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EUCHARISTIE DU XIIP AU XV" SIÈCLE


se sont écartés du sentiment commun sur sa nature, les nominalistes eux-mêmes, qui ont discuté les preuves de la transsubstantiation, affirment très explicitement la présence réelle du corps du Seigneur au sacrement de l’autel.

2. Sa nature.

Cette présence du Christ au sacrement est véritable, réelle et non pas seulement figurative. Quelques hérétiques, remarque Guillaume d’Auvergne, De sacramento eucharislise, c. iv, p. 423, disent que le signe sulTit ; mais, une image ne nourrit pas les âmes et ne satisfait pas pour elles. Pour saint Bonaventure, In IV Sent., 1. IV, dist. X, a. 1, q. i, c’est une erreur et même une hérésie que de prétendre que le corps du Christ n’est à l’autel que comme dans un simple signe ou symbole. C’est aussi le sentiment d’Albert le Grand, In IV Sent., 1. IV, dist. X, a. 1, de saint Thomas qui déclare que le corps du Christ, vraiment présent à l’autel, est celui qu’il a pris de la sainte Vierge, et qui prouve la nécessité de cette présence réelle pour que le principal effet de l’eucharistie, qui est l’union parfaite du chrétien avec le Christ, se réalise. In IV Sent., 1. IV, dist. X, a. 1. Le docteur angélique ajoute d’autres raisons de convenance. Sum. titeol., III » , q. i.xxv, a. 1. Richard de Middletowu regarde comme une erreur très grave et impie, que tous les catholiques doivent détester souverainement et poursuivre, la négation de la présence réelle du corps du Christ au sacrement de l’eucharistie. In IV Sent., 1. IV, dist. IX, a. 1, q. i.

2 » La transsubstantiation. — 1. Sa démonstration. — La transsubstantiation du pain au corps du Christ est simplement affirmée par Guillaume d’Auvergne : le l)ain céleste et vivifiant vient sur l’autel ; il n’y a plus de i).iiu naturel et visible ; seuls, les accidents demeurent et le pain consacre les porte. De sacramento eucliaristiic, c. I, Opéra, part. ii, p. 414-415. Alexandre de I laies donne la conversion du pain au corps du Christ comme l’effet de la consécration et il affirme que nil remanet prêter aceidentia. Summa theol., part. IV, q. x, m. v, § 1, 2, p. 182. Les autres docteurs ne se bornent pas à démontrer la présence réelle ; ils prouvent que cette présence est le résultat d’une conversion réelle du pain et du vin au corps et au sang du Seigneur, conversion qu’ils appellent couramment transsubstantiation oxi changement de la substance des éléments en la substance du Christ. Albert le Grand, In IV Sent., 1. IV, dist. XI, a. 8, saint Bonaventure, In IV Sent., 1. IV, dist. XI, part. I, a. 1, q. i, et saint Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XI, q. i, a. 1, sol. 1° ; Conl. (jenles, 1. IV, c. lxiii ; Sum. Ilteol., III >, q. lxxv, a. 2, l’ont prouvé par les paroles mêmes de l’institution de l’eucharistie. Les mots : Hoc est corpus mcum ne seraient pas vrais, si la substance du pain restait dans le sacrement après leur prolalion sur la matière ; si la substance du pain demeurait, il faudrait plutôt dire : Ilic est corpus meum. La doctrine de la permanence du pain avec le vrai corps du (Christ après la consécration est flonc hérétique, puisqu’elle contredit la vérité de l'Écriture. Il ne demeure que les accidents ; la forme substantielle du pain elle-même ne demeure pas.

Richard de Middletown admet la transsubstantiation avec l’opinion conmiunedes théologiens, ço/a lioc sacratissimæ fidei christianæ concordai, et sacræ Scripturæ, et sententiæ Ecclesiæ. In IV Sent., 1. IV, dist. XI, a. 1, q. i.

Cependant, tout en admettant la transsubstantiation comme les docteurs [irccédenls, Duns Scot attaqua ouvertement l’argunient scripluraire de saint Thomas et le déclara sans valeur. Les paroles de l’institution ne prouvent pas, à elles seules, la conversion, et Jésus aurait pu les prononcer, même s’il avait voulu laisser subsister le pain et le vin. Le dorteur subtil établit la transsubstantiation sur la trailition ecclésias tique et surtout sur l’autorité de l'Église. Voir t. iv, col. 1916-1917. C’est donc une grave erreur que de lui attribuer une sorte de consubstantiation ou d’impanation, comme le fait Goetz, Die heutige Abendmahlsjrage, Leipzig, 1907, p. 24. Les nominalistes du xiv » et du xve siècle ont repris à leur compte la discussion de Scot sur l’argument scripturaire de saint Thomas. Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., 1. IV, dist. XI, q. I, n. 15 ; Occam, Quodlibct, IV, q. xxix, xxx ; Pierre d’Ailly, In IV Sent., I. IV, q. vi. Toutefois, si ces théologiens nominalistes prétendent que la transsubstantiation ne peut être prouvée par l’autorité de la Bible pas plus que par la raison, ils ne nient pas pour cela son existence et Occam, leur prince, l’admet comme Duns Scot, propter determinationem Ecclesiæ. De même, Pierre d’Ailly, quiy ajoute l’opinion commune des saints docteurs. C’est donc à tort que R. Seeberg attribue à Occam la théorie de la consubstantiation, admise depuis Duns Scot. Art. Oci<am, dans Realencyclopddic fiir protestanlisehe Théologie und Kirehe, Leipzig, 1904, t. XIV, p. 276. Il n’est question que d’une possibilité et non du fait. Cf. J. Turmel, op. cit., p. 313-314. G. Biel enseigne, lui aussi, que la substance du pain ne demeure pas après la consécration et que, seuls, les accidents demeurent. Sacri canonis missie expositio, lect. XL.

2. Sa possibilité.

Saint Thomas la démontre brièvement. Sum. theol., III » , q. lxxv, a. 4. La conversion de la substance du pain au corps du Christ ne ressemble pas aux conversions naturelles ; elle est tout à fait surnaturelle, produite par la seule puissance divine, comme la conception virginale, selon saint Ambroise. Un agent créé ne peut agir qu’en changeant une forme ; aussi, toute conversion naturelle est formelle. Dieu, dont la puissance active est infinie, peut non seulement faire succéder diverses formes dans le même sujet, il peut encore changer toute la substance d’un être en la substance d’un autre être, et c’est ce qu’il fait au sacrement de l’autel, où il change toute la substance du pain en toute la substance du corps du Christ et toute la substance du vin en toute la substance du sang du Christ. Aussi, (hms sa Summa contra génies, I. IV, c. Lxii-Lxviii, s’efforce-t-il de résoudre toutes les imiiossibilités que les infi<lèles trouvent à cette conversion substantielle. De son côté, Duns Scot montre la possibilité d’une conversion de cette sorte par la toute-puissance de Dieu. / ; i IV Sent., 1. IV, dist. XI, ((. I, II. Voir t. IV, col. 1916-1917. S’il déclare que Deus potest absolute farcre corpus suum esse præsens cum pane, manente subslantia panis, Rcportata, 1. IV, dist. X, (|. I, n. 7, il est faux de prélendrc, comme le fait R. Seeberg, art. Duns Scotus, dans licatencyclopàdic fiir protestanlisehe Théologie und Kirehe, Leipzig, 1898, t. v, p. 73, qu’il n présenté avec prédilection la théorie que les substances du pain et du vin persistaient avec la substance du corps du Christ. Il en a réfuté les arguments, et il a exposé et discuté de la même manière les théories de l’annihilation, de la résolution en la matière I)rcmière et de la corruption. In IV Sent., 1 IV, dist. IX, q. III.

3. Sa nature.

Alexandre de lialès compare la transsubstantiation à l’incarnation et à la création. Dans l’incarnation, il n’y a pas de mouvement ; la personne du Verbe reste immobile et sans changement ; elle a pris seulement la nature humaine, sans y produire aucun changement. Dans la création, il n’y a pas d'élément immobile et permanent ; il y a production d’une substance totale ex nihilo. Dans la transsubstantiation, il y a mouvement et changement ; il n’y a pas de sujet connnnn comme dans l’incarnation, sinon les accidents qui demeurent séparés de la substance du pain et du viii, qui sonlconservés miraculeusement et sont doués niiraculeusenient aussi du