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EUCHARISTIE D’APRÈS LES PÈRES


ciel. C’est faute de tenir compte de ce rapport entre ce qui est et ce qui sera, qu’on prête aux expressions de saint Ambroise un tout autre sens que celui qu’il leur donne. Saint Ambroise a pu dire, sans se contredire le moins du monde et sans enseigner une présence du Christ en figure, que l’eucharistie, qu’il sait et qu’il dit être vraiment le corps et le sang du Christ, est une image et que la vérité sera dévoilée au ciel. Voir t i col. 950.

5. L’auteur du De sacramentis.

Cet ouvrage du De sacramentis est à rapprocher du De mijsteriis, bien qu’il ne soit ni de saint Ambroise, ni même d’origine milanaise. Aubertin et Daillé en faisaient une œuvre du vii « ou viiie siècle. Il faut y voir, au contraire, avec Mgr Duchesne, Origines du culte, Paris, 1898, p. 169, et A. Baumstark, Liturgia romanae liturgia deW Esarcato, Rome, 1904, p. 161-162, un ouvrage des environs de l’an 400, composé dans le nord de l’Italie, où l’usage romain se combinait avec celui de Milan| peut-être à Ravenne.

Ne nous arrêtons pas à ce passage qui précède la consécration : Fac nobis hanc oblalionem ascriptam, ratam, rationabilem, acceptabilem, quod figura est corporis et sanguinis Domini nostri Jesu Christi. De sacr., IV, 21, P. L., t. XVI, col. 443. Le pain et le vin ne sont pas encore consacrés, et ils sont qualifiés de figure du corps et du sang du Christ. Pour le reste, l’auteur s’inspire visiblement du De mysteriis. Tu forte dicis : Meus panis est usitatus. Sed panis iste panis est anie verba sacramentorum ; ubi accesserit consecratio, de pane fit caro Christi… Quomodo potest qui panis est corpus esse Christi ? Consecratione. Consecratio autem quibus verbis est, cujus sermoni bus ? Domini Jesu. De sacr., IV, 14, col. 439-440. 5/ ergo tanta vis est in sermone Domini Jesu ut inciperent esse quæ non erant, quanto magis operalorius est ut sint quæ erant et in aliud commutentur ? Ibid., 15, col. 440. Ergo didicisti quod ex pane corpus fiât Christi, et quod vinum et aqua in calicem mittitur ; sed fil sanguis consecratione verbi cœlestis. Ibid., 19, col. 441. Antequam consecretur, panis est ; ubi autem verba Christi accesscrint corpus est Christi… Et cuite verba Christi calix est vint et aquæ plenus ; ubi verba Christi operata (uerint, ibi sanguis Christi efficitur, qui plebem redemit. Ibid., 23, col. 444.

Le pain, traité d’image du corps du Christ avant la consécration, n’était encore que du pain ; et de même le vin n’était que du vin. Survient la consécration : le pain devient corps, le vin devient sang. La présence réelle est donc nettement affirmée ; et c’est une même efficacité miraculeuse et transformatrice qu’on attribue aux paroles de la consécration ; et c’est d’une conversion semblable à celle du De mysteriis qu’il est question ici ; mais c’est aussi une pareille discrétion dans l’explication du changement qui s’opère. C’est beaucoup néanmoins que la mise en relief de l’idée de conversion : l’affirmation du fait sollicitera son examen, et provoquera des explications jusqu’à ce que, la controverse aidant et des interprétations erronées menaçant de dénaturer cette conversion, l’Église intervienne et définisse le dogme de la conversion. L’auteur du De sacramentis ne va pas jusqu’à dire, comme saint Ambroise, que le corps de Jésus-Christ est dans l’eucharistie d’une manière spirituelle ; et tout en écartant l’idée d’une manducation grossière et ordinaire de ce corps, il tient un Jangage qui semble contredire ce qui précède, car il parle d’une similitude reçue qui assure la grâce et la vertu de la réalité : in simililudimm quidern arcipis sacramentum, sed vcre naturæ gratiam virtutrmque consequeris. Ibid., vi, 3, col. 455. Mais ce n’est là qu une impropriété d’expression, qui marque l’absence d un langage théologique ferme et arrêté, car l’auteur

a soin de dire, quelques lignes plus loin, qu’en recevant la chair, on participe à la substance divine du Christ : Tu qui aecipis carnem, divinæ efus substantiæ in illo participaris alimenta. Ibid., vi, 4, col. 455.

V. A PARTIR DU V® SIÈCLE, EN ORIENT. — 1° Dans

le premier quart du ve siècle. — Deux témoignages s’offrent d’abord à nous, où se marque une tendance assez nette pour écarter du langage eucharistique les termes de tûtioç, (t-J ! j.oo)oç, et autres semblables, qui pouvaient prêter à l’équivoque. L’un est de Théodore de Mopsueste (f vers 428), qui, dans son commentaire sur saint Matthieu, fait cette remarque : « Le Christ n’a pas dit : « Ceci est le symbole de mon corps, et ceci « de mon sang, « mais : « Ceci est mon corps et mon « sang, » nous apprenant par là qu’il ne faut pas considérer la nature de ce qui est offert, mais que, par l’intervention de l’action de grâces, il y a conversion au corps et au sang. » Oùx sluetoOtô èati to <7j[j.go>, ov toO ToSixaTÔ ; nou, y.ai toOto to-j a"( ;.aTÔç (jlo-j, àWà’tovtô in-zi. TÔ (TM^â [XO’J v.(x. TO alpià (lo-j, SiSotffxMv r, tJiîç (l, -^ upô ; tt)’/ çûciv ôpâvTO-j upoy.=’.[x=vou, àX), àTïiçyEvo[j17r, çeùxa’pi(71 : ca ; etç (jipv.% xai at|JLa !  ;.îTaoâX).E(rGai. In Matlh., xxvi, 26, P. G., t. Lxvi, col. 713. C’est tout à la fois l’affirmation de la présence réelle et de la conversion du pain et du vin au corps et au sang du Christ.

Non moins significatif est le témoignage d’un contemporain de Théodore, celui de Macarius Magnés : Aaêwv (6 XptCTTo ;) aptov xal Ttor/ipiov eÏtc" to-jtô £<7Ti TÔ o-(ônâ^ij.ou xa-i TÔ al|j.â f/.ou. Où yàp xûitoc (761(j.aT01 ; oOôk TUTTo ; a([ ;.aTOç, wç -tveî èppa4’(î>6-/i(7av TrsTTojptotxévoi tôv voûv, àXXot y-arà àXviOsiav uoifia y.a’i ai(j.a Xpimo-Z, ÈiiEiSri TÔ (7(5(ia àTTÔ yriç, iTib yr, ; 6’ô apTo ; ô ; j, o : (, ) ; y.a, ’, otvoç. ATTOTpsTTTiy.ôç, iii, 23, édit. Bloudcl, Paris, 1876, p. 105 106.’Signalons simplement une allusion faite par Théophile d’Alexandrie, dans sa lettre pour la fête de Pâques de 402, à l’invocation du Saint-Esprit sur le pain et le vin de l’eucharistie. Parmi d’autres erreurs qu’il reproche à Origène, il relève celle d’avoir dit que le Saint-Esprit n’opère pas dans les êtres inanimés ou dépourvus de raison. Il oublie, dit-il, les eaux du baptême consacrées jiar la venue mystique du Saint-Esprit ; il oublie aussi panemque dominicum, quo Salvatoris corpus oslenditur, et quem frangimus in sanctificationem noslri, et sacrum calicem, quæ in mensa ecclesiæ collocantur et utique inanima sunt, per invocationem et adventum Sancti Spirilus sanctificari. Trad. de saint Jérôme, Epist., xcviii, 13, P L t. XXII, col. 801.

Mais bientôt, à l’occasion des hérésies de Nestorius et d’Eutychès, la question christologique ne fut pas traitée sans provoquer quelques rapprochements entre le dogme de l’incarnation et celui de l’eucharistie. Le danger était de fausser ces rapprochements en les exagérant ; car s’il existe entre ces deux dogmes certaines analogies, il n’y a pas de similitude complète. On le vit bien lorsque, par i rainte du monophvsisine et pour sauvegarder dans l’incarnalion l’existence de deux natures dans l’unité de personne, on en vint à introduire le dyophysisme dans l’eucharistie. L’écrivain qui a dévelojipé le plus cette opinion erronée fut Théodoret ; les autres qui l’ont partagée ne font connaître qu’une école et qu’une époque, l’école antiochienne du ve siècle. Cf. Lebreton, Lr dogme de la transsubstantiation et la christologie antiochienne au v siècle, dans les Études, Paris, 1908, t. cxvir, p. 477 sq. ; ou dans le Report du XIX-’congrès eucharistique international, Londres, 190 ! ’, p. 326-340. Ils n’ont pas réussi à modifier la doctrine traditionnelle, telle que saint Cyrille d’Alexandrie venait de la confirmer, à la suite des Pères grecs, ses prédécesseurs

2° Nestorius († 451). - Jusqu’à la publication du Livre d’Héraclide, composé par Nestorius peu de temps