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EUCHARISTIE DU XITP AU XV « SIftCLE


traités d'école, avec plus d’abondance verbale et dans des cadres moins techniques. Tels sont le De sacramento eucharisliæ de Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris, en sept chapitres. Opéra omnia, in-fol., Venise, 1591, part. II, p. 410-431 ; le Liber de sacramento eucharisliæ d’Albert le Grand, Opéra, Paris, 1899, t. XXXVIII, p. 191-432. D’autres sont des commentaires développés des Senlenccs de Pierre Lombard, dont ils suivent le plan exposé plus haut, col. 1260 sq. Nommons ceux de saint Bonaventure, d’Albert le Grand, de saint Thomas, de Pierre de Tarentaise, de Richard de Middletown, de Duns Scot, voir t. iv, col. 1870-1871. Des Sommes, plus indépendantes du Maître des Sentences dans le plan et la méthode, sinon dans la doctrine, virent aussi le jour. On connaît la Summa iheologiæ d’Henri de Gand, Paris, 1520 ; VUniversæ iheologiæ summa d’Alexandre de Halès, part. IV, q. x, Venise, 1575, t. IV, p. 122-228 ; la Summa contra génies, 1. IV, c. LXi-Lxix, et la Summa Iheologica, III » , q. lxxiiiLxxxiii, de saint Thomas d’Aquin. Enfin, on trouve des résumés substantiels de la doctrine eucharistique danse Breviloquium, part. VI, c. ix, de saint Bonaventure et dans la prose Lauda Sion, de la messe du saint-sacrement par saint Thomas.

Dans ces divers écrits, la doctrine eucharistique, ébauchée au xiie siècle, s'élabore définitivement et atteint en saint Thomas sa perfection. Héritiers de leurs prédécesseurs, les scolastiques du xiiie siècle profitent des ressources scripturaires et patristiques, accumulées par eux, les complètent, précisent encore leur terminologie déjà en progrès, discutent leurs essais de solution, rejettent ceux qui leur paraissent insuffisants, fortifient et mettent en lumière les explications les mieux réussies et en proposent parfois de nouvelles. Ils ont à leur service une langue plus précise et plus nette, ils suivent une méthode plus rigoureuse et ils se servent, les derniers surtout, pour la systématisation des données révélées, de la philosophie aristotélicienne, définitivement introduite dans les écoles catholiques par saint Thomas. Leurs explications de la transsubstantiation, du mode d’existence du Christ dans l’eucharistie et de la persistance des accidents sans sujet connaturel d’inhérence sont notamment plus fermes et plus nettes. L’enseignement de ces docteurs est identique, pour le fond, et il n’est différent que sur quelques points particuliers, que nous indiquerons plus loin.

2° Au xiv « et au xve siècle, les docteurs catholiques continuent à expliquer le Maître des Sentences, mais ils suivent les voies tracées par saint Thomas et Duns Scot, qui deviennent les chefs de deux écoles divergentes. Les dominicains restent généralement fidèles au docteur angélique ; nommons Pierre de la Palu, In 111^"^ el /V"™ Sent., 2 in-fol., Paris, 1517, 1518, et Capréolus, le prince des thomistes, Defensiones tlieologiæ divi Thomx Aquinalis, In IV Sent., Opéra, édit. Paban et Pègues, Tours, 1906, t. vi, p. 144-294. Voir t. ii, col. 1694. En rapprocher les 32 sermons De eucharislia, attribués à Albert le Grand, qui sont du xv » siècle. Voir A. Vacant, Histoire de la conception du sacrifice de la messe dans l'Église latine (extrait de l' Unil’erszVé ca/Ao/içue), Paris, Lyon, 1894, p. 40, noteS, et plus haut, 1. 1, col. 674-675. Les deux traités : De venerabili sacramento altaris ; De sacramento eucharistise, qui figurent au nombre des apocryphes de saint Thomas, peuvent passer pour des écrits de doctrine thomiste, appartenant à l'école du docteur angélique. Jean de Paris († 1306) a écrit un petit traité De modo existendi corporis Christi in sacramento altaris, où il propose des idées nouvelles qui ont été réfutées par les autres docteurs. Durand de Saint-Pourçain, plus tard, s’est joint aux nominallstes. Voir t. iv, col. 1965. Les franciscains restent régulièrement fidèles à la pensée

de Duns Scot. Citons Pierre d’Auriol, François Mayron et François de Baccho dans leurs commentaires du IV « livre des Sentences. L’augustin Gilles de Rome a commenté les Sentences et a publié deux écrits spéciaux : un Tractatus de corpore Christi, Bologne, 1481, et des Theoremata in hostia consecra/a, Cologne, 1490. lisse rattachent à l'école scotiste, ainsi que les nominalistes, Guillaume Occam, Holkot, Durand de SaintPourçain, Gabriel Biel et Pierre d’Ailly. Nous signalerons plus loin les points de doctrine sur lesquels ils s'écartent du sentiment commun. On leur attribue à tort une sorte de consubstantiation du pain et du corps du Christ, qui aurait amené Luther à imaginer la théorie de l’impanation. Voir encore le De corpore Christi de Nicolas de Lyre, Paris, 1513.

II. Leur doctrine eucharistique.

Nous ne relaterons pas ce que les docteurs de cette époque ont dit des noms et des figures de l’eucharistie. Ils envisagent l’eucharistie comme sacrement plutôt que comme sacrifice, et ils le distinguent des autres sacrements principalement en ce qu’il n’est pas un simple signe, mais en ce qu’il contient vraiment, réellement, corporellemenl, le corps du Seigneur pour être la nourriture spirituelle des chrétiens et qu’il est un signe permanent dont l’existence est antérieure à l’usage qu’on en fait ; on peut donc grouper leur doctrine eucharistique autour de ces quatre points principaux : 1° la présence réelle du Christ au sacrement ; 2° la transsubstantiation ; 3° le mode de présence ; 4° le sacrement lui-même.

Présence réelle.

1. Son existence et sa démonstration. — Tous sans exception enseignent la présence

réelle du Christ. Ils n’en donnent pas tous les mêmes preuves. Guillaume d’Auvergne en appelle à la promesse : Caro mea vere est cibus et sanguis meus vere est potus. Joa., vi, 56. De sacramento eucharisliæ, c. iii, dans Opéra omnia, part. II, Venise, 1591, p. 420-421. Alexandre de Halès raisonne sur les paroles de l’institution : Hoc est corpus meum, qui affirment la présence véritable du corps sous les espèces et qui sont la forme de la consécration du pain. Summa theol., part. IV, q. X, m. VII, a. 3, § 1, Venise, 1575, t. iv, p. 193. Le B. Albert le Grand tient le contraire pour une hérésie, mais, pour le prouver, il recourt au raisonnement et ne cite aucun texte, soit scripturaire, soit patristique. In IV Sent., 1. IV, dist. X, a. 1, Opéra, Paris, 1894, t. XXIX, p. 244. Saint Bonaventure prouve que le corps du Christ est vraiment à l’autel mulliplici auctoritate, et il cite les paroles de l’institution : Hoc est corpus meum, l’attestation de saint Paul : Panis quem frangimus nonne participalio corporis Domini est ? I Cor., X, 16, qui vont directement à la thèse, et aussi l’affirmation du Sauveur ressuscité : Ecce ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem sœculi, Matth., xxviii, 20, qui prouve bien son assistance perpétuelleà l'égard de l'Église, mais non sa présence au sacrement. In IV Sent., 1. IV, dist. X, part. I, a. 1, q. i. Opéra, Lyon, 1668, t. v, p. 108. Saint Thomas recourt à l'Écriture et à la tradition, à l'Écriture, en montrant dans l’eucharistie la réalisation de la promesse du Christ, Joa., vi, 56, 57, Cont. génies, 1. IV, c. lxi ; Sum. theol., III » , q. lxxv, a. 1 ; et en citant les paroles de l’institution, 7/j IVSent., .lV, dist. X, a. l ; à la tradition, en invoquantles témoignages de saint Hilaire, de saint Ambroise et de saint Cyrille de Jérusalem (ce dernier est cité pour la première fois en la matière). Sum. theol., ibid. Duns Scot s’appuie sur les paroles de l’institution, In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, q. i, n. 3, et sur l’autorité, la foi en la présence réelle ayant existé dans l'Église dès ses débuts. Reportala, 1. IV, dist. X, q. i. Cf. J. Tunnel, Histoire de la théologie positive depuis l’origine jusqu’au concile de Trente, Paris, 1904, p. 313, 443, 444. Tous les autres docteurs subséquents ou qui