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EUCHARISTIE D’APRES LA SAINTE ECRITURE


huent à Jésus lui-même l’institulion de l’eucharistie et l’ordre de renouveler la cène sont-ils authentiques ? Sont-ils concordants ou, au contraire, par leurs divergences, ne permettent-ils pas de découvrir sous leur forme actuelle une source primitive muette sur ces importantes actions" ? Émanent-ils de témoins sûrs, l)ien informés ? Le catholique doit le démontrer aujourd’hui, car la controverse sur l’eucharistie porte surtout sur ces questions. Quand il a établi ces conclusions, il peut donner la contre-épreuve, prouver que si on ne fait pas remonter au Christ l’institution (l’un tel rite, on aboutit à d’irrecevables hypothèses.

1. Jésus a fait et dit ce qu’affirment les Évangiles et saint Paul. — a) Les témoignages des écrivains du Nouveau Testament sur la cène sont authentiques. — C’est à peine si un ou deux critiques non croyants mettent en doute l’origine paulinienne de la I"^* Épître aux Corinthiens (Bruno Bauer, Stcck, ^an IVlanen) et il est aujourd’hui d’usage, même dans les milieux non catholiques, de ne faire aucun cas de leur sentiment. Volter, Paulus und seine Briejc, Strasbourg, 1905, p. 32 sq., a cru découvrir dans cette lettre plusieurs interpolations : ce n’est pas saint Paul qui aurait rédigé le c. x où se trouve, 17-22, la comparaison entre les sacrifices pa’iens, les sacrifices juifs et le rite chrétien. Et dans les recommandations de l’apôtre sur le repas du Seigneur, le récit de la cène accomplie par Jésus, xi, 23-28, serait une interpolation. Volter, pour démontrer cette affirmation s’appuie sur des contradictions qu’il prétend apercevoir entre ce qu’il attribue à saint Paul et ce dont il lui refuse la composition. Mais il est le seul qui les observe et tout, au contraire, dans les ch. x et xi, semble accuser un même auteur. Les critiques non croyants sont jMcsque tous d’accord sur ce point avec les catlioli ques et les protestants conservateurs. Inutile donc de prouver plus longuement que saint Paul a raconte l’institution de l’eucharistie.

Plus difficile est la question soulevée par l’existence des diverses recensions du texte de Luc. Quelle est la leçon primitive ? Zahn s’est prononcé en faveur de la version attestée par la curctonienne, Einleitung in das Neue Testament, Leipzig, 1900, t. ii, p. 360 ; personne ne l’a suivi et il est difficile de comprendre comment ce texte aurait pu donner naissance aux autres. CL Gogucl, op. cit., p. 113.. la suite de Westcotl et de Mort, un grand nombre de critiques croient que la reccnsion courte émane de Luc : telle est, en particulier, l’opinion d’Andersen, op. cit., p. 20, et de Loisy, op. cit., t. I, p. IGO ; t. II, p. 528. Le troisième Évangile n’aurait donc mentionné ni le récit de la consécration de la coupe, ni l’ordre de réitérer la cène. Blass, Evangelium secundum Lucam, Leipzig, 1897, supposant que Luc a donné deux éditions de son ouvrage, soutient même que la première ne contenait pas les versets 19 et 20 ; dans la seconde il aurait inséré le V. 19 a, qu’un copiste aurait complété par l’addition (les versets 19 b et 20.

L’authenticité du texte long a été défendue non seulement par les catholiques (Berning, Batiffol), mais encore par beaucoup de critiques protestants et incroyants (Tischendorf, Merx, Spitta, Julichcr, Schmiedcl, W. Schmidl, Schultzen, H. A. Hoffinann, Crcnier, Resrh, Lichlenstein, l’eine, O. Holtzmann, Clemen, V. Bauer, (iogucl, etc.). D’excellents arguments ont été invoqués en faveur de cette thèse. Sans doute, la reccnsion courte est très ancienne, attestée par deux traditions (non concordantes), l’une occidentale, l’autre syriaque..Mais le texte long a pour lui tous les manuscril.s grecs sauf D, la plupart des minuscules et des versions : c’est le seul r|ue connaissent les anciens écrivains ecclésiastiques.

L’examen critique des textes est favorable à la

leçon longue. Si les versets 196-20 avaient étésurajoutés, pourquoi l’interpolateur n’aurait-il pas aussi emprunté à Paul l’ordre de réitérer la consécration du vin ? Si, primitivement, l’Évangile de saint Luc ne parlait que d’une coupe, comment un chrétien aurait-il pu le modifier assez maladroitement pour qu’il soit permis de se demander si, dans la leçon longue, il n’est pas question de deux coupes distinctes, alors que l’usage liturgique n’en admettait qu’une ? D’autre part, tous les éléments contenus soit dans le texte court, soit dans les versions syriaques se retrouvent dans la leçon longue ; au contraire, ni D, ni la Pcschito, ni la curctonienne, ni la ludovisicnne ne contiennent tout ce qui est dans les autres recensions. Ainsi, toutes les formes autres que la longue ne mentionnent qu’un calice, et dans cliacune d’elles la réduction des deux coupes est opérée d’une manière particulière. Cette diversité s’explique fort bien si chacun des rédacteurs a voulu remanier ; irbitrairement un texte où il était parlé de deux coupes, ne se comprend guère si primitivement il n’y en avait qu’une. Comment expliquer que Luc se soit arrêté après avoir raconté la consécration du pain ? Il veut évidemment décrire l’institution de l’eucharistie, puisqu’il commence ce récit. Aurait-il eu un oubli ? C’est invraisemblable. Désirait-il rectifier les narrations des autres témoins ? Rien ne trahit cette intention. La tradition tout entière, les liturgies sont en opposition avec le récit du texte court. Et les omissions de cette reccnsion ne peuvent s’expliquer par des conceptions doctrinales, soit juda’isantes, soit pagano-chrétiennes, soit hérétiques ; la consécration du pain n’est-elle pas relatée dans des termes semblables à ceux qu’emploient les deux autres Synoptiques ?

On peut deviner d’ailleurs pourquoi, si le texte long était primitif, des copistes l’ont raccourci. Il y était parlé deux fois d’une coupe. 17-18, 20. Or, il n’en était ainsi ni dans les trois autres récits, ni dans les liturgies. Des rédacteurs se sont crus en face de doublets, aussi ont-ils voulu harmoniser la narration de Luc avec celles des deux autres Synoptiques et avec l’usage. Dire que la méprise est impossible est une affirmation gratuite. Beaucoup de variantes du manuscrit D accusent un transcripteur négligent. Mais, objecte-t-on, il aurait dû supprimer la coupe des versets 17 et 18 plutôt que celle du verset 20. C’est évidemment ce qu’il aurait dû faire s’il avait été adroit, rien ne prouve qu’il l’était. Et, précisément, c’est ce qu’ont réalisé la Pcschito et la ludovisicnne.

Les partisans de D font observer qu’ils rendent très bien compte du motif de l’addition des versets 19 b et 20 par un copiste. Le texte court de Luc paraissait étrange. A l’aide de ses souvenirs, ou de traditions orales ou d’emprunts auprès de saint Marc et de l’ÉjJÎtre aux (Corinthiens, le transcripteur l’aura complété. La première moitié du. 20 est prise dans la lettre de saint Paul, la seconde moitié dans le deuxième Évangile. Or saint Luc, pour rédiger les Actes, n’a jamais utilisé les Épitres ; donc il ne s’en est pas servi non plus ()our composer son Évangile. Enfin, l’omission de l’ordre de réitérer la consécration de la coupe, l’insertion peu correcte du dernier iiarticipe, V. 20, il T(f) auaT : po’j TÔ ÛTièp’., )uyi i/./y1161.i’iv, semblent être des maladresses et, comme ielles, elles paraissent plutôt imputables ; ’i un scribe inexpérimenté qu’à l’évangéliste.

Mais il est facile de répondre que les versets 19 &-20 ne correspondent littéralement à aucun autre des trois récits de la cène ; le texte long ne reproduit servilement ni le récit de saint Marc ni même celui dr saint Paul. Il omet, ajoute, niodilic. Et même si 19 /) 2(1 étaient identiques au passage concspondant de l’apôtre, on ne devrait pas conclure immédiatement