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EUCHARISTIE AU XI1 « SIÈCLE EN OCCIDENT


commentateurs de Gralicn seront revêtus de la dignité cpiscopale ou même cardinalice), on comprendra sans peine quelle précision dans la pensée et quelle fixité dans la transmission ces recueils devaient donner à la doctrine. En effet, quand on passe des collections canoniques aux nombreux Sentenciers du xiie siècle, un premier fait qui s’impose à l’attention est la reproduction continuelle des mêmes idées, des mêmes remarques, des mêmes expressions, des mêmes préceptes, des mêmes citations, que celles qu’on a rencontrées chez les canonistes. Même le De sacrameniis de Hugues de SaintVictor, qui tranche si fortement sur les produits des Sommistes proprement dits, est loin de faire exception. Chez tous, la pensée s’est imprégnée de l’héritage des siècles antérieurs, l’édifice a fait entrer dans sa construction les matériaux accumulés qu’on peut aisément reconnaître, car ils n’ont pas toujours été équarris à neuf ni taillés à leur nouvel alignement. Plus tard, dans la seconde moitié du xiie siècle, les canonistes qui commentent le Décret de Gratien ne manqueront pas de tirer parti de cette systématisation opérée par leurs confrères ; leurs expressions dans la III" partie, le De consecralione, s’en ressentiront maintes fois, chez Huguccio notamment ; plusieurs, comme Roland, Sicard, etc., sont, du reste, théologiens en même temps que canonistes. Voyons comment ces matériaux, qui charrient en quelque sorte les données révélées, ont été mis en œuvre dans les travaux de la systématisation rationnelle du dogme.

2. Sommistes. — a) Jusqu’à Pierre Lomlxird. — Parmi ces Sommistes ou Sentenciers qui se chargent de ce travail, on peut distinguer divers groupes. Nous avons déjà rappelé le nom d’Anselme de Laon, le célèbre docteur des docteurs, comme dit Jean de Salisbury, de la principale Schola divinilalis, qui ouvre le xii’e siècle par un enseignement aussi brillant pour son époque qu’éphémère dans ses résultats : Anselme se contentait à peu près d’une nomenclature de textes, c’est ce qui ressort de l’examen que nous avons pu faire du ms. cité (Bibl. Nat., lat. 16268) ; désormais, le système ; illait disparaître avec lui. Sur l’eucharistie, il n’a rien qui doive nous retenir ici.

Une des premières figures qui se présentent dans cette longue série d’auteurs est celle de Guillaume de Champeaux († 1121), qui se place à côté de son maître Anselme de Laon ([ 1117). D’Anselme, on a public quelques fragments qui nous donnent de son enseignement une idée meilleure que celle que l’on retire de ses Senleniisc citées plus haut ; l’écolâtre de Laon y discute quelques questions relatives à l’eucharistie. Anselmi Lauduneiisis… SeiUentius cxceiplas…, édit. G. Lefèvre, Évreux, ISO.’î, n. 6, 10, p. 12, 19. La présence réelle sous chaque espèce y est clairement exposée à propos de la communion des enfants. Une même affirmation se retrouve dans un texte de Guillaume de Champeaux, jadis publié par Mabillon, Acta ordinis S. lienedicli, t. iii, p. i.iii ; P. L., t. clxhi, col. 1039-1010, et qui fait partie de l’ensemble de ses Sententise vel quæslioncs xi.vii. Voir le texte dans G. Lefèvre, Les variations de Guillaume de Champeaux dans la question des uniuersaux. fitudes suivies de documents originaux, dans les Travaux et mémoires de l’université’de Lille, 1898, t. vi, 20, p. 12 1.^). Ce premier essai de systématisation, où ne règne qu’un ordre problématique, donne à l’eucharistie une ou deux pages, n. Il et (in du n. 10 ; voir aussi le n. 12. qui s’occupent avant tout de la communion et, par suite, de lu présence réelle, sous l’une ou l’autre des espèces. On peut en rapprocher le fragment d’Anselme déjà cité. Les paroles de Guillaume iiioiitrenl comment ici encore une fois, comme fréquemment ailleurs c’est le cas dans l’histoire des institu tions, l’usage pratique affirme depuis longtemps une croyance, dont l’expression tarde à se produire dans la théorie ou dans les essais systématiques. Cette constatation nous paraît réduire l’importance attachée à la lettre d’Anselme par Harnack, Lchrbuch der Dogmengeschichte, 4^^ édit., 1910, t. iii, p. 386, note, et Loofs, Leilfaden dcr Dogmengeschichte, 4e édit., 1906, p. 504.

De l’enseignement d’Abélard, qu’il serait spécialement intéressant de connaître sur l’eucharistie, nous ne possédons plus le texte, au moins pour la plus grande partie. Il nous reste quelques échos de ses idées dans les accusations de ses adversaires, surtout à propos de la substance du pain et du vin qui disparaîtraient : in aère. Voir plus loin. Il faut, pour reconstituer son œuvre dans ses grandes lignes et refaire plusou moins la physionomie de ses traités, recourir aux Sententise de ses élèves ou de ses disciples éloignés qui tous ont des traits communs aisément reconnaissables. Le Sic et non déjà mentionné, et qui n’a pas le sens rationaliste qu’on a souvent voulu y voir, rentre dans la catégorie des dossiers patristiquts.

Seul, Hugues de SaintVictor, De sacrameniis, 1. II, part. VIII, P. L., t. cLxxvi, col. 461-472, se sépare nettement de ses contemporains comme méthode, matériaux et vigueur de pensée. Il ne cite pas un seul texte des Pères sur l’eucharistie. S’il les rappelle, c’est pour dire qu’ils ont ajouté quelques cérémonies aux rites de la messe dans la suite des âges, c. XIV, col. 472, et n’apporte que quelques citations de l’Écriture. Tout le contenu de son traité est un exposé de la doctrine, entremêlé de raisonnements fermement pensés ou de sages réflexions qui s’inspirent fortement, du reste, de la tradition ; il s’est pénétré de la moelle de la doctrine léguée par les Pères et écrivains ecclésiastiques sans qu’il sente le besoin d’apporter leurs citations. Ce qu’il nous dit de la toute-puissance et de la volonté divines, en divers endroits, montre tout de suite qu’il est dans la ligne d’Ambroise et du pseudo-Eusèbe d’Émèsc (Fauste), en passant par Guitmond et Paschase Radbert. L’importance de son œuvre nous force à en indiquer ici le programme général : importance de ce sacrement, c. i ; institution, c. ii ; corps mortel ou immortel donné en communion aux apôtres, c. m ; communion de Judas ante buccellam, c. iv : agneau pascal, figure de l’eucharistie, c. v ; erreurs : non figura vel imago sed Veritas, c. vi ; théorie du sacramentum, res, gratia, c.u ; pourquoi présence réelle in specie panis, c. vin ; vraie conversion, c. ix ; les trois parties de l’hostie divisée, c. x ; Jésus-Christ présent dans tous les fragments, c. xi, grâce à la toute-puissance ; questions des anciens stercoranistes, c. xii, xiii ; quelques mots sur la messe, c. xiv.

Cet exposé est court : la suite des chapitres permet de retrouver ici encore la fidélité de Hugues à s’attacher à l’ordre historique et à la succession des faits dans ses développements. Plus loin, nous analyserons quelques particularités de sa doctrine, il la présente toujours avec beaucoup de fermeté, mais non moins de discrétion, de modestie et de respect pour la sublimité du mystère.

, Représentant d’un mouvement scolaire assez peu étudié jusqu’ici et <le conceptions anciennes restées davantage à l’écart des tendances qui prédominent dans le groupe abélardicn, les Srntenlia’de Robert Pulleyn (f ll.’)3 ; en 1133, il ressuscite à Oxfor.l les études sacrées quasi disparues, d’après la chronique de Th. Wykes dans les Annales monaslici, édit. Luard, Perum britanniraruin mrdii fcri scriplores cii Chronicles and memorials, t. xxxvi, 4, ji. 19) présentent un réel intérêt grâce aux renseignements qu’elles nous fournissent sur diverses opinions d’écoles, sur des usages