mourir est responsable, telle est la pensée exprimée par Ézéc-hiel ; saint Paul ne dit pas que par sa négligence l’indigne communiant fait mourir Jésus.
En réalité, le mot v/oyo ;, littéralement lié à, est employé par le Nouveau Testament dans le sens de passible de, Matth., xxvi, 66 ; Marc, xiv, 64 (passible de la mort) ; Marc, iii, ’-9 (passible pour un délit). Et da ;.s saint Jacques, ii, 10, on lit : celui qui a péché contre un seul commandement est Ëvoy..-. responsable de tous, coupable envers tous. L’indigne communiant est donc lié au corps et au sang du Christ, coupable envers eux, passible du châtiment que mérilent ceux qui offensent ce corps et ce sang. C’est une expression semblable à celle qu’emploie le droit pour désigner le crime de lèse-majesté, reus majestatis, c’est-à-dire majestatis Isesse. Si l’eucharistie est une simple figure, un mémorial vide, l’expression s’explique beaucoup moins bien. Un crucifix est une image de Jésus ; celui qui le foule aux pieds commet une faute contre le Christ, mais dira-t-on qu’il insulte sa chair ? Un attentat à ce corps et au sang de Jésus