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EUCHARISTIE AU XW^ SIÈCLE EN OCCIDENT


n’ont aucun but polémique avoué, à moins qu’il ne faille y voir une réponse indirecte aux attaques des cathares et des autres sectes hérétiques qui niaient l’eflicacité du sacrifice de la messe pour les défunts, voir plus haut : tel le récit de Renier, moine de Saint-Laurent à Liège († 1182) : De milite captiva et per salutarem hoitiam liberato, dans le De conflictu diiorum animorum, libellus secundus, P.L., t. cciv, col. 85-90. Il en est parmi elles qui traduisent les préoccupations des livres scolaires de l’époque, comme celles que Beaugendre a gratuitement attribuées à Hildebert sur les trois parties du corps du Christ : qaid divisio corporis Christi in trcs parles signifîcct, P.L., t. clxxi, col. 1280, 1406 : question devenue classique depuis les interprétations ultrasjmboliques d’Amalaire de Metz. Des pièces plus longues redisent, en des vers d’un mérite souvent problématique, l’enseignement théologique des écoles, tels le Liber de sacra cucharistia qui contient en réalité deux petits poèmes de Pierre le Peintre, chanoine de Saint-Omer, L. Delisle, Cabinet des manuscrits, Paris, 1874, t. ii, p. 453, et non d’Hildebert du Mans, comme le donne à croire l’édition de Beaugendre, P. L., t. clxxi, col. 1195-1212, ni de Pierre de Blois, comme le voulaient Budée et Goussainville, P. L., t. ccvii, col. 1135. Voir Hauréau, Mélanges poétiques d’Hildebert de Lavardin, 1882, p. 95-101 ; Notices et extraits de quelques manuscrits, Paris, 1892, t. v, p. 210-228. En dépit de leur mince valeur poétique, ces pièces conservées dans beaucoup de manuscrits offrent de l’intérêt, car elles remontent au début du xii<e siècle et conservent encore l’écho de questions telles que celles du Cur Deus homo, P. L., ibid., col. 1199-1200, et de la valeur du sacrement indépendamment du ministre, col. 1201-1202, ou des controverses sur la présence réelle du vrai corps du Sauveur, col. 1199, 1205, etc., la conservation de son intégrité malgré les multiples communions, col. 1201, l’adjonction d’eau au viii, col. 1195, 1204, etc. D’un caractère plus liturgique que théologique sont les Versus de sacrificio missæ, avec préface de Pierre Gaillard du Mans, dus à la plume d’Hildebert. C’est une paraphrase rimée des cérémonies et surtout des prières de la messe, P. L., ibid., col. 1175-1196, et un remaniement poétique de l’écrit d’Yves de Chartres sur la matière, comme le montre Franz, Die Messe im deutschen Mittelalter, Fribourg-en-Brisgau, 1902, p. 451, dont nous avons diverses fois utilisé l’ouvrage dans ce paragraphe. L’élévation n’y figure pas’encore, col. 1153. Les écrits d’Hildebert sur le saint-sacrement étaient fort goûtés par Guillaume de Malmesbury, tout comme ceux d’Amalaire qu’il résume. Abbreviatio Amalarii, inédit, ms. de Lambeth, 39, et ceux d’Yves de Chartres (voir la préface et l’épilogue de son résumé dans la Determinatio Joannis Parisiensis prœdieatoris Parisiensis, de modo existendi corpus Christi, éditée par Jean Alix, Londres, 1686, p. 82, 84).

Citons encore des vers sur les trois messes de Noël, sur la pénitence requise avant la communion et l’action de grâces, etc. Ibid., col. 1439, 1426, 1440, etc.

5° Œuvres de systématisation : théologiens et canonisles. — - 1. Premiers dossiers pairistiques et recueils canoniques. — Ce que nous venons de dire sur les traités particuliers, les sermons, les correspondances, les travaux liturgiques de l’époque, nous a déjà ouvert une échappée de vue sur l’enseignement des écoles dont ces produits sont souvent le relief. Pénétrons davantage maintenant dans ces groupes scolaires et voyons la doctrine de l’eucharistie systématisée par les Sentenciers et les Sommistes. La liste des anciens recueils de Sentences où l’on se contentait d’aligner les textes de la Bible et des Pères, en les introduisant par une courte indication de leur contenu doctrinal,

est virtuellement fermée par Anselme de Laon, totius orbis latini lumen (Sententiæ, iniidites, ms. lat. B. N., 16528, fol. Ist]. ; voir Hauréau, .Journal des savants, juillet 1895), dont l’érudition patristique, un peu compacte, est reconnue par un élève aussi hautain qu’Abélard. Celui-ci ajoute la documentation pour et contre de son Sic et non. P. L., t. clxxviii, col. 1329-1611. Alger de Liège, si les Sententiæ mugistri A (inédites, ms. Troyes, Paris, Vatican ; voir Alger, 1. 1, col. 827) sont de lui, rentre plutôt dans le groupe des anciens Sentenciers enregistreurs. A côté d’eux se placent les collections canoniques qui leur fournissent beaucoup de leurs textes. C’est dans cette double série de recueils que les Sommistes trouveront en tout ou en partie leur dossier patristique ; d’aucuns l’enrichiront de lectures personnelles dans les originaux ; mais l’apport des collections canoniques, notamment dans la partie sacramentaire, est incontestable. Cf. P. Fournier, Les collections canoniques attribuées à Yves de Chartres, dans la Bibliothèque de l’École des chartes, 1897, t. lviii, p. 293, 410 ; Deux controverses sur les origines du Décret de Gratien, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1898, t. iii, p. 97, 253 ; Annat, La documentation patristique de Pierre Lombard, dans le Bulletin de littérature ecclésiastique, 1906, p. 88 ; Gillmann, Die Siebenzahl der Sakramenten bei der ersten Glossaloren des Dekrels Gratians, dans Der Katholik, 1909, etc. En outre, les courtes suscriptions en tête des canons donnent le contenu de toute la doctrine ; par leur précision, leur fréquent usage ecclésiastique et l’estampille quasi officielle qui les « autorise » (authorizare, authenlicus, etc.), ces chapitres guident l’exposé du théologien somnùste : sa route est nettement balisée. Il ne lui reste plus qu’à harmoniser et à systématiser en un corps d’ensemble la doctrine contenue.

Une courte comparaison entre le recueil classique du xie siècle dû à Burchard de Worms, aidé par Olbert de Gembloux (vers 1025), et celui d’Yves de Chartres (un peu avant 1100), donne une idée très nette du chemin parcouru. Les 63 canons du 1. V de’BiTc]avà, De sacramentis corporis et sanguinis Domini, P. L., t. cxL, col. 749-762, insistent surtout sur le côté pratique : matière du sacrement, vases sacres, fréquentation, pureté de conscience, etc., il n’a que peu ou pas de canons relatifs au dogme de la présence réelle ou de la conversion. Même Anselme de Laon est bien sobre sur ces matières ; s’il a collectionné quelques-uns des bons textes, les suscriptions qu’il y a mises sont sans importance (ms. Bibl. nat., 16528, fol. 1719, 97 sq.). Tout autre est le 1. I, can. 123-162, de la Panormia d’Yves de Chartres : titre et contenu des canons sont significatifs pour la présence réelle, la conversion, la permanence des espèces, etc. P. L., t. CLXi, col. 1071-1084. Voir aussi le Decretum, H, 1 sq., col. 135-206, dont les rubriques sont cependant inférieures à celles de la Panormia. Même progrès dans d’autres collections canoniques que nous ne pouvons développer en ce moment, pas plus que nous ne pouvons nous étendre ici sur les sources qui ont ahmenté le dossier des recueils chartrains. Cf. Fournier, toc. cit. Toutes d’ailleurs trouvent leur couronnement dans Gratien, dont le De consecratione, dist. III, est si largement mis à profit par Pierre Lombard. Nous en parlerons plus loin à propos de la transsubstantiation ; ce chapitre montrera par un exemple l’utilisation des dossiers canoniques par les théologiens. Avant cela, les Sententiæ attribuées à Alger de Liège (ms. Bibl. nat., lai. 3881) avaient beaucoup puisé chez Yves. Fournier, ibid.

Si l’on veut se rappeler l’importance de ces recueils canoniques dans la vie ecclésiastique et le renom de leurs auteurs au xii’e siècle (presque tous les premiers